MALI : les incidents tragiques de Niono

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Déclaration du parti SADI sur les incidents tragiques survenus à Niono, le 19 septembre 2019.

Le 19 septembre 2019, un jeune manifestant répondant au nom de Adama Dembélé dit Papou et le Commissaire Divisionnaire Siaka Tounkara exerçant à Niono, ont été tués tragiquement au cours d’une manifestation qui a dégénéré et qui s’est soldée par de nombreux blessés parmi les manifestants et les policiers, le saccage et la destruction du Commissariat de Police qui a été par la suite incendié, tout comme le matériel et les archives ainsi que les véhicules et les engins qui se trouvaient dans la cour.

Ces incidents tragiques sont survenus suite à l’opposition ferme des populations de la localité au retour du Commissaire dont elles avaient exigé le départ à la suite d’un incident survenu dans la ville lors d’une opération de contrôle de vignette lancée par la Mairie a la veille de la fête de Tabaski. Ce jour-là, un motocycliste, a la suite d’une altercation avec un élément de la police a eu la jambe fracturée.

Lorsque la nouvelle de cet incident s’est répandue comme une trainée de poudre, des manifestations spontanées ont convergé à la mairie pour dénoncer cette opération de contrôle, exiger son arrêt immédiat et sans condition, l’ouverture d’une enquête pour élucider les circonstances réelles de l’incident, la traduction de l’agent de Police devant les tribunaux. Une descente musclée de la Police dispersa les manifestants qui dresseront des barricades enflammées sur certains axes routiers.

Le lendemain, le Maire a pris la décision de sursoir au contrôle des vignettes, en présentant ses excuses aux populations, reconnaissant au passage que l’opération avait été mal organisée. Au cours d’une rencontre publique qu’il a initié à cet effet pour renouer le fil du dialogue, les populations ont exigé des poursuites judiciaires contre l’agent de Police, le départ du Commissaire qui n’a pris aucune sanction disciplinaire contre son agent fautif, mais qui a décidé de réprimer aveuglement une manifestation pacifique. En plus, ils ont dénoncé les patrouilles nocturnes (qui commencent dès 20heures pour s’achever vers 5heures du matin) qui n’ont eu aucun impact positif sur leur sécurité, et proposé qu’elles commencent à O heure.

A l’appui de cette revendication, ils ont rappelé que des centaines de motos ont été volées dans la ville et ses alentours et qu’aucune action concrète venant de la police, n’a établi l’efficacité et la pertinence de ces patrouilles qui ressemblent plus à des opérations de rançonnement que de sécurisation dans une zone ultra-sensible, en proie à l’insécurité généralisée et de surcroit, considérée comme une zone grise ou opèrent des éléments djihadistes (pour mémoire, c’est ici que le juge Sounkalo Kone a été enlevé en plein jour au nez et à la barbe des forces de sécurité).

Ayant pris la mesure de la situation, le député élu de la Circonscription de Niono Amadou Araba Doumbia, fera des pieds et des mains auprès du Ministre de la Sécurité Intérieure, le General Salif Traore, afin de prendre en compte les revendications, désamorcer la crise de confiance qui s’est installée entre les populations et les représentants de l’Etat et l’attitude de défiance que cela pourrait engendrer. Malheureusement, le ministre de la Sécurité Intérieure n’a pas été à la hauteur de la situation. Il n’a pris aucun geste d’apaisement ni mesure préventive pour gérer la situation sous le prétexte qu’en accédant aux revendications des populations, ce sera un appel d’air, un précédent fâcheux, un signe de faiblesse de l’autorité de l’Etat.

En réaction à ces évènements malheureux, les autorités, comme d’habitude, ont procédé à une répression d’une extrême brutalité, laquelle jure avec les principes élémentaires de respect de l’intégrité physique et morale des citoyens dans un Etat de Droit : arrestations à tour de bras, exactions, séances de punitions collectives menées sans discernement par les forces de l’ordre contre les populations qui sont sauvagement bastonnées et piétinées comme des vers de terre, rackets systématiques, incendie de la radio kayira (vraisemblablement et selon plusieurs témoignages concordants) par des éléments de patrouille qui puaient a cent lieux l’alcool..

Le bilan fait état de l’arrestation de 48 personnes, tous déportés à Ségou, avec instauration insidieuse d’un cycle de violence/répression encouragée par l’Etat qui montre son incapacité à contrôler les agents chargés d’assurer la sécurité et la quiétude des populations et à sanctionner les éléments indisciplinés qui agissent impunément.

Le parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance dans cette douloureuse circonstance :
– Condamne sans réserve la mort par balle du jeune Adama Dembélé dit Papou et du Commissaire Issiaka Tounkara ;
– Exprime à leurs familles, parents et proches, ses condoléances attristées et prie pour le repos de leur âme ;
– Apporte son soutien aux syndicats de la Police qui ont condamné sans réserve l’irresponsabilité du Ministre de la sécurité Intérieure ;
– Condamne l’incendie de la radio Kayira de Niono ;
– Dénonce sans réserve les exactions perpétrées par les forces de sécurité sur les populations et leurs biens, les rackets systématiques opérées en toute impunité lors des opérations de ratissage ;
– Rappelle que l’Etat malien a de tout le temps payé les populations, les élus locaux et les Chefs de village par le mépris et l’abandon. Il a de tout temps opposé la violence aux revendications justes légitimes des populations, permis les rackets, le vol de ses agents comme ce furent les cas de Kita et Loulo en 2009, de Kenieba, Kosiga, Yelimane, Toukamagan a Bafoulabe, Gao et Tombouctou en 2018, Badalabougou en 2019 etc… ;
– Souligne que ces évènements malheureux de Niono, comme partout ailleurs au Mali, traduisent le sentiment de malaise général des citoyens qui refusent désormais l’oppression administrative et politique, l’incurie des organes de l’Etat, la mauvaise gouvernance. C’est la raison pour laquelle, ils créent partout en République du Mali, de nouveaux organes de pouvoir pour évincer ceux de l’Etat, symbole de l’incurie et de l’injustice afin de prendre en charge leurs légitimes revendications.

Bamako, le 24 septembre 2019

Le Bureau Politique

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