Les élections législatives ivoiriennes du 6 mars 2021 ont marqué le grand retour des pro-Gbagbo sur la scène politique, après 10 années de boycott des scrutins précédents. Cette tendance du FPI communément appelée GOR, est aujourd’hui la locomotive de la plateforme Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS). Cette plateforme pro-Gbagbo a donc choisi de s’allier au PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié l’autre poids lourd de l’opposition. L’objectif de la participation d’EDS et ses alliés, à ce scrutin, visait à détenir la majorité à l’Assemblée nationale, afin de contrer l’absolutisme du pouvoir.
Toutefois, la participation des trois grandes formations politiques à une élection, suscitait des inquiétudes. Car en Côte d’Ivoire, la période électorale est souvent synonyme de tensions et de violences parfois très sanglantes. Cependant, il est important de mentionner que l’issue de ce scrutin législatif, est particulièrement surprenante. En effet, malgré le constat de quelques incidents liés à la contestation des résultats à divers endroits, le scrutin du 6 mars 2021 s’est déroulé dans le calme. Une première depuis la fin de la crise postélectorale. Les élections législatives pourraient donc annoncer une nouvelle ère : celle d’une Côte d’Ivoire démocratique et apaisée.
L’opposition dans une nouvelle ère de conquête pacifique des postes électifs.
Les élections législatives se sont déroulées sans la moindre perte en vie humaine, et semblent annoncer la fin de la violence électorale en Côte d’Ivoire. Dans cet environnement politique désormais pacifique, il est important de féliciter l’opposition (EDS /PDCI), du moins la plateforme pro-Gbagbo pour sa participation au scrutin. Si le RHDP arrive en tête avec 137 sièges sur 255, grâce notamment à découpage électoral partisan (une pléthore de sièges attribués aux localités du Nord, bastion du RHDP), notre première satisfaction porte principalement sur le fait que huit des trente ministres-candidats du parti de Ouattara soient battus dans leurs localités respectives. Parmi eux, le porte-parole du gouvernement Sidy Touré, ministre de la Communication et des médias. Raymonde Goudou Coffie, ministre de la Culture et de la Francophonie, ou encore, Moussa Dosso, ministre des Ressources animales et halieutiques. On peut donc affirmer que la participation d’EDS et ses alliés aux futures élections sénatoriales, municipales et régionales permettra à ces derniers, de galvaniser les militants et sympathisants encore endormis par une décennie de boycott inutile, dans la perspective d’une alternance en 2025.
La deuxième satisfaction est relative à la difficulté qu’aura Ouattara de modifier la Constitution à sa guise, pour manœuvrer par exemple, sur des questions relatives à sa succession. Pour rappel, la Constitution ivoirienne de 2016, lui permettait de la modifier sans avoir recours au referendum, en réunissant la majorité des deux tiers des membres du Congrès (sénateurs et députés) effectivement en fonction. C’est-à-dire 237 députés et sénateurs. Mais dans ce cas actuel, les 137 nouveaux députés auxquels s’ajoutent les 82 sénateurs RHDP (dont 33 nommés) lui donnent pour l’instant, 219 députés et sénateurs. C’est-à-dire moins des deux tiers du Congrès. Le bras de fer entre le RHDP et l’opposition pour récupérer les élus « indépendants » aura certainement lieu. Mais à ce rythme, la participation de l’opposition aux prochaines élections sénatoriales, empêchera certainement le régime Ouattara de modifier la Constitution, à la veille du scrutin présidentiel de 2025.
La troisième satisfaction concerne l’expérience acquise par l’opposition sur le terrain pour détecter toutes les techniques de fraude du parti au pouvoir, comme ce fut le cas dans la ville d’Agboville. Ainsi, la présence de la plateforme EDS et ses alliés, aux prochaines élections, sénatoriales, municipales et régionales lui permettra de découvrir les rouages de la fraude électorale. On verra donc une opposition plus expérimentée et plus aguerrie face à la machine à fraude du RHDP, lors de l’élection présidentielle de 2025.
Cependant, au moment où les observateurs de la vie politique Ivorienne manifestent leur optimisme sur l’avenir électoral de la Côte d’Ivoire, la mort en série des grands personnages de l’Etat s’avère de plus en plus inquiétante.
Les mystères d’un vide institutionnel au sommet de l’Etat.
Quelques temps après l’annonce des résultats des élections législatives, les Ivoiriens apprennent la mort d’un deuxième Premier ministre en l’espace de huit mois. En effet, le 10 mars 2021, le Premier ministre Hamed Bakayoko, la personnalité la mieux placée pour assurer la relève au RHDP, meurt en Allemagne, officiellement des suites d’un cancer du foie foudroyant, diagnostiqué il y a à peine quelques semaines. Il était âgé de 56 ans. En juillet 2020, son prédécesseur, Amadou Gon Coulibaly 61 ans, successeur désigné par Ouattara mourait lui aussi brutalement d’un malaise en plein conseil des ministres, alors qu’il rentrait d’un séjour médical, après de graves complications cardiaques. De tels scénarios alimentent les rumeurs « d’empoisonnements » ou de préparation de la « succession de Ouattara au profit d’un membre sa famille biologique », sur les réseaux sociaux. En Côte d’Ivoire, tout le monde sait que les hautes fonctions du système institutionnel, sont des postes juteux disposant de budgets de souveraineté estimés à plusieurs milliards de Franc CFA. Les bénéficiaires en principe jouissent des meilleures qualités de soins et de vie, ainsi qu’un service de sécurité performant, susceptibles de prolonger au maximum leur espérance de vie.
Mais depuis un an, on assiste plutôt à des scénarios mystérieux au sommet de l’Etat. Outre la primature désormais occupée par un intérimaire, les deux présidents des institutions incarnant le pouvoir législatif (Assemblée nationale, Sénat) ont vu leur état de santé se détériorer considérablement. Depuis le mois de juillet 2020, le président du Sénat Ahoussou Jeannot est en Europe pour un séjour médical. C’est finalement sur les réseaux sociaux que les Ivoiriens découvriront que ce dernier est gravement malade. La Vice-présidence par contre est vacante depuis la démission du dauphin constitutionnel Daniel Kablan Duncan à la veille de l’élection présidentielle de 2020. De même pour la présidence du Conseil économique et social suite au décès de son président Zadi Kessy Marcel à l’âge de 83 ans. Cependant, la mort du Premier ministre Hamed Bakayoko est fortement mise en doute par une bonne partie de la population, désormais influencée par les informations véhiculées sur la toile, par « Chris Yapi », un célèbre cyber-activiste « avatar » spécialisé dans les enquêtes au sommet de l’Etat et dont on ignore vraiment l’identité.
Le Parti de Gauche félicite l’opposition de gauche ivoirienne qui a retrouvé sa place dans la vie politique du pays et en particulier Michel Gbagbo, Georges-Armand Ouegnin et Jean Gervais Tchéidé.
OrisBonhoulou et Pierre Boutry
Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche