Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche
Paris, le 21 novembre 2017
La diffusion par la chaîne CNN d’une vidéo attestant, sur le territoire libyen, de la vente aux enchères comme esclaves, de migrants africains cédés par les passeurs, provoque une légitime réaction d’indignation générale .
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) avait déjà fait savoir en avril de cette année que la traite d’êtres humains était devenue une pratique de plus en plus fréquente chez les passeurs, les victimes étant ensuite soumises au travail forcé ou à l’exploitation sexuelle.
Les discriminations vécues par les populations noires dans les pays arabes sont hélas trop souvent passées sous silence car légitimées par la mémoire collective des peuples de ces régions. Elles trouvent leur origine dans la traite arabo-musulmane qui débuta au VIIème siècle sur les côtes orientales du continent Africain, un sujet encore tabou aujourd’hui. Mais ce retour de pratiques esclavagistes est profondément révoltant et fait éclater à la face du monde un ensemble de responsabilités à commencer par celles de l’UE.
Certes, la Libye, riche en pétrole, est en proie au chaos depuis la chute en 2011 de Mouammar Kadhafi suite à la décision calamiteuse de Sarkozy d’intervenir dans ce pays. On ne dénoncera d’ailleurs jamais assez le rôle pervers de Sarkozy dans la déstabilisation de l’Afrique. Depuis, des milices rivales se disputent le pouvoir et les jihadistes et trafiquants se sont implantés durablement dans le pays.
Mais là n’est pas la raison principale de ce retour du refoulé esclavagiste.
Le Haut Commissaire des Nations unies (ONU) aux droits humains, Zeid Ra’ad Al-Hussein, a eu raison de dénoncer, mardi 14 novembre, la détérioration des conditions de détention des migrants en Libye, qualifiant d’« inhumaine » la coopération de l’UE avec ce pays. Il a également rapporté les souffrances de ces migrants, disant que cet « esclavage des temps modernes » constituait un « outrage à la conscience de l’humanité ».
La raison est en effet à rechercher du côté des accords signés avec les autorités libyennes, accords qui visent à bloquer les migrants à la frontière méditerranéenne via la formation de garde-côtes libyens. Pour protéger ses intérêts, l’Union européenne ne veut pas savoir ce qui se passe pour ceux qui sont interceptés et envoyés dans des camps de rétention. C’est le constat que font plusieurs organisations telles que Médecins sans frontières. Plusieurs ONG dénoncent aujourd’hui l’argent versé, notamment par le gouvernement italien, à des milices qui régulent le flux des traversées. Des milices qui contrôlent aussi les centres de rétention et maltraitent les migrants, qui deviennent alors otages d’une situation qu’ils ne contrôlent plus.
L’égoïsme des nations européennes quant à l’accueil des migrants est patent et scandaleux mais la vraie question est la suivante : jusqu’à quand l’Occident continuera-t-il à soutenir, contre la volonté des peuples, ces potentats et dictateurs africains et leurs complices qui feignent de s’indigner ces derniers temps, mais qui sont les véritables sponsors de ces nouveaux marchands et de ce commerce de la honte ?
Le Parti de Gauche demande une action rapide pour identifier leurs auteurs et complices de ces exactions, en vue de les traduire en justice.
Le Parti de Gauche exige du gouvernement français et de l’UE revoient les conditions de la coopération sécuritaire avec le gouvernement libyen au vu de ses difficultés à contrôler les milices.
Le Parti de Gauche exige que soit mise à l’ordre du jour du prochain sommet UA/UE d’Abidjan la question des migrations et que des mesures drastiques soient prises afin de faire cesser ce scandale de la misère humaine.
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Pierre Boutry