Déclaration de la Commission Afrique du Parti de gauche
Interrogé par le journaliste ivoirien Philippe Kouhoun d’Afrikipresse sur l’enveloppe que les pays du G20 pourraient consacrer au développement de l’Afrique, Emmanuel Macron a expliqué que, selon lui, l’un des défis du continent était «civilisationnel» et que ses problèmes étaient liés entre autres à la surnatalité: « Le défi de l’Afrique, il est totalement différent. Il est beaucoup plus profond, il est civilisationnel aujourd’hui. Quels sont les problèmes en Afrique? Les États faillis, les transitions démocratiques complexes, la transition démographique qui est, je l’ai rappelé ce matin, l’un des défis essentiels de l’Afrique. Quand des pays ont encore aujourd’hui 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien ».
Ces remarques, venant après celles sur les kwassa-kwassa comoriens, s’inscrivent dans une tradition de déclarations grandiloquentes et condescendantes à propos de l’Afrique qui traduit la vision « colonialiste » de la France. Pour Sarkozy l’homme africain n’était pas encore entré dans l’histoire, pour Macron, la femme africaine n’est pas civilisée, comme un écho pervers à la « mission civilisatrice » de la France coloniale.
Pour Macron, l’Afrique est une masse indifférenciée et le corps africain est un fardeau envahissant. La réalité est différente : la fécondité moyenne des femmes africaines est de 4,7 enfants et que ce taux est très variable selon les pays. Rappelons par ailleurs à l’ignorant que c’est le développement économique et social qui conduit à une baisse du taux des naissances et non pas l’inverse. Les femmes africaines ne sont pas responsables du néo-colonialisme, de la corruption, de l’extractivisme, de la dette illégitime, elles en sont les victimes et le G20 plutôt que d’imposer des politiques d’austérité et un libre-échange destructeur devrait favoriser l’alimentation, l’éducation et la santé comme conditions préalables à un développement équilibré de l’Afrique.
Macron, pourtant fier de son érudition, n’a pas intégré Frantz Fanon, Albert Memni, Aimé Césaire ou Edouard Glissant dans sa pensée ; il n’a pas compris que la France a une histoire métissée et que nous vivons une mondialisation post-coloniale qui implique un esprit d’ouverture. Son insistance sur la responsabilité du facteur démographique dans le retard de développement de l’Afrique révèle par l’inversion délibérée de cause qu’elle introduit, un mépris raciste et sexiste par rapport aux femmes africaines. Ceci est indigne d’un président français.
Pierre Boutry