Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche, Paris, le 1er juin 2017
Pendant que Sassou Nguesso inaugure le nouveau barrage de Liouesso construit par les chinois sur la Sangha dans le nord du pays, les massacres des populations continuent dans le Pool et dorénavant la Bouenza.
Le Pool a plongé dans la violence au lendemain de la présidentielle anticipée de mars 2016 et l’annonce d’une inversion des résultats au profit de Sassou alors que le Général Mokoko et Guy Parfait Kolélas étaient les deux seuls qualifiés pour le second tour. Les forces de sécurité lançaient alors, à l’étonnement général, une vaste opération militaire pour arrêter Frédéric Bintsamou, plus connu sous le pseudonyme de pasteur Ntumi, sous le faux prétexte d’avoir fomenté des émeutes dans Brazzaville. Le pasteur Ntumi a été Ministre Délégué général chargé de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre de 2009 à 2016, période pendant laquelle il a consacré son énergie à construire des écoles, des centres de santé et des exploitations agricoles.
Un an plus tard, il reste introuvable, mais la crise a fait un minimum de 20 000 déplacés et plusieurs milliers de morts. La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a dénoncé récemment « la répression à huis clos » en cours depuis un an dans le Pool, tirant « la sonnette d’alarme sur la tragédie des populations » qui se déroule dans « l’indifférence générale ». Le récent rapport humanitaire du Département d’Etat américain, sur la situation dramatique qui sévit actuellement dans le Pool a permis d’alerter les opinions et les médias internationaux.
Début mai, le gouvernement congolais a exprimé son refus de dialoguer avec le pasteur Ntumi sur la situation dans le Pool, tout en affirmant que l’ex-chef rebelle « serait vaincu ». Les bombardements par des hélicoptères pilotés par des mercenaires, s’intensifient et le nombre de morts civils et militaires augmente au point que le haut commandement militaire ne communique plus sur le sujet certainement pour ne pas décourager les hommes de troupe et autres miliciens, mais surtout pour garder le silence sur des faits relevant d’une logique d’extermination. Les déplacés ne bénéficient d’aucune assistance humanitaire. Sur les 13 districts que contient le département du Pool, il y a 6 districts qui sont en détresse, voire dans le chaos. Et dans ces districts, la quasi-totalité des villages ont été détruits, brûlés, des populations se sont déplacées massivement. Ceci crée une situation de pénurie et une augmentation des prix des denrées de base catastrophique pour les populations du Pool y compris à Brazzaville.
Sassou Nguesso a récemment tenu des propos sur France 24 niant l’existence d’une quelconque crise post-électorale et politique notamment dans la région du Pool. Il a réfuté l’idée d’une chasse aux sorcières qu’il aurait livrée contre ses opposants et notamment ceux qui s’étaient présentés à l’élection du 20 mars 2016. Il a affirmé qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques au Congo et qualifié le Pasteur Ntumi et ses hommes, toujours recherchés dans le Pool, de terroristes. Cet acharnement de Sassou Nguesso ressemble décidément à une vengeance personnelle à l’égard d’un ancien adversaire qui l’a combattu pendant dix ans.
Face à ces propos de Sassou Nguesso, les instances de la principale plateforme d’opposition se sont réunies en session extraordinaire. Pour son porte-parole Charles Zacharie Bowao, le président congolais minimise la réalité de la crise dans le Pool. « C’est une guerre où l’on utilise des hélicoptères de combat, il y a aussi des chars, des mortiers, des armes lourdes, énumère-t-il. Ce sont des bombardements au sens où cela s’entend proprement. Tous les jours nous avons des témoignages de gens qui quittent le président Sassou-Nguesso, il a un langage qui ne reflète pas la réalité ».
Quant aux candidats malheureux à la dernière présidentielle, ils sont quasiment tous en prison : cela fait quatre mois que André Okombi Salissa, l’ex-candidat à la présidentielle, se trouve détenu à la DGST, la Direction générale de la surveillance du territoire après avoir été inculpé pour « atteinte à la sûreté intérieure » et « détention illégale d’armes de guerre ». André Okombi Salissa n’a toujours pas été entendu sur le fond des faits qui lui sont reprochés. Le Général Mokoko, véritable vainqueur attendu à l’issue d’un second tour légal, compte tenu de ses réserves de voix au nord du pays, est lui aussi toujours emprisonné ainsi que plusieurs opposants et militants politiques pour lesquels les démocrates congolais expriment de fortes craintes, les risques étant évidents d’apprendre un jour le décès de certains autres desdits prisonniers politiques après celui du Colonel Ntsourou.
Le Parti de gauche déplore l’aveuglement guerrier du tyran prédateur Sassou Nguesso et son mutisme quant à la situation désastreuse des populations du Pool tout en saluant la résistance multiforme qui s’organise sur l’ensemble du territoire national et tout particulièrement dans le département du Pool, ce dont témoigne le cas du Pasteur Ntumi.
Le Parti de gauche exige la libération immédiate et sans condition du Général Mokoko et de l’ensemble des prisonniers politiques, faute de quoi les élections législatives prévues le 16 juillet ne peuvent avoir lieu.
Le Parti de gauche demande au gouvernement français d’user de son influence afin d’obtenir rapidement un cessez le feu dans le Pool et de promouvoir l’ouverture de négociations politiques entre l’opposition réunie, la société civile et le pouvoir en place, sous l’égide de la communauté internationale afin de garantir le respect des conclusions issues desdites négociations.
Pierre Boutry