ALGERIE : des chants pour la liberté

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On trouvera ci-après un texte sur les chants pour le hirak (avec un article du journal Le Matin d’Algérie) suivi d’un texte sur le  8 mai 1945 algérien.

Il a été décidé et publié sur les réseaux sociaux que les manifs de masse seraient supprimés dans la période de confinement lié à la pandémie du coronavirus. Pour autant, le contentieux avec le système demeure, les revendications du HIRAK sont toujours d’actualité et continuent de circuler. Le pouvoir actuel, caractérisé souvent comme du Bouteflika sans Bouteflika poursuit son activité et s’efforce de présenter une image « correcte « aux chancelleries étrangères. Un entretien avec Macron est prévu, ou peut-être une visite du chef de l’Etat algérien à Macron pourrait avoir lieu. Quand on dit du Bouteflika sans Bouteflika, c’est qu’on constate que dans pratique aucune des revendications du Hrak n’est prise en compte et que l’on aurait non pas une constituante, c’est-à-dire une rupture avec le passé, mais un certain nombre de modifications de l’actuelle constitution, très loin des revendications politiques et sociales du Hirak Pendant ce temps la répression continue, pour faire place nette à la bourgeoisie bureaucratique et à bourgeoisie compradore. En réaction à cette situation, les artistes se mobilisent.

Roger Esmiol       Commission Afrique du Parti de Gauche

Nous publions ci-après un article du quotidien « Le Matin d’Algérie » du 22 mai 2020 intitulé : Chants pour la liberté : des artistes chanteront pour le Hirak

Sous l’intitulé « Songs of Fredoom » (Chants de liberté), l’évènement musical sera diffusé samedi à partir de 20H00 GMT (21H00 à Alger) en ligne sur YouTube et sur plusieurs pages Facebook, selon les organisateurs. Il coïncidera avec l’Aïd El Fitr, la fête qui marque la fin du mois de jeûne du ramadan.
L’heure est à la résistance ! De nombreux chanteurs ont décidé de réagir au climat de répression imposé par le pouvoir depuis quelques mois. Samedi, des chanteurs vont unir leur voir pour s’élever contre les arrestations et la censure. Parmi les artistes qui participeront à l’initiative, le groupe algéro-québecois Labess, le rockeur Cheikh Sidi Bémol et la chanteuse de pop amazighe, Amel Zen. La star Souad Massi, qui s’est engagée en faveur du « Hirak », a aussi promis de se joindre à l’évènement.
L’idée du concert est née à l’initiative d’un collectif d’Algériens de la diaspora américaine, Free Algeria, rejoint par d’autres associations d’Algériens basés en France et par le média alternatif Radio Corona Internationale.

« Je participe en solidarité avec les détenus. Il faut les libérer ! Ce n’est pas normal de continuer à réprimer les libertés », a déclaré jeudi à l’AFP Amel Zen. « Nous avons deux virus: le corona et la répression », a-t-elle estimé. Selon le groupe Labess, « la liberté d’expression et le respect des droits de l’Homme sont en danger en Algérie ».
« Les médias sont muselés, des jeunes sont arrêtés pour de simples publications sur les réseaux sociaux. Nous devons les soutenir, montrer qu’ils sont toujours dans nos pensées », a-t-il écrit sur sa page Facebook. Les noms d’une soixantaine de prisonniers du Hirak et les photos de quelques-uns d’entre eux figurent sur l’affiche du concert qui circule sur  les réseaux sociaux.

Les organisateurs ont choisi comme slogans en arabe et en français: « On ne s’arrêtera pas ! On ne se taira pas ! Pour un Etat de droit ! Pour une liberté d’expression ! ».
En dépit de l’arrêt forcé des manifestations du mouvement de dissidence populaire, depuis la mi-mars, à cause de l’épidémie de Covid-19, la répression continue de s’abattre sur les opposants politiques, des journalistes, des médias indépendants et des internautes.

Quinze militants ont été condamnés cette semaine à des peines de prison ferme, dont trois pour leurs publications sur les réseaux sociaux. En pleine épidémie du coronavirus, les convocations et condamnations de militants pacifiques se sont multipliées.

Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une soixantaine de jeunes activistes croupissent dans les prisons depuis plusieurs mois. Ce collectif constitué d’avocats a plusieurs fois dénoncé les procès arbitraires et les arrestations de militants.


« La guerre d’Algérie a commencé à Sétif le 8 mai 1945 » (Mohammed Harbi)

Ce drapeau c’est celui de l’Etoile Nord Africaine créée en 1926 et repris par le mouvement national, C’est aujourd’hui le drapeau de l’Algérie indépendante .Il était porté par Saâl Bouzid le mardi 8 mai 1945 à Sétif .Il est conservé au musée de Sétif.
Dès le premier mai 1945, la tension est grande en Algérie : le mouvement national a décidé d’organiser ses propres cortèges pour le 1er mai, avec ses propres mots d’ordre. A Oran et à Alger, la police et des Européens tirent sur les cortèges. Il y a des morts, des blessés, de nombreuses arrestations, mais les manifs continuent.
Le 8 mai, dans le Nord constantinois, délimité par les villes de Bougie (aujourd’hui Bejaia), Sétif, Bône (aujourd’hui Annaba) et Souk-Ahras quadrillé par les forces de répression, le mouvement national appelle à célébrer la victoire sur le nazisme. Il s’agit de rappeler à la France et à ses alliés les revendications nationalistes, par des manifestations pacifiques. Personne n’a lancé à ce moment un mot d’ordre d’une insurrection pour l’ensemble de l’Algérie.

Le mouvement national avait décidé pour Sétif : rassemblement à partir de la mosquée près de la gare. Le 8 mai était jour de marché ; il y avait donc beaucoup de monde La foule s’organise en manif et marche vers le centre-ville : plus de 10 000 personnes à 8h. La manif va prendre un caractère radical.

Les scouts musulmans commencent à chanter « Min Djibalina » repris par la foule :
Du haut de nos montagnes s’élève la voix des hommes libres
Elle nous appelle au combat pour l’Istiqlal (l’Indépendance)
L’Istiqlal pour notre patrie (watania)
Notre sacrifice pour la patrie est plus important que la vie
Biladi), Biladi ( Mon pays, mon pays), je n’aime que toi.

Des pancartes apparaissent : Libérez les prisonniers politiques, Nous voulons être vos égaux A bas le colonialisme. Vive l’Algérie libre et indépendante .Un scout arbore le drapeau vert et rouge de l’Etoile-Nord africaine interdit par le pouvoir colonial. Le porteur du drapeau, Saal Bouzid-26 ans- s’écroule, touché à mort par le tir des forces de répression.

La violence armée continue de se développer. Des Européens seront lynchés .Un processus d’assassinats se développe à Sétif et aux environs de la ville. Le massacre durera huit jours .Il se passe la même chose autour de Kherrata et de Guelma. Une vaste opération de ratissage est menée : dans certains douars, il ne reste personne. Ce sont des journalistes américains qui constateront les massacres : des files de fellahs sont entrainées hors de leurs douars et fusillés. Ils découvriront des fosses communes remplies à ras bord de cadavres. Des commandos d’Européens participent, comme l’armée coloniale , à la répression.

Manifs et massacres autour de Sétif, Kherrata et Guelma

Une vague d’arrestations est opérées à l’encontre des Algériens considérés comme militants, sympathisants du mouvement national ou suspects. Tous les dirigeants des partis nationalistes sont arrêtés. Le nombre de morts pour les massacres avait été évalué par le mouvement national à 45 000. Une évaluation proche-30 000 environ- a été faite à partir des documents des journalistes américains et de diverses études. C’est un chiffre considérable si on considère la population concernée.

Les Algériens qui avaient lutté en Italie ou en Alsace font une découverte terrible en rentrant au pays : les fusillés de Guelma, les fosses communes et les récits des femmes et des vieux. Beaucoup de militants sont découragés. Certains réagissent très vite : un jeune homme, fils de caïd, Krim Belkacem monte au djebel et recrute 1700 militants amazigh dont 500 combattants potentiels. D’autres comprennent qu’ils n’ont rien à attendre de prétendues réformes jamais appliquées ou de soi-disant élections truquées. Ils estiment que seule l’insurrection armée permettra d’atteindre l’indépendance. Citons Ben Bella qui a lutté à Monte Casino en Italie et où deux de ses frères sont morts dans l’assaut de la position: promo : adjudant ; ou Oumrane : promo sergent ; ou encore Boudiaf : promo : adjudant. On voit à quel point les promos de ces combattants étaient modestes…

Il faudra longtemps pour que ces hommes rencontrent d’autres militants radicaux du mouvement national. Les débats dureront dix ans. Il faudra attendre les années 50 pour que se dessine une perspective de lutte armée, la préparation de celle-ci sur le plan politique et organisationnel .Et le premier novembre 1954, le Hizb as Sawra, le Parti de la Révolution, dénommé alors FLN lancera l’insurrection armée.

Roger Esmiol

Min djebalina traduction de la première strophe

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