Une élection à marche forcée avec le développement de la répression
L’élection présidentielle est fixée au 12 décembre 2019, comme le préconisait le chef d’Etat-major Gaïd Salah dans de multiples déclarations. A ce jour, selon Algérie-Presse-Service, on compte 115 postulants à la candidature pour l’élection présidentielle. Parmi les candidats déclarés, on note des personnalités du « système » anciens premiers ministres et ministres de l’ex-président Bouteflika. On ne connaît pas encore le véritable candidat du pouvoir ; l’Etat-major, pour le moment, n’a adoubé personne.
Les journaux de l’opposition considèrent que le schéma du scrutin, du moins tel qu’il se présente jusque-là, ne devrait pas être différent de ce qu’on a vécu sous Bouteflika, soit une élection adoubée par tout ce que le pouvoir compte comme clientèle.
Le « système » sa police, mais surtout la sécurité militaire ont engagé une politique de répression à l’encontre de l’opposition et des militants du hirak.
Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) une centaine de personnes du hirak demeurent arrêtées : incitation à l’atteinte à l’intégrité territoriale par diffusion des vidéos sur Facebook » et port de pancartes et slogans attentatoires à l’unité nationale, port d’un drapeau amazigh. Des manifestants, surtout des jeunes sont arrêtés au hasard dans les manifs.
Les arrestations, le prolongement de la détention, sans base légale, des détenus d’opinion a pour objet d’intimider les citoyens et les militants qui entendent lutter pour la liberté et la démocratie en Algérie. L’arrestation de Mathilde Panot, député France Insoumise, à Béjaia qui souhaitait rencontrer des acteurs du mouvement populaire a pour objet d’empêcher ces acteurs de populariser leur lutte. La tradition internationaliste doit nous engager à développer notre soutien politique au mouvement populaire algérien.
Qui soutient le scrutin du 12 décembre ?
Le mouvement populaire continue, vendredi après vendredi à se poursuivre. Il en est de même pour les « mardi » des étudiants et des intellectuels. Des manifestations populaires se développent, à d’autres périodes, dans diverses régions du pays. Les slogans entendus dans les manifs ou lus sur les pancartes condamnent le scrutin du 12 décembre et appellent largement à ne pas voter.
La Confédération des syndicats indépendants (CSA) rejoint le hirak. Elle a appelé, dans un communiqué du1°octobre 2019, les travailleurs à « s’engager en force dans le mouvement populaire pacifique». Elle demande « la libération de tous les prisonniers d’opinion du mouvement populaire pacifique », «la levée des restrictions imposées, sous toutes ses formes, lors des manifestations et la facilitation de la tenue de réunions et à revenir sur la décision de fermer les entrées de la capitale et de respecter la loi ». Elle demande également « la garantie du droit à l’information pour tous » ainsi qu’à «la concrétisation des revendications du hirak . Cela exige « la mise en place de conditions, de mécanismes et de garanties, et du fait que la politique de facto n’établit pas une stabilité réelle dans le pays ».
Le front politique pour le boycott du 12 décembre s’élargit
Un nombre de plus en plus important de responsables politiques de partis et de personnalités ont refusé de prendre part à l’élection présidentielle fixée au 12 décembre prochain.
Les partisans d’une période de transition, de l’Alternative démocratique, ont depuis longtemps rejeté l’option électorale. Ils défendent «le nécessaire passage par une courte période de transition» avec le départ de tous les symboles du régime Bouteflika. Il s’agit du FFS, du RCD, du PT, du PST, de l’UCP, du MDS et du PLD.
A ces partis s’est jointe la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH).
D’autres partis, qui ne sont pas dans l’Alternative politique, ont également déclaré leur boycott de ces élections. C’est le cas, par exemple, de Jil Jadid qui a appelé le pouvoir à annuler cette présidentielle. Il considère que « le dialogue officiel n’a pu consacrer des mesures d’apaisement qui auraient dû lui donner ses meilleurs arguments».
Il s’affirme partisan «d’une troisième voie, celle de la sagesse, avec l’assentiment de tous», qui pourrait tracer «le chemin de l’espoir».
D’autres organisations s’opposent aussi au scrutin du 12 décembre Le Parti de la liberté et de la justice (PLJ),(1) a, pour sa part, annoncé son boycott de ce scrutin. Réitérant son soutien au hirak, ce parti considère que «les données actuelles n’encouragent nullement l’organisation d’élections».
Le PLJ estime que rien n’a été fait par le pouvoir pour «privilégier l’option consensuelle». Le PLJ se dit ainsi «convaincu que l’issue urgente à la sortie de l’impasse politique et le soulagement du citoyen passent impérativement par un dialogue sérieux et responsable, seule voie pour la construction du consensus national exigé aujourd’hui plus jamais». Il se dit également convaincu que «les élections projetées doivent émaner d’un consensus, car toute élection consensuelle dégagera un président consensuel».
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(1) Le PLG est un parti islamiste proche des Frères musulmans d’Egypte
Roger Esmiol