Les élections municipales et régionales se sont déroulées le 2 septembre 2023 en Côte d’Ivoire, soit deux ans avant le premier tour de la présidentielle de 2025. Ce scrutin démocratique était donc l’occasion pour les principales forces politiques du pays d’évaluer leur poids au niveau national. Ces élections se soldent par une victoire éclatante du Parti au pouvoir, le RHDP, qui obtient 123 communes sur 201 et 25 régions sur 30. Et ce malgré la présence du président Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire après 10 ans d’absence, et malgré la participation de son nouveau parti, le PPA-CI au scrutin. Le RHDP a gagné même dans les bastions historiques de Laurent Gbagbo. Ce qui laisse penser au retour du monopartisme en Côte d’Ivoire.
Que l’on ne se trompe pas ! Lors de sa conférence de presse organisée le 21 aout 2023, le président Laurent Gbagbo s’attendait bel et bien à un échec de son parti lors de ces élections locales, en reconnaissant d’abord, le désavantage lié aux 10 années de boycott des élections. Très évasif sur une question relative à l’apport de son soutien à son fils ainé candidat à la mairie de Yopougon, le président Laurent Gbagbo n’apportera aucun soutien particulier aux candidats de son parti, tout en prévenant l’opinion nationale et internationale que le scrutin sera émaillé de fraudes.
Le découpage administratif des circonscriptions électorales marqué par une forte « communalisation » du Nord ivoirien, laissait effectivement présager une victoire du parti au pouvoir. En effet, en 12 années de pouvoir, Alassane Ouattara a largement eu le temps de bétonner son régime. Déjà en 2016, le régime Ouattara bénéficie d’un soutien financier massif de la part de ses bailleurs de fond dont le FMI. Ce montant obtenu en peu de temps, estimé à plus de 15 milliards de dollars, est supérieur à la dette laissée par le PDCI-RDA en 40 ans de gestion.
Depuis lors, Alassane Ouattara reçoit des « supers pouvoirs », pour dominer la Côte d’Ivoire de son vivant, en réalisant concrètement des travaux d’infrastructures qui forcent l’admiration de la population, en améliorant considérablement les conditions de vie de l’armée ivoirienne et en dotant ses milices d’armes de guerres modernes.
En 2018, Alassane Ouattara avait même pu obtenir le ralliement de plusieurs cadres du PDCI-RDA, incontournables dans leurs régions d’origine, à son parti le RHDP. En Côte d’Ivoire, les cadres du RHDP sont plus nantis que la plupart des cadres de l’opposition. Disposant des moyens de l’Etat, ces derniers sont proches des populations locales en subvenant très concrètement à leur besoins quotidiens, au nom de la magnanimité du chef de l’Etat, le président Alassane Ouattara. Les séjours de ces cadres du RHDP dans leur région et localité d’origine, sont marqués par des distributions de grosses sommes argent et de dons aux populations locales. Plusieurs villes de Côte d’Ivoire ont connu des transformations notables en termes de bitumes de leur voirie. Ces grands moyens mis à leur disposition leur permettent d’entretenir la base électorale du parti, en créant des réseaux d’allégeance, jusqu’au sein des CEI locales. Finalement, en période électorale, il devient très difficile de battre un cadre du RHDP dans sa localité, même dans un scrutin démocratique et transparent.
Enfin, Alassane Ouattara contrôle les scrutins en plaçant des personnalités partisanes à la tête des institutions phares du processus électoral dont la CEI, l’organe chargé de confectionner la liste électorale et de proclamer les résultats provisoires. Depuis l’arrivée d’Ibrahime Kuibert Coulibaly à la tête de la CEI, la crédibilité de l’institution n’a jamais convaincu l’opposition, ni la population ivoirienne dans son ensemble.
En somme, lors des élections municipales et régionales du 2 septembre 2023, la quasi-totalité candidats cooptés par le président Laurent Gbagbo sera battue par les candidats du RHDP. Même dans les bastions historiques de Laurent Gbagbo. Dans un scrutin émaillé de fraudes massives à l’échelle nationale.
Par exemple, en région« Attié et Abbey», deux groupes ethniques qui ont adhéré à la vision de Laurent Gbagbo dès 1990, Monnet Emmanuel Léon, candidat du PPA-CI est battu par Patrick Achi actuel premier ministre et cadre du RHDP. Dans le quartier de Yopougon, bastion par excellence des militants pro-Gbagbo, Michel Gbagbo est battu par Adama Bictogo, actuel président de l’Assemblée nationale. En somme plusieurs grands noms du PPA-CI à l’instar de Damana Pickass, Lida Kouassi Moise, Justin Kone Katinan, Fleur Aké N’Gbo, Stéphane Kipre etc.. , et même Éric Kahe de l’AIRD, ne parviennent pas à s’imposer dans leur région d’origine.
Sur le plan national, le PPA-CI ne récolte que 2 communes sur 201 (Ouragahio et Grand Zattri) tandis que son alliance avec le PDCI dans certaines localités et régions, réussit à s’imposer dans 10 communes et une région sur 31.
Les résultats des autres partis de la Gauche ivoirienne sont tout aussi catastrophiques. Par exemple, Affi N’Guessan, le leader du Front populaire ivoirien, et président du Conseil régional du Moronou, avait commis l’erreur politique de signer un accord de Partenariat avec le RHDP, le 2 mai 2023. Mais lors de l’élection régionale du 2 septembre, ce dernier a été battu par la candidate du PDCI-RDA, soutenue par le PPA-CI. Éric Kahe, leader de l’AIRD de retour au pays après 10 années d’exil est largement dominé par le candidat du RHDP, dans trois des quatre départements du Guemon, sa région d’origine. La reprise de l’élection dans le quatrième département, pour cause de saccage du matériel électoral, ne changera pas la donne. Quand à Simone Gbagbo,la présidente du MGC, cette dernière a au contraire, combattu des candidats du PPA-CI, en s’affichant aux meetings de leurs adversaires du PDCI-RDA.
Au total, cette débâcle de la Gauche ivoirienne lors des élections locales de 2023 n’annonce pas forcément son déclin, dans la mesure ou le taux de participation était estimé à 36,18 % pour les municipales et 44,61% pour les régionales. Sans oublier que le découpage administratif a été fait au profit du parti au pouvoir. Le véritable bénéficiaire de cet échec est bel et bien le président Laurent Gbagbo.
Conséquences sur le choix du candidat du PPA-CI en 2025.
L’échec de la quasi-totalité des cadres de la gauche lors des élections locales du 2 septembre 2023, traduit une évidence chez les observateurs éclairés : le meilleur atout de la Gauche ivoirienne pour la présidentielle de 2025, reste le président Laurent Gbagbo lui-même.
D’abord, cet échec électoral évitera aux cadres du PPA-CI, désormais broyés par la machine électorale du RHDP, la tentation de « tourner la page Gbagbo ». Mieux, Il permettra une union sacrée au autour du président Gbagbo, pour sa réintroduction sur la liste électorale. Cette question sera facile à aborder, au cas où le RHDP choisit Ouattara comme candidat.
De plus, le choc ressenti par l’ensemble des militants et sympathisants de la gauche ivoirienne lors de ces élections locales du 2 septembre 2023, engendrera une hausse du taux de participation, lors de la présidentielle de 2025.
Désormais, toutes les conditions sont réunies pour évoquer la question de l’unité de la Gauche. Laurent Gbagbo devra donc communiquer sur son intention de réunir toutes les frondes au sein de la Gauche ivoirienne. A savoir Affi N’Guessan dont le parti de possède pratiquement plus d’élus sur le territoire Ivoirien. Mais aussi Simone Gbagbo.
En effet, en cas de candidature d’Alassane Ouattara pour la présidentielle de 2025, l’instauration du scrutin majoritaire uninominal à UN TOUR, sera fatal à une Gauche désunie. Car un scrutin présidentiel dans lequel participeraient Laurent Gbagbo et Charles Ble Goudé, (dans la mesure où leurs noms seraient réinscrits sur les listes électorales), serait à l’avantage de Ouattara.
La reforme de la CEI avant la présidentielle de 2025.
La débâcle des élections locales du 2 septembre 2023 ne traduit pas le déclin de la Gauche ivoirienne. Elle permettra à cette dernière, de faire un état des lieux sur la CEI, autorité administrative indépendante dirigée par Ibrahime Coulibaly-Kuibert, avant la présidentielle de 2025. Car plusieurs cas de fraude sont signalés par les candidats du PPA-CI. Il sera donc nécessaire de régler plusieurs questions, déjà soulevées par Maître Habiba Toure, présidente de la Commission de lutte contre la fraude du PPA-CI, avant la présidentielle de 2025 (la liste électorale, et la composition de la CEI centrale).
Nous avons par ailleurs, expliqué dans nos précédentes publications que la participation de la Gauche ivoirienne aux élections, lui permettait d’acquérir de l’expérience sur le terrain pour détecter toutes les techniques de fraude du parti au pouvoir. Au soir du 2 septembre 2023, le PPA-CI aura découvert tous les rouages de la fraude électorale. Le parti sera donc plus expérimenté et aguerri face à la machine à fraude du RHDP, en octobre 2025. Année pour laquelle seule une Gauche unie munie d’un programme de bifurcation politique peut l’emporter.
Oris Bonhoulou
Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche