Les élections locales en Côte d’Ivoire auront lieu en septembre 2023, soit deux ans avant la présidentielle d’octobre 2025. Dans cet intervalle de temps, tous les scenarios sont possibles dans la vie politique ivoirienne. Par exemple, le retrait des trois grands au profit d’une nouvelle génération, le décès, désistement ou empêchement absolu d’un grand candidat, ou encore un soulèvement populaire de grande ampleur lié au rejet d’une candidature.
Le régime Ouattara après avoir réussi à proclamer les « résultats » de l’élection présidentielle de 2020, dans une situation de troubles, se prépare pour le contrôle des prochains scrutins en plaçant ses hommes sûrs à la tête des organes phares du processus électoral, afin de faciliter la réélection d’Alassane Dramane Ouattara (ADO). Ces nominations ont lieu dans une période de crispation politique liée à la candidature du président Laurent Gbagbo et aux nombreuses irrégularités constatées sur la liste électorale provisoire.
Les hommes fidèles à ADO sont placés à ces postes clés parce que le chef de l’Etat ne compte pas lâcher le pouvoir en 2025.
Les nominations de « militants » aux postes clés du processus électoral : un véritable recul de la démocratie.
Pour « gagner », les élections présidentielles d’octobre 2025, ADO mise sur des personnalités « sûres » pour présider aux institutions phares du processus électoral, au détriment du choix de personnalités consensuelles comme c’est actuellement le cas dans certains pays africains. Il s’agit de la CEI, l’autorité administrative indépendante, qui confectionnera la liste électorale et proclamera les résultats provisoires. Et le Conseil constitutionnel, l’institution qui validera les candidatures et les résultats définitifs.
Dans la Côte d’Ivoire de Ouattara, où les séries de décès au sommet de l’Etat se comptent par dizaine, Il serait inimaginable pour une personnalité nommée à ces postes pourtant assermentés, d’évoquer le « devoir d’ingratitude », une théorie mise en œuvre en France par Robert Badinter, pour affirmer l’indépendance du juge constitutionnel, ou de tout autre haut fonctionnaire agissant pour le triomphe de la démocratie. En Côte d’Ivoire, l’on se souvient que le 2 février 2015, seul l’éminent professeur de droit Francis Wodié avait démissionné, après avoir « constaté l’inégibilité d’Alassane Ouattara pour un second mandat ». Car la Constitution de la Deuxième République était toujours en vigueur au moment des faits.
Depuis lors, des juristes issues de la Rébellion armée de 2002 sont privilégiés et se voient confier la gestion du processus électoral d’octobre 2020. Le 3 février 2015, Francis Wodié est remplacé par le président de la Cour suprême Mamadou Koné. Ce magistrat hors hiérarchie, et membre de la rébellion de 2002, devient le nouveau président du Conseil constitutionnel. Finalement, Mamadou Koné valide la candidature d’ADO pour le scrutin d’octobre 2015, en se fondant sur une théorie imaginaire dont il est l’inventeur : « La réégibilité par dérivation de l’éligibilité de 2010 ». Pour rappel, ADO fut autorisé à candidater en 2010, à titre exceptionnel, conformément aux accords de Pretoria, et à la suite d’une décision du président Laurent Gbagbo prise en avril 2005. L’article 35 de la constitution de 2000 qui interdisait ADO de candidater était toujours en vigueur à la veille du scrutin de 2015.
Trois ans après la promulgation de la nouvelle Constitution de novembre 2016, instaurant la Troisième République, Ibrahime Coulibaly-Kuibert est élu à la tête de la Commission électorale indépendante. Ce Magistrat ivoirien maitrisant parfaitement le langage juridique, était le substitut du procureur au tribunal de première instance de Bouaké entre 2000 et 2002. Des rumeurs racontent qu’il était bien un membre de la rébellion du 19 septembre 2002. Ce que la biographie officielle de ce dernier a toujours démenti. Une chose est certaine, Coulibaly–Kuibert est un proche de Mamadou Koné dont il fut le secrétaire général jusqu’à sa nomination.
Finalement, ces deux organes phares du processus électoral dirigés par des membres ou supposés membres de l’ex rébellion, à savoir la CEI et le Conseil Constitutionnel acteront le troisième mandat d’Alassane Ouattara, alors que l’opposition avait dénoncé cette candidature comme un risque pour la démocratie.
Le 9 mai 2023, soit trois ans après l’élection d’ADO, le magistrat Mamadou Kone, dont on rappellera qu’il affichait une attitude peu rassurante, suant à grosses gouttes, lors de la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle de 2020, est finalement remplacé par la magistrate Chantal Nanaba Camara, à la présidence du Conseil Constitutionnel. Cette fidèle d’ADO proclamera les résultats définitifs du scrutin présidentiel de 2025.
Le mardi 6 juin 2023, à trois mois des élections locales, ADO nomme par décret trois nouveaux conseillers constitutionnels pour une durée de 6 ans. Parmi eux, la magistrate Aimée Zebeyoux, ancienne secrétaire d’État chargée des Droits de l’homme dans le gouvernement RHDP précédent, Abdou Richard célèbre procureur de la République instrumentalisé par le régime Ouattara pour semer la terreur au sein de la population et l’opposition ivoirienne, Sébastien Yedoh Lath, enseignant chercheur en droit public.
Au vu de toutes ces nominations, ADO « qui ne conçoit l’amitié qu’en termes de soumission» selon Charles Konan Banny, tient désormais les organes du processus électoral qui lui permettront, de faire des reformes constitutionnelles, avant de se proclamer vainqueur au soir d’octobre 2025.
La liste électorale entachée d’irrégularités : une conséquence de la mise en place d’institutions partisanes
L’inscription sur la liste électorale par le citoyen est un acte purement administratif et non politique. De ce fait, plusieurs pays dont la France confie cette tache aux organes représentatifs de l’Etat civil dans un Etat moderne : Le ministère de l’Intérieur. En pratique, les officiers d’État civils maires et sous préfets en collaboration avec le préfet actualisent quotidiennement la liste électorale avant de la remettre au ministre de l’intérieur.
Cependant en Côte d’Ivoire, la CEI, autorité administrative indépendante dirigée par un fidèle du parti au pouvoir a des conséquences sur la crédibilité du scrutin présidentiel. Et plusieurs cas sont à observer. D’abord Ibrahime Coulibaly-Kuibert s’obstine à retirer le nom du président Laurent Gbagbo de la liste électorale en ignorant l’existence des décisions supra nationales émanant de la Cour Pénale internationale et de la Cour africaine des droits de l’homme.
De plus, le retrait du président Laurent Gbagbo de la liste s’opère au moment ou certaines personnalités comme Soul to Soul un proche de Guillaume Soro, condamnés à de lourdes peine d’emprisonnement figurent sur la liste électorale, sans oublier des personnes décédées.
La liste provisoire présentée par la CEI compte 8 millions d’électeurs. Cependant, Maître Habiba Toure, présidente de la Commission de lutte contre la fraude du PPACI révèle que 2.094 756 électeurs figurent sur la liste de façon irrégulière (violation de l’article 7 du code électoral) soit le Quart de la liste électorale.
Face à l’ampleur de la situation, le délai de 15 jours fixé par la CEI pour le contentieux s’avère trop court, même si les élections locales (municipales et régionales) prévues le 2 septembre 2023 n’intéressent pas les Ivoiriens.
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Que ce soient ces malversations scandaleuses sur les listes électorales, la nomination d’affidé.es d’ADO dans les instances de contrôle du processus électoral ou la récente irruption d’investisseurs ivoiriens proches du pouvoir dans un journal panafricain bien connu, tout converge vers une grand manipulation des résultats des prochains scrutins et en particulier du scrutin présidentiel de 2025.
Oris Bonhoulou et Pierre Boutry
Déclaration de la commission Afrique du Parti de Gauche