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GABON : du bulletin unique à la révolution de palais, tous les moyens sont bons pour sauver le système Bongo à défaut de la dynastie mais des signes positifs de changement sont donnés

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Le coup d’État au Gabon fait suite à de grosses irrégularités de la part du gouvernement Bongo  lors du scrutin (internet et réseaux de communications coupés, couvre-feu, déplacement des urnes etc.). C’est donc suite à l’annonce des résultats  qui ont proclamé la victoire d’Ali Bongo que plusieurs corps d’armée et au premier plan la garde républicaine ont mené ce coup d’État, sans effusion de sang jusqu’ici. Un Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) a mis à sa tête Brice Clotaire Oligui Nguema, cousin d’Ali Bongo, général de 48 ans et fidèle du régime. Les putschistes ont effet déclaré « l’annulation des élections » dès leur première prise de parole.

Le nouvel homme fort de Libreville martèle qu’il  fait de la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance son principal cheval de bataille, avec le « redressement de l’économie » et la redistribution des revenus et richesses du pays aux populations. Il a promis vendredi d’organiser, sans préciser quand, « des élections libres, transparentes, crédibles et apaisées ». Mais ceci seulement après avoir fait adopter, « par référendum », une nouvelle Constitution pour des « institutions plus démocratiques » et « respectueuses des droits humains ». « Sans précipitation », a-t-il précisé.

Depuis le coup d’Etat, les télévisions publiques diffusent à l’envi des images de l’un des fils du président déchu, Noureddin Bongo Valentin, et d’autres jeunes hommes proches de lui ou de l’ex-Première dame, sa mère Sylvia Bongo, qui est « détenue » arbitrairement et au secret au Gabon, selon ses avocats. Ils sont tous d’anciens hauts responsables de la présidence, montrés devant des malles, cartons et sacs débordant de liasses de billets de banque saisis à leurs domiciles, selon les nouvelles autorités.  Ces membres dits de la « jeune garde » entourant M. Bongo sont détenus notamment pour « haute trahison », « détournements massifs de deniers publics » et « falsification de la signature » du chef de l’Etat, selon les putschistes qui accusent, en écho à l’opposition depuis des années, des membres de la famille proche de M. Bongo de l’avoir « manipulé » en profitant des séquelles d’un grave AVC survenu en 2018.

La population accueille ce renversement de régime avec enthousiasme. En effet, c’est la fin possible d’une époque, après 55 ans de règne des Bongo. Mais il ne faut pas se méprendre : le nouvel homme fort du Gabon, Nguema, maintenant président du gouvernement de transition, est membre du système Bongo et il est vraisemblablement mandaté par le clan pour sauver ce système, fusse en sacrifiant Ali. Un Ali Bongo, 64 ans, élu pour la première fois en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, puis réélu de justesse en 2016. Un Ali Bongo rejeté par une majorité de la population et qui plus et dans l’incapacité d’exercer le pouvoir depuis son AVC.

Nguema négocie actuellement la durée de cette transition avec les partis politiques et la société civile et semble donner des gages de volonté de changement. Il promet le respect des engagements intérieurs et extérieurs du Gabon et se déclare pour la liberté de la presse. Nguema a le grand mérité d’avoir fait tomber la dynastie ; à charge pour lui et les militaires qui l’entourent de prouver dans les actes que ce n’est pas une illusion.

Rappelons que près de 40 % des Gabonais vivent sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage atteint 37 % et que pendant toutes ses décennies au pouvoir, la famille Bongo devenue richissime et la bourgeoisie qui l’entoure ont évolué dans l’opulence, confondant caisses publiques et personnelles. Les attentes du peuple sont fortes et ne doivent pas être déçues.

Une opposition unie

Six candidats avaient rejoint Alternance 2023, une plateforme qui s’était donnée l’objectif de désigner un candidat commun, afin notamment d’éviter la dispersion des suffrages.

Albert Ondo Ossa, 69 ans, ancien ministre de l’Education et de l’enseignement supérieur d’Omar Bongo Ondimba, a été désigné comme candidat unique de l’opposition par Alternance 2023 après d’intenses tractations quelques jours avant l’élection.

Un bulletin unique soit un détournement de processus électoral dès l’amont

Si l’union fut tardive, l’opposition avait récemment critiqué d’une même voix l’instauration d’un «bulletin unique » pour les scrutins présidentiel et législatifs par décret début août. Cette nouveauté devait permettre de « lier le destin du président et du député » dans le cadre de ces deux scrutins uninominaux selon le Centre Gabonais des Elections (CGE).

Avec le bulletin unique (un bulletin pour un parti dans 2 élections différentes !), les électeurs voteront une seule fois pour ces deux scrutins, et obligatoirement en faveur d’un candidat à l’élection présidentielle et d’un candidat à l’élection législative issus du même parti, précise le CGE. Il est clair que l’adoption d’un bulletin unique viole la liberté de choix de nombreux électeurs. Des recours de l’opposition et de la société civile devant la Cour constitutionnelle, dénonçant une violation de la « séparation des pouvoirs », ont été rejetés lundi 14 août.

Comment se déclarer vainqueur d’un scrutin truqué ?

Plusieurs voix se sont élevées  pour dire que c’est Albert Ondo Ossa, candidat consensuel de la principale plateforme d’opposition Alternance 2023 qui a gagné les élections de samedi.  Albert Ondo Ossa a multiplié les déclarations pour exiger un nouveau décompte des voix car il est convaincu d’être le vainqueur du scrutin. Mais comment peut-on se déclarer vainqueur d’une élection truquée ? Le CGE [Centre gabonais des élections,] a eu entre les mains la totalité du matériel électoral, c’est-à-dire la totalité des urnes, qu’il les a convoyées sur les lieux où les élections ont eu lieu, vers les centres où on a fait la compilation. Et par conséquent, personne ne peut garantir que pendant cette période-là, les trois jours qui se sont passés, ils n’ont pas mis en conformité les résultats qu’ils donnent et les bulletins qui se trouvent dans les urnes. Recompter les voix donnerait Ali Bongo toujours vainqueur.

Macron incapable de changer son logiciel d’incompréhension des peuples africains

Emmanuel Macron peut tempêter devant les ambassadeurs, comme il l’a fait Lundi 28 août, quelques heures avant le coup d’Etat au Gabon, contre cette « épidémie de putschs » et clamer sa « fidélité à des principes démocratiques », la position de la France est affaiblie par le contraste entre ses leçons de démocratie, sa défense des « valeurs », d’une part et, de l’autre, son lourd passé de présidents installés ou déboulonnés par ses soins, son soutien à des dictatures et sa condamnation à géométrie variable des coups d’Etat. Entre les promesses du président français de

lancer « un nouveau logiciel » sur l’Afrique, de cesser de se poser en « sauveur », et ses injonctions et ses coups de sang – comme sa formule « on vit chez les fous » lancée lundi avec toute la morgue et le mépris qui le caractérisent, au sujet des élites africaines –, les messages contradictoires brouillent le message de Paris et alimentent son isolement au sein même du camp occidental.

Lorsque Macron défend une fausse démocratie basée sur l’inversion des résultats du vote, cela  revient à soutenir un système dictatorial. A contrario, le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell a insisté sur la différence entre les coups d’Etat au Niger et au Gabon, soulignant que ce dernier, qui a renversé le président Ali Bongo, faisait suite à des élections entachées « d’irrégularités ». Macron est décidément incapable de comprendre les aspirations des peuples africains et il nuit de ce fit aux  intérêts français qu’il prétend défendre.

Le Parti de Gauche se félicite de la libération du syndicaliste Jean-Rémy Yama et demande la libération immédiate de tous les prisonniers politiques victimes du clan Bongo. Nous resterons vigilants quant au respect des annonces faites par les putschistes qui ne devront pas trahir les espoirs qu’ils ont suscités parmi la population. Si toutefois il ne s’agissait pour les militaires que de préserver le système Bongo sans les Bongo, le peuple gabonais saura leur faire entendre raison.

Pierre Boutry

déclaration de la commission Afrique du Parti de Gauche

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