Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche
45 morts, plusieurs centaines de blessés et plusieurs milliers de personnes disparues ou détenues par les services de sécurité, en 13 jours de contestation ! et ce ne sont pas les concessions faite par Omar el-Béchir le 31 décembre (création d’une « commission vérité », promesse d’élections libres en 2020 et libération des détenus arrêtés après les manifestations de ces derniers jours) qui peuvent calmer la colère du peuple soudanais. La politique menée par ce régime avec le soutien de l’Europe et des États-Unis a conduit à une augmentation sans précédent des prix des produits de première nécessité (le prix du pain, est passé mi-décembre d’une livre soudanaise (1 centime d’euro) à trois), à la chute de la monnaie nationale, au manque de liquidités et à la pénurie d’essence.
Le retour du principal opposant Sadek al Mahdi après un an d’exil et l’annonce de la création d’une direction unifiée de ce mouvement de protestation avec tous les partis politiques d’opposition, les organisations syndicales et la société civile a donné un nouvel élan à ce mouvement. La contestation à Khartoum est montée progressivement à l’appel du Rassemblement de professionnels qui représente plusieurs corps de métiers. Il avait appelé à une grève évolutive qui a commencé avec les médecins, suivie par les journalistes et les avocats.
Ces évènements récents au Soudan, qui font suite à une contestation quasi continue depuis cinq ans sont les conséquences de l’échec des politiques gouvernementales, des guerres civiles et de la mauvaise gestion du pays. En 2018, les difficultés économiques se sont accrues avec une inflation de près de 70% et une livre soudanaise qui a plongé face au dollar américain. Depuis 2011, la perte du Soudan du Sud et des trois-quarts des revenus générés par le pétrole a affaibli le pays. Les exportations d’or, qui allaient, selon le gouvernement, compenser la perte des revenus du pétrole, n’ont pas rempli les caisses : elles ont été monopolisées par l’Etat jusqu’au début du mois de décembre dernier et le produit des ventes détourné au profit de l’entourage présidentiel. Cet entourage a la mainmise aujourd’hui sur tous les secteurs de l’économie, dirige les institutions et contrôle l’argent public.
Mais la révolte qui a pour base des raisons économiques, est aussi politique : le régime soudanais, installé il y a 29 ans, est un régime dictatorial et corrompu. Son dirigeant est visé par trois mandats d’arrêts internationaux dont deux pour crimes contre l’humanité et génocide émis par la Cour pénale internationale (CPI) en 2010. Comme il a laissé ses miliciens Jenjawids ravager la province du Darfour, il a envoyé des milices armées piller, violer et tuer en Centrafrique au sein de la Seleka. Il nargue les institutions internationales et la CPI en particulier, mais il voyage comme il veut dans les pays voisins le Tchad et Djibouti en particulier, mais aussi au Congo Brazzaville, trois pays aux mains de dictateurs protégés par le gouvernement français.
Omar el-Béchir après que l’impérialisme américain mâtiné d’évangélisme proactif ait favorisé la scission du Soudan du Sud, se tourne, en échange de l’aide dont il peut bénéficier pour sortir de son isolement, vers la puissance du moment qui lui permettra de poursuivre ses exactions et livre actuellement le Soudan à la Russie (accord sur le nucléaire civil, cartographie des réserves de métaux et d’uranium, dont le pays possède la troisième plus grande réserve au monde – notamment dans les Darfour et les Kordofan, où les conflits armés se poursuivent, implantation de société russes de sécurité privées etc…).
De la même façon, alors que la Constitution lui interdit de se représenter à la prochaine élection présidentielle, le parti du Congrès, au pouvoir, n’a pas hésité à désigner Omar el-Béchir comme « l’unique candidat du parti » pour l’élection présidentielle de 2020. Ce mouvement populaire et qui plus est bien implanté dans les régions du centre historique de l’islamisme soudanais, veut aussi dénoncer un changement de la Constitution qui permettrait à Omar el-Béchir de se présenter aux élections une fois de plus. L’opposition l’a bien compris qui demande la démission du gouvernement, du Parlement et la formation d’un gouvernement ou un conseil transitoire, qui se chargera d’organiser des élections anticipées.
Ceux qui sont sortis pour réclamer liberté et démocratie ne croient plus aux promesses du président. Ils sont frustrés par le pouvoir décrit comme « stérile ». Ses anciens affidés le lâchent : le parti d’opposition al-Islah, « réforme » en arabe, conduit par Ghazi Salah al-Din al-Atabani, ancien compagnon de route d’Omar el-Béchir, a ainsi annoncé, ce 1er janvier, son retrait du Parlement où il était représenté par cinq députés.
Le Parti de Gauche condamne la répression en cours au Soudan, salue en particulier le courage des jeunes manifestants et des femmes et apporte son plein soutien à la lutte du peuple soudanais en route vers une troisième révolution après celles de 1964 et de 1985.
Le Parti de Gauche considère qu’il est de la responsabilité morale des dirigeants français et européens de soutenir publiquement le soulèvement du peuple soudanais, ainsi que de cesser toute forme de collaboration et de reconnaissance avec le régime soudanais.
Le Parti de Gauche déclare que les renvois d’exilés soudanais directement ou via d’autres pays européens vers le Soudan doivent cesser immédiatement.
Pierre Boutry
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Marche de la révolution jusqu’à la victoire #2
DIMANCHE 6 JANVIER 2019
14H
PLACE DE LA CHAPELLE > RÉPUBLIQUE