Le Conseil national Electoral (CNE) vénézuélien a ratifié la victoire de N Maduro avec 52% des voix, sans toutefois rendre public le décompte exact des voix et les procès-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir été victime d’un piratage informatique.
Ce Conseil, entièrement entre les mains du pouvoir exécutif et qui n’a aucune crédibilité tant sur le plan national qu’international, a enfreint l’obligation stipulée par le code électoral et ses propres engagements, de ne proclamer le résultat des élections qu’à l’issue du décompte de la totalité des bulletins de vote. L’opposition, qui possède des copies de 81 % des actes du dépouillement des urnes obtenus grâce à ses scrutateurs et les a publiés, avance que M. Gonzalez Urrutia l’a emporté avec deux fois plus de votes que N Maduro.
Cette inversion des résultats et le déni de la volonté populaire par le gouvernement a entraîné toute une série de protestations pacifiques et spontanées, plus de 500 dans l’ensemble du pays, dont il faut souligner qu’elles se sont produites aussi dans des quartiers populaires, qu’elles ont été criminalisées par l’Etat et réprimées par les forces de sécurité mais aussi par des civils armés, avec violence, de façon arbitraire et illégale.
L’opposition ainsi que de nombreux observateurs estiment que le piratage du CNE est une invention du gouvernement pour ne pas avoir à publier les procès-verbaux des bureaux de vote. Sans preuve à l’appui, les résultats publiés le 2 août par la CNE ne peuvent être reconnus. Toute tentative visant à retarder la publication complète des comptes rendus officiels de vote ne fera que faire douter davantage de la crédibilité des résultats publiés officiellement. C’est pourtant ce que fait N Maduro, en comparaissant vendredi devant la Cour suprême qu’il a lui-même saisie pour faire valider sa victoire. La plupart des observateurs s’accordant à dire que le Tribunal suprême de justice (TSJ) comme le Conseil national électoral (CNE) sont aux ordres du pouvoir.
Les troubles qui ont suivi la proclamation de la victoire du président sortant ont fait 24 morts, selon un bilan actualisé mardi par des organisations de défense des droits humains. Deux nouveaux dirigeants de l’opposition, Williams Davila et Américo De Grazia, ont été arrêtés, sachant que fin juillet et début août, l’opposition avait déjà dénoncé les arrestations de deux autres cadres, Freddy Superlano et Roland Carreno.
Le Brésil, la Colombie et le Mexique, trois pays dirigés par des gouvernements de gauche, ont dit prendre note du processus engagé auprès du TSJ mais insisté sur la nécessité pour Caracas de rendre publics les procès-verbaux de la présidentielle, partant du « principe que le CNE est l’organe légalement mandaté pour divulguer de manière transparente les résultats de l’élection », selon une déclaration conjointe.
Si l’UE a indiqué qu’elle ne reconnaissait pas les résultats, pour autant elle ne reconnaît pas non plus comme vainqueur l’opposant pro-US à Maduro, Gonzalez, alors que tous les pays du bloc occidental avaient, en 2018, refusé de reconnaître Maduro et reconnu son adversaire, le fasciste Guaido, comme président légitime, malgré le fait que, cette fois-là, comme auparavant, les résultats détaillés des votes avaient été publiés.
Ce changement important doit nous inciter à en rechercher les causes qui se situent du côté d’une rupture avec les principes et les actes de la révolution bolivarienne de Chavez.
N Maduro, qui n’a plus qu’un seul objectif à savoir se maintenir au pouvoir, a entrepris de liquider les autres partis à sa gauche, privatisé les entreprises publiques (notamment minières et une partie des pétroles avec la récente braderie à Chevron), en plus de violer allègrement la Loi organique du travail… une façon de se concilier l’impérialisme US. Le gouvernement de N Maduro se vante d’une prétendue reprise économique et d’un boom des investissements privés, alors que l’insécurité alimentaire règne, que les travailleurs ont perdu presque tous leurs droits sociaux et du travail. C’est le gouvernement PSUV qui a gelé les salaires des travailleurs pendant 3 ans à 3,5 dollars par mois, qui a subventionné les revenus des entreprises, qui a supprimé de facto les prestations sociales des travailleurs, qui a imposé des résolutions visant à démanteler les conventions collectives des travailleurs publics et privés.
Le gouvernement de Maduro et une bonne partie de ses soutiens internationaux ne sont pas anti-impérialistes : ils combattent le seul impérialisme US et ses vassaux et sont liés à un bloc impérialiste concurrent, celui animé par la Chine et la Russie, même si parler de bloc est sujet à caution s’agissant de pays aux intérêts parfois divergents et non reliés à une idéologie commune.
La crise politique actuelle est une manifestation violente des caractéristiques spécifiques du conflit historique entre fractions de la bourgeoisie nationale et mondiale pour le contrôle des revenus pétroliers vénézuéliens. Il y a désormais au Venezuela, deux blocs bourgeois. L’un, au pouvoir, représente la bourgeoisie nationale (une minorité bureaucratique qui finit par adopter une politique conservatrice) et l’autre, dans l’opposition, la bourgeoisie compradore, vendue aux intérêts de l’impérialisme dominant. N Maduro doit manœuvrer selon les intérêts de la bourgeoisie nationale, au milieu des contradictions inter-impérialiste et est obligé, dans ce cadre, de faire des concessions à l’impérialisme dominant. Un autre chemin, celui qu’avait pris Chavez, serait d’organiser la résistance à l’impérialisme, de cesser la répression antipopulaire, de revenir aux mesures sociales qui avaient fait le ciment du régime de Chavez et d’engager le pays sur la voie de la construction du socialisme : en faisant de la redistribution certes mais sans oublier d’organiser la production comme ce fut malheureusement le cas sous Chavez et en faisant de la classe populaire les acteurs décisifs de ce processus. Ce n’est pas le choix de N Maduro.
Le régime politique de N Maduro a évolué vers une réaction conservatrice. La boli-bourgeoisie (contraction de bourgeoisie bolivarienne), qui s’est formée ces dernières années ne s’est pas enrichie par l’« extraction de plus-value » selon le schéma classique, mais par son lien privilégié avec l’État. Cette dévalorisation du travail devient l’une des limites structurelles d’un hypothétique redémarrage/réorganisation de la production. Les sanctions économiques d’ailleurs allégées depuis la guerre en Ukraine, n’expliquent pas tout, en particulier l’incapacité de gérer efficacement l’économie et les entreprises au bénéfice du peuple. Ce régime non seulement n’a aucun avenir mais il compromet gravement tout redressement économique et social du pays. Ce n’est pas pour rien que selon l’ONU, quelque sept des 30 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays en une décennie (et ce ne sont pas tous des rentiers !) en raison de la crise économique et politique qu’il traverse, à destination de pays latino-américains mais aussi des Etats-Unis.
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Il n’est pas vrai qu’exiger le droit à la transparence dans le processus électoral et le respect de la volonté populaire exprimée en majorité lors des urnes signifie se ranger du côté des forces politiques de la droite traditionnelle, et encore moins de l’impérialisme. C’est ce chantage grossier que la faction bourgeoise au pouvoir entend utiliser pour disqualifier et criminaliser les luttes légitimes des travailleurs et des couches populaires qui exigent aujourd’hui la transparence et la vérification des résultats électoraux. Vouloir nier l’inversion des résultats électoraux comme le font certains membres de LFI sous prétexte de rester fidèles à ce qui fut une révolution, n’a aucun sens. Les pays africains francophones qui souffrent du non respect des processus électoraux par leurs dirigeants en savent quelque chose.
Le respect de la volonté du peuple vénézuélien reste le seul moyen pour le Venezuela de rétablir la démocratie et de résoudre la crise humanitaire et socioéconomique actuelle.
PBY