Plusieurs coups d’État orchestrés par des officiers supérieurs de l’armée, ont eu lieu dans des États sahéliens francophones Ouest-Africains, avec un fort soutien des populations. Le Mali par exemple, a respectivement connu deux coups d’État militaires le 19 août 2020 et le 24 mai 2021. En Guinée, les forces spéciales renversent le gouvernement d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021 au profit de leur chef, le lieutenant colonel Mamadi Doumbouya. Le 24 janvier 2022, au Burkina Faso, c’était au tour du président Roch Kaboré d’être renversé par un coup d’État au profit du lieutenant colonel Paul Henri Sandaogo Damiba. Plusieurs États en Afrique de l’Ouest sont sous la menace d’un soulèvement de l’armée.
Ces interventions de l’armée dans la vie politique semblent se propager à l’échelle régionale et ce, en pleine guerre contre le terrorisme. Les militaires se présentent aujourd’hui comme une nouvelle alternative aux pouvoirs politiques locaux, jugés incapables de trouver une solution adéquate pour recouvrer sur leur territoire l’entier exercice de la souveraineté de leur État, face aux groupes djihadistes toujours présents dans le Sahel. Les pouvoirs politiques sont aussi jugés incapables de faire face à la situation économique désastreuse, qui favorise le mécontentement de la population, mais aussi le recrutement d’une jeunesse africaine en perte de repères par les différents mouvements djihadistes. Enfin le sentiment se répand parmi les populations que les forces armées occidentales sont incapables de venir à bout d’un ennemi aussi diffus et déterminé.
Le laxisme des pouvoirs politiques devant une situation économique et sécuritaire désastreuse.
Il est important de partir du principe que les États africains sont souverains. De ce fait, ces derniers sont en principe, capables de briser toutes formes de résistance internes et externes. Cette responsabilité revient naturellement aux chefs d’États qualifiés de « garant de l’intégrité du territoire » par leurs Constitutions respectives. Cependant, ces « chefs suprêmes des armées » incarnent plutôt la faiblesse des États, de par leur laxisme. Le 13 janvier 2020, au sommet de Pau, ces derniers confirment la théorie de « l’État faible » en Afrique, en demandant à la France de poursuivre son engagement militaire dans le Sahel, espace territorial qui relève pourtant de leur souveraineté. Cependant, sur le plan interne, la corruption et la mauvaise gouvernance avaient atteint leur paroxysme et la gestion des différentes armées nationales s’avérait être catastrophique.
Ainsi, le 14 janvier 2021 à Inata, au Burkina Faso, plusieurs gendarmes livrés à eux-mêmes, en manque de matériel, d’effectifs et de provisions, sont massacrés par les terroristes. Ces attaques restent la principale cause immédiate du renversement du président Roch Kaboré jugé incapable de mettre un terme à l’insurrection djihadiste en cours depuis 2015.
Au Mali, le renversement du régime d’Ibrahim Boubacar Kéîta dit IBK, a été précédé par des mois de contestation contre l’impuissance ou l’inertie des autorités devant la propagation des violences de toutes sortes, la pauvreté et la corruption. En Guinée, la situation économique n’a cessé de se dégrader sous la présidence d’Alpha Condé : en 2018, 55 % des Guinéen(ne)s vivent sous le seuil de pauvreté. Là encore, les putschistes affirme avoir renversé le président Alpha Condé dans le but de mettre fin à la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique.
Toutefois, si la plupart des putschistes bénéficient toujours du soutien de leur différentes populations, ces derniers devront être en mesure de répondre concrètement à leur attentes, en leur assurant une « transition militaire réussie », en épinglant les réseaux de corruptions qui sévissaient dans leurs États respectifs, et assurant une passation pacifique du pouvoir à un gouvernement élu, avant de trouver de nouvelles solutions nouvelles avec tous les acteurs présents dans le Sahel, pour bouter les djihadistes hors de la zone sahélienne.
Un avertissement aux putschistes constitutionnels.
Les coups d’État en Afrique sont parfois contagieux lorsqu’il existe des similitudes quant à leur origine. Si le renversement du président Alpha Condé en Guinée fut apprécié par une bonne partie de l’opinion africaine, c’est à cause du troisième mandat illégal qui fut accompagné de graves violations de droits de l’homme et de répressions brutales contre les personnes qui s’y étaient opposées.
Les manipulations constitutionnelles constituent un véritable obstacle à la démocratie en Afrique. Cependant, elles se sont déroulées dans plusieurs pays francophones d’Afrique de l’Ouest, face à des oppositions civiles impuissantes et sous le silence de la CEDEAO et de la Communauté internationale. Mais, la Guinée victorieuse du dictateur Alpha Condé, pourrait servir d’exemple pour contrer plusieurs dictateurs francophones ouest-africains qui souhaitent se maintenir au pouvoir par ces pratiques anti-démocratiques.
Nous n’avons pas l’habitude d’applaudir les coups d’Etat militaires pas plus que les coups d’Etat constitutionnels. Nous observons simplement que les peuples guinéens, maliens et maintenant burkinabé y voient la seule solution pour recouvrer leur dignité. Ce que les Ivoirien(ne)s aiment appeler un « coup d’éclat militaire » pourrait devenir une « solution » à l’impasse dans laquelle se trouve l’Afrique subsaharienne francophone si aucun changement radical n’est opéré dans la politique africaine française et si les dictateurs en place ne sont pas dégagés rapidement par leur peuple. Il va de soi que qu’une telle « solution » ne peut être que provisoire et bornée dans le temps afin qu’une période de transition de deux ans maximum puisse permettre de remettre en place des institutions et des processus démocratiques.
Oris Bonhoulou et Pierre Boutry