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Rwanda / Côte d’Ivoire : politiques mémorielles en Afrique : à quand la publication d’un rapport sur les interventions de l’armée française en Côte d’Ivoire ?

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A quelques jours de la commémoration du 27ème anniversaire du génocide rwandais, une commission d’historiens menée par le chercheur Vincent Duclert, a remis au président de la République Emmanuel Macron, un rapport intitulé « La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994) ». Cette expertise sollicitée par le chef de l’Etat lui-même, pointe des « responsabilités accablantes pour la France, tout en soulignant l’absence de complicité de génocide ».

Même si le concept de « complicité de génocide » peut être apprécié différemment et si certains documents n’ont pas été exploités comme il se devrait, le rétablissement de la vérité sur la responsabilité politique et militaire de la France au Rwanda permettra on l’espère, à la République française de donner un point de vue officiel sur ces tragiques évènements à l’issue desquels, environ 1 million de Tutsi ont été massacrés sous les yeux de l’armée française et des forces Onusiennes entre avril et juillet 1994.

Ainsi donc, ce travail de recherche scientifique effectué grâce notamment à l’accès aux archives classées secret-défense, favorisera certainement un rapprochement diplomatique entre la France et le Rwanda. Une telle initiative est à encourager dans la plupart des pays d’Afrique francophone, afin de mettre fin aux polémiques, et « amnésies sélectives », qui renforcent le sentiment anti-français sur ce continent. Cependant, s’il fallut trois décennies pour que sorte un rapport officiel sur la responsabilité de la France au Rwanda, on continue de se demander combien de temps il faudra pour établir celui concernant  la Côte d’Ivoire ? Pays dans lequel l’armée française a souvent réprimé des manifestations de civils, à l’arme de guerre, sous le régime du président Laurent Gbagbo.

Des fusillades de l’armée française sur la population ivoirienne, toujours sous silence.

Pour rappel, les confrontations meurtrières entre l’armée française et la population ivoirienne ne datent pas de l’époque du président Laurent Gbagbo. Le 30 janvier 1950, dans une période de tension entre le RDA (Rassemblement démocratique Africain) de Félix Houphouët-Boigny et l’administration coloniale, l’armée coloniale avait tiré sur des manifestants dans plusieurs villes du pays, faisant des dizaines de morts. Par la suite, le 21 novembre 1951, au Palais Bourbon, une commission d’enquête parlementaire, la Commission « Léon Gontran Damas », rédige un rapport qui accable les autorités françaises. Le rapport« Damas » ne sera jamais publié.

Ces incidents de l’époque coloniale se reproduisent un demi-siècle après l’indépendance de la Côte d’Ivoire, sous le régime du président Laurent Gbagbo. Dans le code pénal ivoirien, les juridictions ivoiriennes ne sont pas compétentes pour juger un soldat français pour une infraction commise dans l’exercice de sa fonction, ou à l’intérieur de la base militaire du 43ème BIMA, l’héritier de l’infanterie coloniale. Ainsi, en novembre 2004, à l’instar des hélicoptères français qui la veille avaient tiré sur les manifestants ivoiriens  qui voulaient passer le pont Houphouët Boigny, le régiment du colonel Patrick Destremau, aujourd’hui général et directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale et de l’Enseignement militaire supérieur, a ouvert le feu sur les manifestants non-armés, à l’hôtel Ivoire, faisant plusieurs dizaines de morts, comme en janvier 1950.

Enfin, à partir du 4 avril 2011, en pleine crise postélectorale, la France mandatée par l’ONU (résolution 1975) engage ses hélicoptères contre les forces de Laurent Gbagbo à Abidjan. Les derniers bastions, blindés, lance-roquettes et émetteurs de la radiotélévision ivoirienne (RTI), ont été bombardés. Malgré tout, des centaines de civils ivoiriens réussissent à converger vers la résidence du président Laurent Gbagbo, y formant un bouclier humain bien avant l’ultime offensive des troupes françaises. Personne ne saura réellement le sort réservé à ces civils ivoiriens. Ces exemples ivoiriens, ne font qu’accumuler les rancœurs des populations d’Afrique, qui peuvent à tout moment resurgir en cas d’alternance favorable dans leur Etat, ou de discours maladroits d’hommes politiques français sur des sujets historiques à polémique. D’où l’importance de mettre rapidement fin à ces controverses.

Mettre fin aux polémiques mémorielles, le plus tôt possible, par la recherche scientifique et la reconnaissance officielle.

Le rapport sur la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis, fut rédigé par une commission d’historiens dirigée par Vincent Duclert, chercheur et ancien directeur du Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron (CESPRA, CNRS-EHESS). Il permet aujourd’hui, à l’expertise française de mettre fin à trois décennies de silence officiel rendant stériles les débats politiques et journalistiques. Ce recours à l’expertise de la recherche scientifique est un moyen important devant permettre à l’Etat Français de régler les contentieux historiques avec ses ex colonies, en toute transparence.

Ce qui est encore loin d’être une réalité en Côte d’Ivoire. En effet, quinze ans après le bombardement de Bouaké, les présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara ont rendu hommage, aux neuf soldats français et au soldat américain tués le 6 novembre 2004, en ignorant les nombreuses victimes ivoiriennes. Le procès du bombardement de Bouaké, a débuté le 29 mars 2021, à la cour d’assises de Paris, en l’absence de la classe dirigeante française aux affaires à cette époque.

Le Parti de Gauche se félicite de l’acquittement définitif par la CPI de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé  même s’il intervient après de longues et douloureuses années de détention et demande en conséquence qu’une démarche semblable à celle engagée pour le génocide rwandais soit engagée pour y voir clair sur les événements de Côte d’Ivoire.

Oris Bonhoulou et Pierre Boutry

Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche

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