26 avril 2024
Les députés togolais ont adopté à l’unanimité une nouvelle Constitution, contestée par l’opposition, à dix jours des législatives décalées au 29 avril (le même jour auront également lieu les premières élections régionales du pays). La nouvelle Constitution fait basculer le pays d’un régime présidentiel à un régime parlementaire et acte la disparition de l’élection du président de la République au suffrage direct. Elle crée aussi la fonction de « Président du Conseil des ministres » qui concentre tous les pouvoirs.
La magistrature suprême est, selon les termes de la nouvelle Constitution, vidée de sa substance puisque le nouveau président est privé de toute prérogative. Ce sont les députés qui éliront le chef de l’Etat « sans débat » et « pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois ».
Le véritable exercice du pouvoir résidera entre les mains du Président du conseil des ministres, une sorte de super-Premier ministre désigné par les députés, qui sera obligatoirement « le chef du parti majoritaire » à l’Assemblée nationale. Son mandat doit être de six ans, sans qu’il soit précisé s’il sera renouvelable ou non.
Il n’y a eu aucun débat d’autant que le mandat des député.es (élu.es de façon douteuse) expirait à la fin du mois de décembre 2023 et cette nouvelle Constitution, qui attend la promulgation de la présidence de la République, ne sera publiée qu’ultérieurement !
Il est clair qu’il d’agit d’une manœuvre de Faure Gnassingbé pour se maintenir au pouvoir, lui qui a pris la tête de l’Etat en 2005 à la suite de son père resté près de 38 ans aux manettes du pays. Avec la nouvelle Constitution, c’est la fonction de président du Conseil qui donne la latitude à quelqu’un d’exercer le pouvoir de manière illimitée et il est donc évident que c’est le poste qu’il se réserve. Faure avait déjà réaménagé la Constitution en 2019 lui permettant de remettre les compteurs à zéro et de briguer deux nouveaux mandats supplémentaires, en 2020 et 2025. Mais il aurait été forcé de quitter le pouvoir en 2030.
Les députés togolais avaient déjà adopté la nouvelle Constitution le 25 mars, après quelques heures de débat et sans que le texte soit rendu public, ce qui avait immédiatement déclenché un tollé parmi l’opposition mais aussi la société civile, qui ont rapidement qualifié à juste titre ce vote de « coup d’Etat institutionnel ».
Contrairement au dernier scrutin législatif de 2018 qu’elle avait boycotté, l’opposition a décidé de se mobiliser massivement cette année. Elle avait prévu deux journées de manifestations les 12 et 13 avril, mais elles ont été interdites par les autorités et les membres de l’opposition ont été empêchés de se réunir.
Macron a parlé à Faure au téléphone et lui a dit qu’il était pour la nouvelle constitution !
Il lui a conseillé d’attendre la nouvelle législature pour reprendre le sujet !
Notons enfin que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a fait preuve une nouvelle fois de son impuissance : elle avait annoncé le lundi l’envoi d’une mission exploratoire dans le pays pour « interagir avec les principales parties prenantes sur les derniers développements dans le pays ». L’organisation sous-régionale estimait alors que les élections, « initialement prévues le 13 avril », ont été reportées « en raison de la gravité des réformes constitutionnelles controversées que le gouvernement prévoyait d’introduire ». Un communiqué que la Cedeao diffuse sur le réseau social X. Mais le mardi 16 avril, l’organisation sous-régionale a fait machine arrière : elle ne parle plus que d’une simple mission d’information.
Dans un pays où la presse est muselée et où nombre de prisonniers politiques sont emprisonné.es depuis des années sans jugement, cette nouvelle Constitution est la nième répétition des procédés anciens de manipulation de feu Charles Debbasch pour le grand malheur du peuple togolais.
Treize partis politiques et organisations de la société civile au Togo ont déposé un recours devant la Cour de justice de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour réclamer le retrait de la nouvelle Constitution du pays. Que devrait donc faire Macron dans cette situation si ce n’est exiger de Faure que le texte voté par les 87 députés à la place des 9 millions de Togolais.es non consulté.es ne soit pas promulgué ?
PBY