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Afrique : le départ de l’armée française du Continent ne peut se faire qu’en concertation avec les pays Africains

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Déclaration de la commission Afrique du Parti de Gauche

Le 28 février 2024, soit un an après le discours de Macron sur la nouvelle stratégie militaire de la France en Afrique, une exigence réaffirmée de démantèlement des bases militaires françaises sur l’ensemble du continent africain semble vouloir s’exprimer, alors que la présence des bases militaires étrangères sur le sol d’un État est une donnée présente  sur l’ensemble des cinq continents du globe.

Pourquoi existerait-il une exception Africaine ? Certains pays comme l’Allemagne et le Japon abritent des bases militaires américaines sur leur sol.  Ce qui n’empêche pas ces pays d’être des puissances économiques mondiales. Pourquoi faudrait-il donc se substituer aux influenceurs prorusses, en soutenant cette vague de contestation bien manipulée, de la présence militaire française qui déferle en Afrique, notamment dans le Sahel. Une chose est certaine, les porteurs de pancartes « à  bas la France »,  qui se sont attaqué aux cortèges des militaires français dans le Sahel, ne sont en aucun cas, des représentants de l’ensemble du continent Africain.

La présence militaire française est-elle vraiment contestée sur tout le continent Africain ?

 Nous observons deux types de présence militaire française sur le Continent. Au lendemain des indépendances,  la France signe une vingtaine d’accords de défense avec ses anciennes colonies Africaines. Parmi les États francophones d’Afrique,  4 pays accueillent une présence française quasi-permanente : la Côte d’Ivoire,  Djibouti, le Gabon, le Sénégal. D’autres pays comme le Tchad ou le Niger ont accepté des déploiements sur la longue durée. Durant la période allant de 1960 à 2010, l’Afrique fut le lieu privilégié pour la projection de la puissance française à l’étranger. Pour protéger les ressortissants et intérêts français,  pérenniser, sauvegarder la stabilité et la durabilité de certains régimes africains. Avec cette série d’accords bilatéraux de défense et d’assistance militaire, signés avec ses anciennes colonies,  la France a entrepris une trentaine d’interventions militaires en Afrique. Certes, et nous l’avons suffisamment dénoncé, l’armée française a trop souvent été l’instrument de la politique françafricaine afin de maintenir au pouvoir des autocrates qui ont exploité leur peuple et servi les intérêts économiques et politiques de la France. Même si quelques cas de figure de la sorte subsistent (et ils doivent cesser) ce n’est plus l’essentiel de ce que doit être une relation équilibrée entre Etats indépendants et souverains.

Le second type de présence se signale dans la deuxième décennie du XXIe  siècle. Il est strictement lié à la montée accrue du djihadisme dans le Sahel. En effet, les déstabilisations régionales à partir de 2011 (en particulier la Lybie dans laquelle l’interventionnisme sarkozyste a joué un rôle désastreux) ont permis à ces groupes djihadistes émanant d’Afrique du Nord de prospérer dans le Sahel, avant de manifester leur intention de s’emparer de la capitale Bamako, à la suite d’une « offensive éclair ». C’est dans ce contexte que la France décide d’intervenir militairement au Mali, à la demande du président intérimaire malien Dioncounda Traoré.  Deux notions de relations internationales justifient cette intervention. Il s’agit d’abord de la notion d’intervention sollicitée, qui permet que le gouvernement d’un État confronté à de nombreuses difficultés face appel à un autre État, pour lui apporter assistance. La seconde notion repose sur la résolution 1377 des nations unies qui prône une entraide entre les États dans la lutte antiterroriste. En Août 2014, l’opération militaire « Barkhane » est menée par la France en partenariat avec les États du G5 Sahel dans le but de lutter contre les groupes armés terroristes dans toute la région du Sahel. Cette opération n’a finalement pas donné de résultats satisfaisants car il ne suffit pas de tuer quelques chefs terroristes pour arrêter une gangrène qui repose avant tout sur un non développement et une misère des populations.

Aujourd’hui, la situation n’est plus la même dans ces deux espaces géographiques. La plupart des États qui ont signé des Accords de défense avec la France  au lendemain des indépendances, abritent toujours des bases militaires françaises, tandis que certains  États Sahéliens qui ont pourtant bénéficié de l’engagement militaire de la France depuis 2012, deviennent de plus en plus hostiles. Dans les deux situations, la présence militaire française était bien voulue par les États accueillants. En janvier 2020 à Pau, les États du G5 Sahel demandaient à la France de poursuivre son engagement militaire dans le Sahel. Ce qui n’est plus le cas avec leurs successeurs militaires putschistes.

La présence militaire française émane d’un accord de volonté entre deux États.

 Avec ses 30 millions de km2, le continent Africain est reparti en 54 États indépendants et souverains qui disposent du droit de décider du maintien ou non d’une base militaire étrangère sur leur sol. Après avoir analysé les deux cas de présence française en Afrique postcoloniale, nous pouvons affirmer que bases militaires françaises émanent d’abord des accords et traités, c’est-à-dire un acte juridique signé entre deux États.

Aujourd’hui, la situation de l’armée française en Afrique est de plus en plus clarifiée : La France respecte donc la volonté des États souverains du Sahel. En 1966, le général De Gaulle avait d’ailleurs réclamé le départ des forces de l’OTAN du territoire français. Ainsi en février 2023, à la demande des autorités burkinabè, les militaires français ont quitté le Burkina Faso. En Août 2023, à la demande des autorités maliennes, les troupes françaises quitte le Mali, après 10 ans d’intervention. Enfin, en décembre 2023, les derniers soldats français quittent le Niger. Tout ceci démontre que la présence de militaires étrangers dans un État tiers ne s’apparente pas à la notion d’ « occupation militaire », remise en cause par le droit international.

Aujourd’hui, la France continue de coopérer avec ses alliés Africains. Sa présence militaire repose donc sur un souhait partagé avec chacun des 4 pays accueillant ses bases permanentes (Djibouti, Côte d’Ivoire,  Gabon, Sénégal).  Les accords de partenariat ont été renouvelés en 2007 et entrés en vigueur en 2010. Ils sont disponibles sur internet.

À Djibouti, Etat stratégique Est-africain, la liste des armées étrangères présentes est très longue. Parmi elles, la France, les USA, la Chine, l’Allemagne, le Japon, etc..). Djibouti  abrite le plus gros contingent  de l’armée française en Afrique. Djibouti  occupe en effet, une position stratégique centrale pour le contrôle du Bab-el-Mandeb, l’une des routes maritime les plus empruntées du monde dont une partie est minée par le phénomène de la piraterie maritime. Dans cette partie de l’Afrique les navires de guerre français y ont neutralisé plusieurs pirates, garantissant la sécurité du trafic maritime international.

Pourquoi s’acharner sur l’armée française et ignorer la présence des autres armées étrangères ?

On peut se demander quel est le véritable but de ceux qui réclament le démantèlement des bases militaires françaises en Afrique, alors que toutes les armées des grandes puissances y sont présentes.  Pourquoi ne pas donc réclamer le démantèlement de toutes les forces étrangères du continent africain ?

Cette initiative, on le sait, s’avérera impossible à réaliser car ce nouveau siècle annonce déjà la grande compétition que se livrent les grandes puissances en Afrique pour l’hégémonie planétaire. En effet, longtemps jalouses de l’hégémonie française en Afrique, plusieurs grandes puissances s’y sont installé. On assiste depuis plus de deux décennies,  à une concentration de forces militaires étrangères en Afrique, au nom de la lutte contre le terrorisme et la défense des intérêts commerciaux et économiques. Les USA par exemple restent très présents. Après Djibouti qui abrite la principale base militaire américaine en Afrique, les USA disposent en ce moment de 13 bases secondaires, selon un rapport de l’Africom, ainsi qu’une trentaine de bases plus modestes. En 2016, la Chine déjà présente dans l’économie africaine installe une base militaire en Afrique à Djibouti. L’empire du milieu sera suivi par la Turquie,  l’Inde, etc.. Quant à la Russie, elle exerce déjà une influence dans plusieurs pays Sahéliens, aujourd’hui hostiles à la France, via son groupe para militaire Wagner rebaptisé Africa Corps ! depuis sa  mise sous la supervision directe du ministère russe de la Défense.

Face à cette évolution géopolitique de l’Afrique, continent dans lequel la France a des intérêts économiques hérités de la période coloniale, Macron a présenté en février 2023, les grands traits de la « réorganisation » de la présence des forces françaises sur le Continent. A l’issue de cette présentation  le président français a clairement affirmé que le retrait des forces françaises du continent africain n’est pas à l’ordre du jour mais que leur format serait réduit et proposé la création d’établissements de formation conjoints avec les pays africains qui se mettent en place actuellement.

Le Parti de Gauche réaffirme qu’il est nécessaire de tourner la page de l’échec Barkhane et qu’il faut créer les conditions d’un départ programmé des troupes françaises. Cela ne se fera pas en un jour. Il ne s’agit évidemment pas d’abandonner les pays Africains  au chaos. Tout  calendrier de retrait doit être discuté avec le pays concerné, l’Union Africaine et l’ONU. Tout retrait programmé  doit en outre s’adosser à une nouvelle réponse multilatérale et africaine en matière de sécurité et à un nouvel agenda de coopération. Notre appui militaire doit être recentré sur le soutien aux armées locales, en retenant la formule d’un comité d’état-major conjoint des forces africaines qui exclue les puissances étrangères. La France doit soutenir avec vigueur la feuille de route de Lusaka baptisée « Faire taire les armes en Afrique » et participer à toute initiative multilatérale visant le désarmement de tous les groupes armés non étatiques, ainsi – c’est très important – que la lutte contre les flux financiers illicites qui subventionnent les trafics, les violences et les guerres en Afrique. Pour toutes ces raisons, le Parti de Gauche ne peut s’associer à un mot d’ordre simpliste de retrait unilatéral de l’armée française des pays d’Afrique.

Enfin, le Parti de Gauche rappelle que le peuple français à travers ses représentants doit savoir, comme le prévoit la Constitution, sous quel statut et dans quel cadre juridique agissent les troupes françaises à l’étranger, quel type de missions ou tâches leur sont confiées et quel est le but de cette présence des troupes dans ces pays.

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