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Candidature aux élections présidentielles : les masques sont tombés

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Blanche neige et les cinq nains

L’engagement politique suppose une certaine fermeté de jugement, un certain nombre de principes. Cela est d’autant plus nécessaire quand on est un leader censé éclairer et guider les autres. La cascade de candidatures (ils sont huit à ce jour : Pierre Nkurunziza, Agathon Rwasa, Jean de Dieu Mutabazi, Domitien Ndayizeye, Sylvestre Ntibantunganya, Gérard Nduwayo, Jacques Bigirimana et Jean Minani) à l’élection hypothétique à la présidence de la République soulève un certain nombre d’interrogations et sème le doute sur les candidats. Voici pourquoi.

La preuve par l’absurde ?

Faut-il, si l’on est sérieux, s’engager dans un pari dont on ignore les tenants et les aboutissants ? Ou s’engager dans un jeu où seul l’adversaire a tous les éléments d’arbitrage et de décision ? Normalement non. Or, le système électoral burundais est semblable à un match où les règles sont rédigées par une équipe, où les arbitres, tous, sont désignés par le chef de cette équipe, où le contentieux est tranché par les partisans de ce chef. Un tel dispositif aboutit au fait que ce chef décide seul des résultats, et c’est ce que l’on a vu en 2010, aux élections communales : la CENI avait donné, de façon décisoire et arbitraire, des scores fantaisistes aux opposants.

Faut-il, après avoir boudé un cycle électoral, s’engager dans le suivant, organisé par les mêmes acteurs, dans des conditions aggravées ? Normalement non. Or, un acteur comme Agathon Rwasa, à qui la CENI avait généreusement octroyé le score de 14%, est revenu dans les arènes, après avoir boudé les élections de 2010, vu massacrer des milliers de ses militants et sympathisants et après s’être vu arracher illégalement le leadership de son parti, les FNL. Qu’est-ce donc qui a changé qui pousse Rwasa à espérer un meilleur traitement ? Nkurunziza, qui a essuyé une gifle en échouant à changer la constitution par le défaut d’une seule voix, peut-il, après un passage en force malgré une clameur hostile généralisée, se contenter d’un score ne lui permettant pas de chambouler cette constitution ? Tout le monde ne l’a-t-il pas entendu accepter sa désignation à 700% ? Comptons bien !

Les observateurs se demandent si Rwasa a passé un accord de dupe avec Nkurunziza. Et ses atermoiements laissent observer un personnage sans autonomie de décision : il n’aimait pas les manifestations, mais comme ses partisans y sont allés, il a fait semblant d’y aller. Pas d’élections si le jeu est faussé avait-il dit en 2010, mais aujourd’hui il y va au moment où les conditions ont empiré. Report des élections ou glissement du calendrier électoral, avait-il demandé, mais sans attendre d’exiger et obtenir cela, il dépose le dossier…Allez-y comprendre.

Les autres candidats ne sauraient non plus expliquer leur engagement dans cette élection : en tout cas pas Domitien Ndayizeye que Nkurunziza a jeté en prison sous de fausses accusations, ni Ntibantunganya, dont les Burundais gardent un souvenir hallucinant de sa présidence.

Insoutenable légèreté du « ce n’est rien »

L’autre question que l’on se pose est le peu de cas que ces messieurs qui ont déposé 15 millions pour leur candidature, font de l’insécurité ambiante, qui a déjà fait fuir plus de soixante mille Burundais. Ont-ils avalé leur honte ? La présidente de la commission africaine, pour qui l’environnement au Burundi n’est pas propice à des élections a souligné qu’on ne peut pas aller observer des élections pendant que les gens sont en train de fuir le pays, tandis que d’autres tombent et meurent sous des balles réelles tirées par la police et les miliciens du régime. Peut-être que pour ces candidats, dont certains ont pourtant été réfugiés, soixante mille réfugiés burundais, qui ne pourront pas exercer leur droit de vote, qui croupissent dans des conditions déplorables du fait de la terreur des Imbonerakure, peut-être que, pour eux, ce n’est rien !

Pourquoi se précipitent-ils pour déposer leur dossier, au moment où le peuple proteste contre la violation de la constitution et de l’accord d’Arusha ? Font-ils si peu de cas de ces textes qui ont permis de stabiliser un tant soit peu le Burundi ? Peut-être que, pour eux, ce n’est rien !

Le paysage s’éclaircit.

Une fine pluie peut faire tomber la poussière qui planait dans l’air. Les masques sont tombés. Les Burundais savent désormais quel genre de leaders politiques sont ces candidats : des gens qui ont oublié Arusha, qui ne défendent pas la constitution de la République et qui mesurent toute situation à l’aune étriquée de leurs intérêts. Pourront-ils, demain, jurer de défendre la constitution ? Pourront-ils s’empêcher de faire comme Nkurunziza ?

Mais regardons du côté où souffle le vent de l’histoire : du côté de ces jeunes qui réclament un avenir, du côté de ces leaders qui sont convaincus qu’on ne bâtit pas une nation dans la fraude, le parjure et l’entêtement. L’affluence de candidats semble conforter Nkurunziza. Il peut penser que désormais le pire est derrière lui et qu’il a magiquement fait tourner le vent. Croire que devant ses pairs de l’EAC, il va dire : « Regardez, les grosses pointures de l’opposition ont déposé leurs dossiers. C’est qu’ils ont accepté que tout se joue dans les urnes et pas dans les rues ! » Sauf que, sauf que le pays a enterré des morts, sauf que soixante mille Burundais ont fui terrorisés, sauf que les Imbonerakure essaiment les collines. Sauf que le peuple qui souffre ne lâchera pas et ne manquera pas de génie combatif.

Conclusion

On voit ses vrais amis dans la tourmente. On a vu qui s’est indigné. On a vu de braves Burkinabè, de si loin, si près, apporter leur soutien moral. On a entendu l’Europe, l’Amérique, l’Afrique par la voix des Africains, de madame Zuma….La Belgique vient de suspendre certaines aides parce qu’elle juge que les élections ne sont pas possibles pour le moment, suite à la situation de crise que Nkurunziza, le CNDD-FDD et la CENI ont créée.

Seulement on peut se poser la question : où sont les peuples voisins des Grands Lacs, Rwandais, Ougandais, Kenyans, Tanzaniens ? Où sont leurs partis démocratiques, leur société civile pendant qu’on réprime à Bujumbura ? Où sont-ils, que disent-ils, que font-ils bon sang ? Leur silence est un signe, et la lutte du peuple burundais une école.

Ne leur demandons pas trop, du moment que « nos » propres leaders ont du mal à se donner un cap, mais veillons à ce que les Burundais, les vrais et les braves, leur donnent des leçons…

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