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Rwanda : l’AFPA ne félicite pas Paul Kagamé pour sa réélection

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Le 8 août 2017, le peuple rwandais a réélu son président de la République avec un score nord-coréen de 98,79% des voix à l’issue d’une campagne électorale phagocytée par le parti au pouvoir. Le taux de participation s’est élevé à 96,42% des 6,9 millions d’électeurs inscrits. Le manque de transparence pour déterminer l’éligibilité des candidats potentiels et les irrégularités nombreuses relevées lors du scrutin ne soulèvent que de vagues protestations des diplomaties américaine et européenne.

Cette élection opposait Paul Kagamé, président depuis 2000, à Franck Habineza, (0,48 % des voix) candidat du Parti démocratique vert (dont le vice-président a été décapité en 2010) et Philippe Mpayimana, (0,73% des voix) candidat indépendant. Une opposition potiche utilisée comme faire-valoir par le pouvoir.

Cette élection est consécutive à la réforme constitutionnelle de 2015, qui permettrait à Paul Kagamé, de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034 ; elle inscrit Kagamé dans le même registre que Sassou, Kabila, Nkurunziza qui se maintiennent au pouvoir après avoir accompli leurs deux mandats constitutionnels. Cette réforme adoptée par un référendum forcé l’approuvant à plus de 98 %, cache la réalité d’un régime aux dérives autoritaires et d’une croissance à marche forcée, sur fond de répression généralisée de l’opposition, des médias et de la société civile.

Le développement contraint du Rwanda, fondé sur une gouvernance procédurale autoritaire, est caractérisé par de graves entraves aux droits civils et politiques, aux libertés fondamentales, et en particulier aux libertés d’expression, de réunion et de la presse. L’absence de dialogue véritable et inclusif, ainsi que les inégalités dans la répartition des richesses ont engendré un processus économique opaque, (une partie de ce miracle est basée sur des expropriations datant de l’époque de l’après-génocide des Tutsis au Rwanda qui ont favorisé la classe dirigeante du régime en place, l’autre sur le pillage des ressources du Congo voisin). Les disparités économiques et sociales sont grandissantes entre une classe élitiste de la population rwandaise tirant clairement profit des dividendes économiques du pays, et des classes populaires subissant les effets néfastes et les dommages collatéraux de cette course à la croissance économique.

Les efforts des autorités rwandaises pour faire taire et sanctionner toute contestation du pouvoir sont notoires : interdiction des partis politiques d’opposition, répression et actes de harcèlements contre les opposants politiques, pressions sur et prise de contrôle des ONG, violations graves des droits des défenseurs des droits humains les empêchant ainsi de mener leur travail de défense des droits humains, voire les contraignant à l’exil.

23 ans après le génocide, et malgré ses succès économiques le Rwanda se distingue aujourd’hui comme l’un des pays les plus répressifs en Afrique. Ce régime totalitaire a toujours avec la même stratégie pour agir par la peur, par la force, par l’intimidation. Cette intimidation qui se caractérise par des actes d’assassinat, d’emprisonnement et de disparition, ou de tortures de la population.

Nous dénonçons en particulier le sort réservé à Victoire Ingabire qui est en prison depuis sept ans et doit normalement y rester encore huit ans. Son parti : les Forces démocratiques unifiées (FDU) est interdit sous-prétexte d’anti-divisionnisme et sous prétexte de limiter l’impact de l’idéologie génocidaire, qui serait restée dans certaines familles politiques. L’une de ses grandes fautes, aux yeux de la justice rwandaise, est d’avoir demandé que les auteurs de crimes contre les Hutus soient poursuivis. Au nom de la lutte contre le génocide des Tutsis, le pouvoir en place empêche toute expression aussi sur l’histoire alors qu’il y aurait eu 70 000 exécutions sommaires au Rwanda à la suite du génocide des Tutsis au moment où le FPR [Front patriotique rwandais] reprenait le pouvoir au Rwanda.

Le régime totalitaire rwandais verrouille l’information et les faits ce qui revient à alimenter ce qu’il cherche à combattre, c’est-à-dire le divisionnisme. Pendant plus de vingt ans, la communauté internationale s’est réduite au silence par culpabilité en raison de son laisser-faire au moment du génocide des Tutsis. Il est grand temps que la communauté internationale sorte de son mutisme car le Rwanda ne pourra pas continuer à se développer sans un minimum de démocratie quelle que soit la qualité des propositions formulées dans Vision 2020.

Nous reconnaissons que Paul Kagamé a des solutions intéressantes pour l’Afrique, des solutions africaines aux problèmes africains, mais nous constatons que dès que cela dérange un peu son pouvoir, il a vite fait d’oublier son panafricanisme. Les défenseurs de Victoire Ingabire ont saisi la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, qui est un organe de l’Union africaine pour tout citoyen. Quelle a été la réaction de Kagamé ? Au lieu d’aller plaider, le gouvernement rwandais s’est retiré de cette cour !

Nous exigeons la libération de la camarade Victoire Ingabire !

Nous appelons instamment le peuple rwandais à sortir de sa zone de confort que représente la stabilité et la sécurité retrouvées et à exiger le retour de la démocratie.

N’en déplaise aux admirateurs des « hommes forts seuls capables de développer les pays d’Afrique », nous considérons cette réélection comme une insulte à la démocratie et à l’Afrique.
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Pour l’AFPA : Pierre Boutry

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