Pierre Boutry pour la France Insoumise : réponses aux questions du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique
1. Vingt-sept ans après la fin de la guerre froide et le début de la fin des partis uniques, quel est, selon vous, l’état d’avancement de la démocratisation de l’Afrique ? A ce stade, comment la diplomatie française doit-elle considérer les pays sans alternances de président et de parlement?
La démocratisation en Afrique est à mi-parcours tant du point de vue du nombre de pays (le nombre de démocraties équivaut au nombre de dictatures avec une tendance favorable) que du point de vue du processus avec une émergence de la société civile et de la jeunesse qui contribuent à rénover le combat démocratique avec l’usage des réseaux sociaux et des moyens modernes de communication. La situation reste toutefois dramatique en Afrique Centrale qui prend un retard considérable dans le processus de démocratisation par rapport à l’Afrique Occidentale. Comme par hasard ce sont les pays les plus riches potentiellement qui souffrent le plus ; l’Occident et particulièrement la diplomatie française porte une responsabilité lourde dans cette situation en apportant son soutien aux dictateurs Déby, Sassou, Obiang, Kabila, Bongo. Cette tolérance qui aboutit à laisser ces dictateurs tuer l’intelligentsia de leurs pays au profit d’intérêts économiques occidentaux et au profit de l’entourage clanique de ces personnages, est inacceptable et nous mettrons tout en œuvre au niveau diplomatique afin de bouleverser ces situations acquises. Si le vieux combat de peuples en Afrique contre les présidences à vie semble avoir obtenu le soutien de la France tel qu’exprimé par Hollande en faveur de l’alternance politique dans le continent et contre les révisions constitutionnelles, nous refusons que cela cache la volonté de préserver les conditions d’un néo-impérialisme français et de recueillir les votes des pays de l’OIF. Il a été facile pour Hollande de se donner des airs mitterrandiens en prêchant le respect des constitutions aux chefs d’Etat africains après avoir manigancé une sortie digne à Compaoré en lui promettant le soutien de la France « s’il souhaitait mettre son expérience et ses talents à la disposition de la communauté internationale » ! après avoir soutenu Sassou Nguesso en reconnaissant la légitimité de son référendum, après s’être tu lors de la réélection truquée d’Ali Bongo etc… La France doit cesser d’apporter son soutien aux dictateurs africains et de cautionner des scrutins frauduleux. Nos efforts porteront sur le soutien aux mouvements démocratiques et populaires. La France soutiendra les hommes et les femmes politiques réfugié(e)s en France à cause des dictatures et mènera une politique de dénonciation des biens mal acquis par les dictateurs et leurs familles sur le sol français. Les missions d’observation des scrutins et les projets d’appui aux processus électoraux devront être mis en œuvre à la demande des forces progressistes concernées par des organismes internationaux multilatéraux (ONU, Union Africaine), avec la participation d’organisation de défense des droits démocratiques, à commencer celles qui sont actives en Afrique. Les pratiques de corruption dans les affaires commerciales et le financement de la vie politique française doivent être bannies. Aucune politique sociale, aucune politique de souveraineté nationale, aucune politique de service public, aucune ré-appropriation des richesses nationales, ne peut se faire sans remise en place d’Etats représentant les aspirations des peuples et d’administrations disposant de moyens pour assurer l’intérêt général, l’égalité des citoyens, la continuité et la neutralité du service public. La France appuiera les initiatives visant à renforcer les Etats, assis sur les structures démocratiques et sociales des pays, et tenant compte de l’organisation sociale et des solidarités existantes. Les femmes africaines jouent d’ores et déjà un rôle essentiel pour faire bouger la société (au niveau économique, social, politique…) et ce rôle se doit d’être reconnu et entendu. La coopération avec les pays africains sera redéfinie en fonction de la volonté manifestée en commun de sortir du modèle productiviste d’exploitation et du déséquilibre des échanges. Les droits humains et la co-construction des projets de coopération avec les pays concernés seront au cœur de la nouvelle politique de coopération au développement. Une loi de programmation et d’orientation pluriannuelle sera adoptée par le Parlement pour marquer cet engagement. Un équilibre entre coopération centralisée et coopération décentralisée sera recherché dans un souci d’efficacité et de pérennité des projets tout en respectant les formes d’organisation des pays concernés. Cette coopération sera basée sur un dialogue notamment avec les ONG et une recherche constante de solutions équilibrées qui s’inscriront dans un cadre global de coordination de la coopération pour un pays donné. Elle sera toujours respectueuse des autorités locales et s’intégrera dans les plans de développement nationaux.
2. Quel est votre position sur les processus électoraux contestés et les inversions de résultat présumés ? Quels moyens proposez-vous pour que s’améliore la qualité technique des processus électoraux en Afrique ?
Les pays africains doivent disposer d’institutions fortes de gestion des processus électoraux (CNI, CEI etc…) qui soient indépendants des pouvoirs en place et dont l’indépendance soit garantie par les institutions internationales. Le gouvernement français soutiendra de façon privilégiée les démocraties africaines et appliquera des mesures restrictives dans les relations avec les dictatures. Le gouvernement français se prononcera clairement quant aux dysfonctionnements constatés sans toutefois intervenir dans les affaires intérieures des pays concernés. Le gouvernement français veillera à ce que la société civile et les oppositions soient dotés des moyens techniques suffisants pour permettre des comptages de votes et la transmission de résultats de façon sécurisée. L’exil des Présidents sortants doit être garanti s’ils le souhaitent de façon à ne pas être un obstacle à la démocratisation des pays.
3. Quelles sont vos priorités concernant l’action de l’armée française en Afrique ? L’armée française doit-elle avoir dans ses missions d’aider à la progression de l’Etat de droit ?
Les accords de défense et en particulier leurs clauses secrètes – qui ont pour objectif réel de contrôler les mouvements populaires et leurs luttes sociales – devront être dénoncés. La France ne peut plus accepter que ces bases militaires permanentes en Afrique soient un instrument au service du pillage des ressources naturelles par les grandes entreprises françaises, du financement des dictatures en place et du développement du clientélisme et de la corruption. Cependant, il appartient aux dirigeants africains de demander le départ de ces bases. Dans le cas où certaines de ces bases seraient maintenues, elles serviraient en priorité à la formation d’une armée républicaine nationale et à des missions de génie militaire pour aider au développement en zones rurales défavorisées. Quoi qu’il en soit l’objectif est que ces bases disparaissent dans un long terme négocié. Djibouti est un cas particulier de base stratégique dont le rôle est d’être une plate-forme au service de la paix et de la sécurité des routes maritimes ; un rôle semblable pourrait être attribué à une base de l’Afrique de l’Ouest. L’armée française n’a pas dans ses missions d’aider à la progression de l’Etat de droit qui est du ressort de la diplomatie. La France, mènera une action active dans les instances internationales, pour appuyer les pays africains dans leurs revendications à ne plus connaître d’occupations militaires de puissances étrangères. Tous les accords militaires et de coopération militaire, seront remis en cause et soumis au contrôle démocratique et aux décisions du Parlement. Nous chercherons des alliances et partenariats fondés sur des relations d’égalité et de respect mutuel bannissant les rapports de domination, pour la paix et pour les conditions d’une sécurité collective, par le désarmement et le règlement politique des conflits. Nous contribuerons activement à la mise en œuvre au niveau de l’ONU du traité international sur le commerce des armes, l’élimination des trafics illicites, l’interdiction de production de toute arme apparentée aux mines anti-personnel. Dans un premier temps, la France instituera un contrôle parlementaire sur ses propres exportations d’armes dans le cadre de l’objectif de démilitarisation des rapports internationaux. Enfin, la coopération militaire ne pourra être envisagée qu’avec des démocraties et non pour maintenir au pouvoir des dictateurs prédateurs.
4. Quelles doivent être les priorités de la politique de l’Union européenne en Afrique ? Cette politique est-elle aujourd’hui suffisamment définie ?
La politique de l’Union Européenne en Afrique est mal définie afin de mieux en laisser la responsabilité par accord tacite sur les épaules de la France. Cette situation n’est pas tolérable et sa négociation fera partie de la renégociation globale que nous envisageons. Une réorientation vers la francophonie étant une sorte de plan B possible. Les priorités pourraient être des prises de position fermes sur les processus électoraux en Afrique, des conditionnalités fortes quant aux aides apportées et un partage du fardeau de la sécurité en Afrique.
5. Que proposez-vous de faire concernant l’agriculture, l’environnement et le climat en Afrique ?
Soutenir le développement d’une agriculture paysanne auto-centrée : La première condition porte sur le développement agricole qui joue un rôle primordial pour le développement de l’Afrique en lui assurant notamment l’auto-suffisance alimentaire. La question posée est celle de techniques qui concilierait augmentation de la productivité et respect des équilibres biologiques. Ces techniques existent. Elles ne sont pas issues de la recherche sur les modifications génétiques comme tenteraient de le faire croire les lobbies semenciers, mais commencent à se développer dans le domaine de ce qu’on appelle l’agro-écologie. L’Afrique doit pouvoir mettre en place une révolution agricole adaptée à ses besoins. La France l’aidera à lutter contre sa dépendance aux technologies du Nord, à sa dette et sa perte d’autonomie, et sera à ces côtés pour une révolution agricole permettant un développement économique et social de sa paysannerie, permettant au continent d’assurer la sécurité alimentaire de sa population grâce à des politiques de souveraineté alimentaire, tout en respectant ses équilibres naturels et en apportant des solutions à la crise écologique des écosystèmes cultivés. Respecter la souveraineté agricole des pays africains : Pour une révolution agricole de l’Afrique, il faut également que les pays puissent garantir leur souveraineté et leur autosuffisance alimentaire. Quand les paysans maliens ou burkinabés ne peuvent plus vendre leurs productions sur les marchés locaux car elles sont concurrencées par des produits moins chers importés, notamment du fait qu’ils sont souvent fortement subventionnés (PAC etc..) par leurs pays d’origine, c’est non seulement un drame pour les paysans, drame qui les plonge dans la misère, mais c’est également une menace pour l’indépendance du pays. Le libre échange dans le domaine agricole a renforcé partout l’exode rural et le développement du chômage, il plonge dans la pauvreté des millions de paysans, et il ne garantit pas la satisfaction des besoins alimentaires des populations. L’Afrique pourra compter sur la France pour mettre fin aux politiques de dumping dans l’Union Européenne. Les Etats doivent pouvoir protéger leurs paysans, leur garantir l’accès à la terre et à des prix garantis, investir dans les circuits locaux de distribution et de transformation, et organiser les conditions de leur autosuffisance alimentaire. La souveraineté alimentaire ne s’oppose pas aux échanges mais à la priorité donnée aux exportations : Il faut donner à ces échanges un nouveau cadre qui : -donne la priorité à la production locale, régionale avant l’exportation – autorise les Etats/Unions de décider du niveau de protection qu’ils souhaitent mettre en place. pour se protéger des importations à trop bas prix – autorise des soutiens publics aux paysans, à condition qu’ils ne servent pas directement ou indirectement à exporter à bas prix – garantisse une stabilité des prix agricoles et alimentaires au niveau international par des accords internationaux de régulation des marchés, au moyen de stocks régulateurs. La négociation avec l’Union européenne des Accords de Partenariat Economiques Lomé/Cotonou doit être dénoncée : l’ouverture totale des frontières africaines aux produits agricoles terminerait de ruiner la petite paysannerie et risquerait d’éloigner à jamais la possibilité d’une souveraineté alimentaire. Agir contre la prédation des terres : Environ 10M d’ha ont été vendues ou octroyées à des entreprises multinationales, fonds financiers et capitalistes locaux et des projets d’accaparement des terres cultivables d’environ 20M ha sont à l’ordre du jour ; cela prive les paysans de leurs terres et les paupérise. Un phénomène nouveau largement dû à l’essor des agro-carburants. Alors que ces agro-carburants ne sont pas vraiment bénéfiques à l’environnement (émissions de gaz à effets de serre dans le processus de production, destruction des forêts primaires), ce sont les multinationales de l’agro-alimentaire, du pétrole, de l’automobile, et les banques , qui investissent, non pour trouver une solution écologique au tout pétrole, mais pour faire de cette nouvelle opportunité une nouvelle source de profits Les grandes puissances les encouragent, et la Commission Européenne en premier, qui a décidé de développer les agro-carburants jusqu’à 10 % du total des carburants produits. Mais les quantités nécessaires ne peuvent être cultivés en Europe faute de surface agricole disponible, aussi les industriels et multinationales se sont lancé dans la conquête des terres agricoles des pays du sud, d’abord en Asie et Amérique Latine, aujourd’hui en Afrique. La ruée vers cet « or vert » se fait au détriment des forêts et des terres agricoles à usage alimentaire. Avec comme conséquence la dépossession et la paupérisation de millions de paysans dans le monde, la hausse des prix alimentaires, l’aggravation de la crise alimentaire. Cet accaparement est aussi dû à la volonté de contrôler les ressources agricoles par certains pays déficitaires : une grande partie de ces terres sont alors dévolues à des productions non-destinées au marché local, dans le cadre de grandes exploitations utilisant peu de travail et l’exploitant à outrance, et les populations locales sont mises à l’écart et dépossédées.
6. Comment concevez-vous le développement en Afrique ? Quelle doit être la place de l’Aide publique française et européenne ? Quelle est votre position sur les Accords de partenariat économique (APE) ?
Redéfinir une coopération à l’écoute : La coopération avec les pays africains sera redéfinie en fonction de la volonté manifestée en commun de sortir du modèle productiviste d’exploitation et du déséquilibre des échanges. Les droits humains et la co-construction des projets de coopération avec les pays concernés seront au cœur de la nouvelle politique de coopération au développement. Une loi de programmation et d’orientation pluriannuelle sera adoptée par le Parlement pour marquer cet engagement. Un équilibre entre coopération centralisée et coopération décentralisée sera recherché dans un souci d’efficacité et de pérennité des projets tout en respectant les formes d’organisation des pays concernés. Cette coopération sera basée sur un dialogue notamment avec les ONG et une recherche constante de solutions équilibrées qui s’inscriront dans un cadre global de coordination de la coopération pour un pays donné. Elle sera toujours respectueuse des autorités locales et s’intégrera dans les plans de développement nationaux. Revoir les conditions de l’aide publique au développement (APD) : Face à la course à l’accaparement des terres et des ressources en Afrique Subsaharienne, la France Insoumise appelle à une remise à plat des objectifs, des modes d’attributions et de gestion de l’Aide Publique au Développement (APD). Depuis sa création, l’APD a été un instrument d’influence au service des entreprises internationales, des intérêts économiques et géostratégiques des Etats donateurs au nom de leur politique extérieure. Son efficacité pouvant être mise en cause, l’APD nécessite d’être repensée mais surtout réappropriée par les peuples concernés, en faveur de la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales. La reconnaissance des droits humains, associés aux droits économiques, sociaux et culturels doit être au cœur de la mise en œuvre même des politiques de coopération. Pour être efficace, l’APD ne peut plus être définie sur un modèle unique d’aide, mais doit bel et bien prendre en considération la réalité des dynamiques, économiques, sociales et culturelles, écologiques et politiques nationales. Le processus participatif au service du dialogue social et du partage des pouvoirs politiques doit être au cœur de la coopération internationale. Les parlements, les organisations non-gouvernementales et les associations civiles doivent avoir voix au chapitre quant à la définition et à la mise en œuvre de l’APD. La maximisation des effets locaux des actions publiques aura lieu quand les collectivités territoriales et les organisations non gouvernementales seront associées directement. Il est par ailleurs urgent d’instaurer un contrôle public, seul à même de permettre une visibilité et un véritable pouvoir d’intervention sur le vote des budgets et des programmes. L’Aide Publique Française se caractérise en effet par une organisation centrale éclatée et un réseau de mise en œuvre dispersé. Le ministère chargé de l’économie a toujours eu un rôle important, étant donné le poids de la coopération monétaire et financière avec l’Afrique. L’opacité et l’absence de stratégies et d’évaluations ne permettent pas de contrôler l’efficacité réelle des allocations de l’aide sur le terrain. La France a fait ouvertement le choix de confier sa politique de coopération et de développement à un établissement bancaire «l’Agence Française de développement » (AFD), inscrivant l’aide publique française dans une logique de rentabilité et de marchandisation. L’Afrique subsaharienne n’est plus assez rentable pour la France, en 2011 45% seulement des prêts lui étaient attribués. La lutte contre la pauvreté et les inégalités se fait au service de la rentabilité. La France Insoumise demande à ce que l’agence française devienne une agence publique placée sous le contrôle direct de l’Etat. La reconsidération des objectifs et leurs conditions de mise en œuvre est plus que jamais nécessaire. L’aide publique au développement doit être pilotée par une instance politique intégrant un cadre de dialogue participatif, dans lequel chacun aura voix au chapitre. Un bilan politique de l’aide intégrant l’évaluation au cœur de son processus permettra que demain celle-ci soit enfin au service d’un développement durable et efficace. Une déclaration d’APD sincère et non pas artificiellement gonflée, est le préalable à une réelle volonté de progression de l’aide dont la logique de répartition pourra être définie en fonction des changements espérés et des objectifs de réduction de la pauvreté. Il conviendra de mettre l’APD française en cohérence avec les objectifs du Millénaire pour le développement visant la solidarité internationale, la lutte contre la pauvreté pour atteindre l’objectif fixé par l’ONU de 0,7% du PIB national. Une taxe sur les transactions financières sera mise en place au taux de 0,05% dédiés à la solidarité internationale. Il sera mis un terme aux accords bilatéraux qui conditionnent l’aide au développement à la lutte contre l’immigration. APE : La France Insoumise dénonce les Accords de Partenariat Economique en cours de ratification par les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique australe ; ces accords léonins prévoient la suppression des droits de douane sur les trois quarts des exportations de l’Union Européenne tandis que celle-ci continuera à importer d’Afrique la totalité de ses produits qui sont déjà en franchise de droits. Malgré la résistance de la société civile à Cotonou, à Dakar, à Ouagadougou, les Présidents aux ordres vont céder aux pressions de l’Union Européenne et soumettre leurs peuples. Ces accords sont nocifs pour les peuples d’Afrique car ils vont priver les pays africains de recettes douanières considérables nécessaires à des budgets déjà bien insuffisants pour répondre aux besoins de santé et d’éducation. Ils sont nocifs car il ne peut y avoir de décollage économique des secteurs productifs qui ne disposent pas de véritables avantages compétitifs (notamment l’agriculture et les industries légères de transformation des productions locales) sans des politiques publiques de soutien et de protection contre la concurrence en provenance du reste du monde. Ces accords sont pervers car ils prévoient non seulement la suppression des droits de douane pour les trois-quarts des produits européens mais aussi l’impossibilité de les rétablir par la suite, si la politique des pays ouest-africains devait changer. Ces accords sont porteurs de misère et de famine car ils permettront à l’Europe de déverser certains de ses produits agricoles subventionnés sur les marchés africains et aggraveront la crise de l’agriculture paysanne poussant ainsi les jeunes à émigrer vers les villes ou à l’étranger. De plus, le renoncement à des politiques portant l’accent sur l’autosuffisance alimentaire met potentiellement en péril la sécurité alimentaire des peuples à la moindre flambée des prix. Ces accords vont induire des distorsions au profit de l’Europe dans les flux d’investissement vers l’Afrique dans une période pendant laquelle les investissements internationaux ne manqueront pas. Enfin, ces accords mettent en danger le processus d’intégration régionale des pays africains, seule façon pour eux de développer un marché de taille suffisante et ils inciteront d’autres sous-ensembles économiques à demander des avantages semblables à ceux que l’Union Européenne s’octroie. Le manque à gagner est estimé à 2,3 milliards d’euros cumulés sur quinze ans en Afrique de l’Ouest. Ces accords sont tout aussi nocifs pour les peuples européens, pour le devenir de leurs paysans et pour l’environnement au nord comme au sud ; ils rejoignent d’autres accords de libre-échange comme le TAFTA qui, négociés dans le dos des peuples, ne profiteront qu’à quelques multinationales prédatrices. Nous dénonçons les complices de cet effondrement programmé de l’Afrique : la Commission européenne et le gouvernement français en premier mais aussi les institutions sous-régionales comme la CEDEAO. Nous lançons un appel à soutenir la campagne contre les APE et encourageons les ONG africaines à poursuivre leurs luttes pour éviter la ratification des APE devant les parlements de leurs pays. Nous appuierons toute démarche visant à bloquer la signature de ces accords au Parlement européen et à promouvoir des Accords de Coopération et de Solidarité (ACS) qui ne soient pas basés, comme le sont les APE sur un « libre-échange » qui menace l’émancipation humaine.
7 Que proposez-vous en matière de Responsabilité sociale des entreprises (RSE), de transparence des contrats, de respect des droits humains par les entreprises, de commerce équitable ?
Favoriser l’appropriation collective des biens communs africains par les Africain-e-s : Le sous-sol et le sol africains sont riches : minerais, pétrole, gaz… et de son sol. Mais combien de pays et de gouvernements ont pu transformer cette richesse en facteur de développement pour leurs populations ? Dans combien d’autres cette richesse s’est-elle finalement révélée un grand malheur, encourageant la corruption des gouvernements, les liant aux intérêts des entreprises multinationales, ravageant leur biodiversité, les rendant incapables d’imaginer un processus de développement autonome et endogène ? La question de l’appropriation collective des biens fondamentaux comme l’eau et ses accès maritimes, les forêts, les sols et les richesses du sous sol doivent pouvoir être au cœur d’un projet commun. Nous soutiendrons, y compris au sein des instances internationales, le développement de vrais services publics doté de moyens nécessaires afin de protéger les biens publics des privatisations accomplies depuis plus de vingt ans au bénéfice d’intérêts économiques des pays occidentaux. De même que nous agirons pour l’extension des services publics en France, nous agirons pour que ces services publics français coopèrent au renforcement des services publics dans les pays africains. Co-inventer un nouveau modèle de développement avec les peuples africains : Le modèle de développement des pays industrialisés repose sur l’exploitation à bas prix des richesses, humaines et naturelles, des autres pays. Il n’est donc pas généralisable à l’ensemble de la planète et ne peut servir de modèle. L’entrée de nouveaux pays dans le grand marché mondial engendrent des tensions fortes sur les prix des matières premières et énergétiques, et risquent de dégénérer rapidement en conflits armés. La planète est à bout de souffle car le capitalisme est incapable d’organiser la gestion collective des ressources naturelles et que le partage des richesses s’organise dans les rapports de force mondiaux. Dans les conditions actuelles, l’Afrique se retrouve dans l’incapacité de peser et de s’insérer dans ce commerce mondial. Si rien n’est fait, ses ressources continueront d’être pillées. L’Afrique est capable d’inventer son propre modèle de développement, qui tienne compte de l’important secteur informel et qui s’appuie sur ses richesses naturelles et humaines pour satisfaire d’abord les besoins de ses populations. Les peuples africains doivent avoir les possibilités de garantir l’autosuffisance alimentaire et énergétique, développer une industrie de transformation adaptée à leurs besoins, s’appuyer sur ses talents commerciaux pour développer un commerce régional qui garantisse leur autonomie. L’Afrique réussira ainsi à parler en égal dans les négociations internationales. Nous pouvons pour notre part aider pour l’élaboration d’instruments de mesure et de décompte fiables, notamment dans le domaine foncier, et de statistiques démographiques et d’activités, dans un objectif de développement agricole et technique. Exiger et contrôler la transparence des pratiques des grandes entreprises françaises en Afrique : Parmi les exigences à formuler, outre celles concernant la responsabilité sociale et environnementale, figure celle de publier les contrats des industries extractives et des industries d’exploitation des ressources naturelles de façon à permettre aux peuples de connaître et donc de pouvoir maîtriser l’utilisation de leurs ressources. Pour en finir avec le scandale des paradis fiscaux et judiciaires qui permettent, par le biais de grands contrats, militaires ou industriels, l’évasion de sommes colossales, (« commissions » de toutes sortes, « biens mal acquis » …) , la France agira avec détermination au niveau européen et international pour :- établir la traçabilité des transactions financières et la transparence des mouvements de fonds et des patrimoines.- Lutter contre l’impunité en renforçant la coopération judiciaire et fiscale entre Etats, en favorisant un espace judiciaire européen doté d’un pôle financier ayant accès au secret bancaire. L’autre exigence consistera à imposer à toute entreprise détentrice d’un contrat sur projet, de susciter la naissance d’entreprises africaines pérennes et de créer en particulier un réseau de petites et moyennes entreprises travaillant en collaboration avec leurs homologues françaises de façon à créer un véritable tissu industriel. Une attention particulière sera portée à l’émergence ou au renforcement de syndicats forts en lien avec leurs homologues français en commençant par les industries extractives et les services publics délégués. Les tribunaux français seront aussi compétents pour juger les entreprises françaises et leurs filiales qui ne respecteraient pas la législation internationale du travail (en particulier concernant le travail des enfants) et les réglementations environnementales. Interdiction sera faite aux entreprises françaises d’exporter leurs déchets –tout particulièrement les déchets nucléaires et chimiques- dans les pays africains et les entreprises qui ont eu recours à de telles pratiques devront être poursuivies et contraintes à réparer les dégâts humains et écologiques provoqués.
8 Quelles propositions faites-vous pour favoriser la souveraineté monétaire en Afrique ?
La révolution citoyenne et souveraine présuppose que chaque peuple soit responsable de sa politique monétaire, ce qui n’interdit pas l’idée de monnaie commune mais à la condition que ce ne soient pas des experts auto-désignés qui s’en saisissent pour mettre les peuples au service de l’économie. La dette qui étrangle beaucoup de pays devra être auditée et réexaminée de façon à isoler ce qui doit effectivement être remboursé de ce qui relève de la notion de dette odieuse. Les cessions d’actifs publics seront systématiquement remis en question afin de vérifier que le prix payé par les acheteurs correspond bien à la valeur de ces actifs, faute de quoi ils seront transférés à des sociétés anonymes dans lesquelles l’Etat sera actionnaire à hauteur de la différence entre la valeur réelle et la valeur payée par ces acheteurs qu’ils soient locaux ou étrangers. Le crédit doit être replacé sous le contrôle de la Banque Centrale de chaque pays : les facilités extravagantes accordées aux monopoles doivent être supprimées au bénéfice de l’expansion de crédits aux entreprises petites ou moyennes existante ou à créer. Le Franc CFA qui fut d’abord « Franc des Colonies Françaises d’Afrique » avant de devenir « Franc de la Communauté financière africaine », même s’il présente l’intérêt d’être une monnaie commune régionale, présente le grave défaut de lier les choix financiers de cette partie de l’Afrique à la BCE et à l’Europe et empêche les pays concernés d’entrer dans la construction d’une Banque centrale africaine. Il est urgent de rendre aux banques centrales la gestion de la politique monétaire qui serait alors adaptée au cycle de leurs économies. Ceci s’accompagnerait d‘un abandon par la France de son droit de vote et de veto dans toutes les instances de ces banques, de l’abandon de l’obligation de déposer 50% des avoirs des pays CFA à la Banque de France, ainsi que l’abandon du pouvoir du conseil des ministres français de décider des parités et dévaluations du CFA. Cette réforme majeure, qui peut préfigurer d’autres évolutions en lien ou non avec la proposition de l’Union Africaine de créer une monnaie commune à toute l’Afrique, devrait permettre de mettre fin à la deuxième extraversion des économies africaines (la première étant les filières de rente) et autoriserait ces banques de jouer pleinement leur rôle dans le financement du développement. Nous devrions défendre le droit des gouvernements des pays africains, s’ils veulent bénéficier d’un minimum de moyen pour orienter les investissements publics, de prendre des mesures de prise de contrôle des filiales des banques privées, essentiellement françaises, qui constituent souvent le seul réseau bancaire existant. La France Insoumise veut que la France rende aux pays africains de la zone CFA l’autonomie de gestion de leur monnaie, et leur rendre le choix de créer d’autres monnaies communes sur leur continent s’ils le souhaitent, en suscitant les conditions économiques et politiques d’une évolution du Franc CFA sans que cela ne mette en péril les économies concernées ou ne renforce un autre type de prédation. Nous devons donc créer une instance de réflexion commune pour faire des propositions concrètes de sortie du système actuel tout en étant réalistes sur les conditions d’un succès d’une autonomisation qui ne doit en aucun cas nuire aux conditions de vie des populations concernées.
9 Quelle politique migratoire française et européenne proposez-vous ? Quel doit être le lien entre cette politique et l’ensemble de la politique française et européenne en Afrique ?
Nous ne parlerons pas dans ce chapitre des réfugiés politiques pour lesquels les lois de l’hospitalité Nous récusons les discours et les politiques racistes et xénophobes qui utilisent comme des boucs-émissaires celles et ceux des migrant-e-s des pays d’Afrique notamment, qui sont trop souvent contraints d’émigrer en Europe parce que les conditions économiques dans leurs pays sont insupportables et/ou parce que les dictatures en place maintiennent leurs populations dans la misère et qui le font fréquemment au péril de leur vie. C’est pourquoi, nous mettrons un terme à la stigmatisation et à la criminalisation de l’immigration, nous abrogerons les loi anti-immigration mis en place au cours des dernières années, et nous procéderons à une refonte du Code de l’entrée et du séjour des étrangers sur la base du respect le plus strict des droits des migrant-e-s et de la personne humaine et une régularisation des travailleurs sans-papiers. Car la première question à se poser est : pourquoi les africains quittent leur pays ? Certainement pas par plaisir mais à cause du manque de démocratie, de l’instabilité de régimes qui ont d’autres priorités que l’emploi et le développement économique, de l’inadéquation des formations aux besoins etc… : il est de fait difficile de dissocier motivations économiques et motivations politiques. La procédure d’obtention des visas, procédure actuellement difficile et d’un coût élevé avec parfois une externalisation de certains services, sera revue. Le visa « Balladur » sera supprimé aux Comores. Enfin, la décristallisation totale des pensions des anciens combattants sera mise en œuvre. La politique de l’ « immigration choisie », en organisant la fuite des « cerveaux » africains (médecins et infirmières, ingénieurs et cadres, professeurs) prive l’Afrique d’un facteur de développement essentiel. Nous devons favoriser la coopération scientifique et universitaire entre l’Afrique et l’Europe en accordant les autorisations de séjour aux étudiants et chercheurs africains pour renforcer des systèmes d’éducation africains qui ont été parmi les secteurs les plus attaqués par les plans d’ajustement structurels. Il n’y aura donc surtout pas de quotas ou de critères de sélection des migrants africains en fonction de « nos besoins économiques » et aux dépends des pays du Sud. Mais la France n’est pas qu’un territoire c’est aussi un système économique et social ; il nous faut donc trouver un équilibre entre la libre installation entrainant la remise en cause de notre modèle et la fermeture totale de ce droit entrainant l’augmentation des migrations clandestines. Rappelons qu’il y a 9 millions de pauvres en France et 15% de chômage réel. Des solutions (quotas par pays, conditionnalités touchant à la démocratisation des pays africains…) devront donc être négociées. La création de secteurs d’activité dans les pays africains sera promue et accompagnée ; la formation aux métiers manuels de base sera développée afin de rendre autonomes des entreprises petites et moyennes dans l’artisanat et la petite industrie. Nous participerons aussi à créer les conditions de réinstallation au pays dans des conditions correctes et dans le cadre de projets de développement structurés, de cadres installés en France par nécessité. Ceci suppose de laisser ouverte une possibilité de fluidité des migrations (allers-retours, possibilités de retour sans crainte de perdre son droit à revenir en France …). De plus, les dispositifs publics de soutien aux initiatives des migrants d’origine africaine établis en France, en faveur du développement de leur pays d’origine seront élargis et renforcés, dans une véritable logique de co-développement et d’inclusion sociale des populations migrantes en France. Les commissions bancaires imposées aux migrants pour les transferts d’argent destinés au développement de leur région – dont le volume actuel est plus de 3 fois supérieur à l’Aide Publique française au Développement – seront contrôlées, via la mise en place de structures publiques pour le co-développement. Beaucoup d’associations villageoises contribuent au développement local et prennent souvent le relais de l’État (construction d’écoles, de lieux de soins), et ne le font que grâce aux transferts des émigrés qui contribuent beaucoup au développement de leur pays d’origine.
10 Comment voyez-vous le rôle de la francophonie ? Quelle place accordez-vous aux échanges interculturels entre France et Afrique ?
Francophonie : La langue française était certes la langue du colonisateur mais elle est devenue une langue au pluriel et en particulier une langue africaine, une langue qui s’enrichit constamment de façon baroque en rencontrant les langues parlées ; elle doit nettement se situer du côté de l’en-commun qui présuppose une co-appartenance basée sur le partage entre de multiples singularités et non pas du côté de l’universel qui implique un rapport d’inclusion à une entité déjà constituée en l’occurrence ici une culture française qui continuerait à se prétendre au centre du monde. La langue française doit aussi redevenir une langue d’émancipation non plus dans sa totale identification avec la République française mais comme la langue qui replace l’autre au cœur de l’humanisme. La langue française doit donc devenir une langue de résistance à celle des anglo-saxons dans la mesure où elle véhicule un modèle de société de coopération et non de compétition, une société d’hospitalité et non de ségrégation communautaire. C’est à ces seules conditions que nous soutenons la francophonie, une langue n’étant pas seulement un outil de communication, mais aussi le creuset de l’identité d’un individu, d’un peuple ou, comme dans ce cas précis, d’une communauté de peuples unis par une histoire commune et tournés vers un avenir partagé. Hélas ! La francophonie qui nous est proposée ne correspond en rien à ce dessein. L’institution dénommée Organisation Internationale de la Francophonie est devenue un instrument politique au service de la France qui profite du poids de ses pays membres pour rayonner à l’extérieur. Une institution qui promeut la langue française universelle au détriment des langues locales, qui sert à asseoir et à pérenniser des dictatures, qui se soucie peu des jeunes, qui admet en son sein des pays d’Europe de l’Est ou mieux encore de l’Asie du Sud-Ouest, du Moyen-Orient dont on ignorait qu’ils parlassent français (seuls 32 pays ont le français comme langue officielle ou partagée sur les 80 ! pays membres). Alors qu’il s’agirait de réorienter l’OIF vers une communauté de cultures, de l’approfondir plutôt que de l’élargir, de renforcer son budget d’éducation au profit des peuples, c’est l’inverse qui est proposé comme feuille de route à Michaëlle Jean. On citera dans cette feuille de route premièrement : la promotion d’une nouvelle stratégie économique, certainement en vue de mettre en œuvre les APE dévastateurs des économies africaines et pour protéger de l’expansionnisme chinois les intérêts économiques français et canadiens en Afrique, deuxièmement : la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, prétexte très en vogue pour faciliter la (re)militarisation du continent. Le tout avec un budget en baisse. L’Afrique Insoumise dénonce les orientations de ce club affairiste au service des puissants qu’est devenu l’OIF et invite les peuples francophones à ne pas être dupes des tentatives de manipulation dont ils sont une fois de plus les victimes. Vive une nouvelle francophonie de partage, de solidarité et de progrès ! Loin des « sommets de la francophonie » qui ont servi longtemps à maintenir des liens de domination entre la France et ses anciennes colonies, la promotion et le partage de la langue française peuvent être utilisée comme une passerelle entre les cultures. Un projet important de valorisation des relations culturelles ainsi que de l’histoire des immigrations africaines successives qui ont participé à l’histoire de France, sera mis en œuvre afin de lui reconnaître la place qui lui revient. Sur le plan économique, la création d’une Banque de développement francophone permettrait une meilleure concertation et un meilleur usage des fonds mutualisés destinés au développement et à l’émancipation des peuples africains. Sur le plan politique, plutôt que des sommets France-Afrique dignes héritiers d’un passé colonial et post-colonial, promouvons des sommets francophones autour d’objectifs de progrès et d’émancipation partagés entre partenaires internationaux. Regarder en face notre histoire commune : Des commissions d’enquête parlementaire devront faire la lumière sur les responsabilités de la France dans les atrocités commises durant la colonisation (par exemple Cameroun et Madagascar). Elles enquêteront sur les implications de la France dans le génocide des Tutsis (Rwanda), coups d’Etat et renversements militaires (Côte d’Ivoire, assassinat de Thomas Sankara, Mauritanie…) en Afrique et obtiendront la dé-classification des documents secrets nécessaires à leur enquête. Tous responsables de génocide, crime de guerre, crimes contre l’humanité, actes contraires aux Conventions de Genève, vivant en France seront poursuivis et jugés. Il ne s’agit pas de verser dans la repentance systématique, toutes les conquêtes apportant aussi leur lot d’échanges et d’apports ne se limitant pas à la sphère économique. Il ne s’agit pas non plus de verser dans les compensations financières sauf cas particulier. Mais seule la vérité du discours permettra, grâce à un soutien accru au travail des historiens et des scientifiques, de dépasser les problèmes récurrents qui empêchent un développement concerté entre les pays africains et la France mais aussi de réduire la fracture coloniale et de renforcer le vivre ensemble et l’intégration dans la République française des descendants des immigrations successives.