Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche
Paris, le 7 septembre 2019
Côte d’Ivoire : hommage à DJ ARAFAT
Ange Didier Houon alias DJ ARAFAT, le roi du coupé-décalé, est mort dans un accident de moto le 12 août à Abidjan.
Nous rendons hommage à cet artiste mort trop jeune, à 33 ans, l’âge du Christ. Il a connu une jeunesse de souffrance qui l’a conduit dans la rue. Il a ensuite connu le succès en faisant évoluer l’un des styles de la musique populaire ivoirienne le » coupé décalé », style musical apparu dès le déclenchement de la crise militaro-politique du 19 septembre 2002, et adopté par les adolescents Ivoiriens. Une façon de faire la fête comme une fuite par rapport à une réalité chaotique et violente.
En acceptant ce surnom de DJ ARAFAT, il a rapidement indiqué sa volonté de transgresser l’ordre établi. Comme le combattant palestinien qui a toute sa vie cherché à redonner une dignité à son peuple, DJ ARAFAT a, à travers sa musique, essayé de traduire le grand malaise de la jeunesse ivoirienne qui a perdu ses racines traditionnelles et qui est privée de toute perspective pouvant donner un vrai sens à sa vie. La responsabilité en incombant au pouvoir politique qui préfère que cette jeunesse se perde dans un consumérisme frénétique et un spectacle permanent.
Ses multiples identités (une dizaine), son langage recréé à partir d’un chaos d’expressions parfois inventées, ses danses que l’on peut voir comme une déstructuration des danses traditionnelles, son recours permanent aux « clashes » avec d’autres artistes, tout traduit un appel au secours auquel les puissants, au premier rang desquels Hamed Bakayoko, ministre d’Etat, mais aussi des célébrités du football, n’ont su répondre qu’en le « cadeautant » afin de le maintenir dans un état de dépendance.
Sa fin tragique fait suite au boycott dont il a été l’objet dans les mois précédents : refus de faire la publicité de ses concerts et interdiction de passage sur les ondes. Comme s’il avait fini par déranger alors qu’on souhaitait qu’il se range.
Respect pour ce suicidé de la société ivoirienne placée sous la férule du régime Ouattara !
A la jeunesse ivoirienne désemparée et désorientée, nous disons comme le Yôrôbô : « soyez forts, soyez toujours forts, il ne faut jamais baisser les bras » et nous ajoutons : luttez contre le système en place qui vous méprise et vous tient sous sa coupe.
Pierre Boutry