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ALGERIE : Macron ou le retour du refoulé colonial

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Après avoir joué les matamores dans l’affaire des sous-marins australiens puis s’être aplati suite au coup de fil de Biden, Macron qui se révèle décidément être un piètre diplomate, se met à insulter l’Algérie. En déclarant lors d’une rencontre avec des jeunes issus de familles ayant vécu intimement la guerre d’Algérie et en présence de l’historien Benjamin Stora auteur du rapport sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie »,  que « le système politico-militaire [algérien] s’est construit sur une rente mémorielle » et sur « une histoire officielle (…) totalement réécrite » qui « repose sur une haine de la France non pas de la société algérienne dans ses profondeurs, mais du système politico-militaire», Macron  non seulement ruine tout espoir de réconciliation mémorielle avec l’Algérie mais se tire une balle dans le pied tant quant aux conséquences que les réactions algériennes d’interdiction de survol de leur espace aérien entrainent sur Barkhane qu’aux conséquences sur la géopolitique du Maghreb : cela revient à se jeter dans les bras du Maroc qui est le pion avancé des USA et d’Israël en Afrique, et ce bien sûr au détriment du peuple sahraoui. Cela compromet aussi tout espoir de paix au Sahel qui semblait pouvoir naître avec le retrait progressif de Barkhane et une meilleure coopération des acteurs internationaux et régionaux dont l’Algérie.  

Macron est même allé plus loin en niant la possibilité même d’une nation algérienne sous prétexte que l’Algérie était avant la colonisation française sous le joug de l’Empire Ottoman. Ce n’est pas en donnant des leçons à un pouvoir algérien sur le ton du colonialiste  réprimandant le colonisé qu’une éventuelle coopération algéro-française en matière de mémoire pourra voir le jour. Macron ferait mieux de reconnaître comme crime d’Etat certains épisodes odieux de la guerre d’Algérie à commencer par les massacres du 17 octobre 1961 à Paris.

Ces déclarations nauséabondes s’ajoutent à l’annonce sans consultation préalable d’une forte diminution du nombre de visas accordés aux ressortissants du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, en invoquant sans plus de précautions un « refus » de ces pays de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France.

Macron avait déjà donné des leçons aux libanais avec le succès que l’on sait. Il s’en prend maintenant à l’Algérie, manière honteuse de détourner l’attention sur les ratés de sa politique et de flatter encore davantage s’il en était besoin les rancœurs de l’électorat de droite extrême et d’extrême droite dont il pense avoir besoin.

Pierre Boutry

Communiqué  de la commission Afrique du  Parti de Gauche


L’ancien président de la République algérienne est mort le 17 septembre 2021. Malgré ses 4 mandats, le pouvoir effectif demeure entre les mains de l’armée et les maux de l’Algérie (dépendance à la rente énergétique, chômage endémique, corruption, islamisme, autoritarisme, censure, isolement diplomatique régional) demeurent. Seule fidélité à la Révolution un panarabisme toujours présent dans les discours (soutien à la cause palestinienne).

Roger Esmiol retrace ci-après son parcours politique.

1937-1958

Abdelaziz Bouteflika est né le 2 mars 1937 à Oujda d’une famille algérienne originaire du village de Aîn al Hout, près de Tlemcen, qui a émigré au Maroc .C’est un élève brillant  au lycée d’Oujda : il maîtrise parfaitement le français, l’arabe standard et l’arabe chaabi .Il milite dans une cellule du parti marocain Al Istiqlal d’Allal Al Fassi.

Il rejoint  l’ALN en janvier 1957.Après un mois de formation ; nommé aspirant, en tant que contrôleur, il fait la tournée des katibas de la willaya N° 5. Nommé lieutenant, il devient le secrétaire particulier du colonel  Houari Boumediène  Il accomplit diverses missions pour le compte de la willaya mais n’est pas intégré dans une unité combattante

1962 – 1965.

En 1962, il siège à l’Assemblée Constituante en tant que député de Tlemcen. Il devient ministre du gouvernement d’Ahmed Ben Bella : ministre de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme puis  ministre des Affaires étrangères. Il participe bientôt  aux activités d’un groupe dirigé par le colonel Boumediène  qui prépare un coup d’Etat pour renverser Ben Bella.

1965 -1978

Membre du Conseil de la Révolution créé par Boumediène en 1965, après son coup d’Etat du 19 juin où il prend le pouvoir, Bouteflika occupe le poste de ministre des affaires étrangère, jusqu’au décès de Boumediene en décembre 1978. Il entreprend une tournée des capitales pour relancer la seconde conférence afro-asiatique préparée l’époque  de Ben Bella par Bouteflika et Mohamed Yazid. Reportée à plusieurs reprises, l’Algérie annonce le 2 décembre 1965 l’ajournement définitif de la conférence.

Dans les années 1970, il était souvent été critiqué pour ses séjours prolongés à l’étranger, notamment en Espagne et au Maroc, en négligeant sa mission au ministère des Affaires étrangères. Boumediène confie à d’autres personnes certains dossiers, et, en particulier le dossier de la nationalisation du pétrole. Bouteflika n’était pas d’accord avec cette nationalisation et avait entrepris des négociations avec les autorités françaises ménageant les intérêts français.

1978-1999      Durant la maladie de Boumediène, puis après son décès le 27 décembre 1978, il engage une série de manœuvres avec les divers clans qui existent à cette époque pour lui succéder.

C’est lui qui lit l’oraison funèbre de Boumediène  et il prétend que Boumediène, par testament (introuvable) l’a désigné comme son successeur. Ces manœuvres n’aboutissent  pas.      L’Etat-major prend les choses en mains Le             26 janvier 1979, une réunion de  800 officiers et sous-officiers, venus de toute l’Algérie désigne Chadli Bendjedid comme candidat à la présidence de la République algérienne.(1) C’est la mise à l’écart du pouvoir pour une longue période que  Bouteflika n’a jamais acceptée.  Bouteflika est poursuivi par la Cour des Comptes, qui l’accuse d’avoir détourné  trois  millions de francs suisses  sur les trésoreries des différentes chancelleries algériennes à l’étranger. Bouteflika quitte alors l’Algérie et vit à Paris, Genève, en Syrie, à Abu Dhabi. Il bénéficie de la protection des émirs  du Golfe.

C’est seulement en 1999 qu’il pourra se présenter à l’élection présidentielle, grâce à l’appui de l’armée.

Ayant fait voter par le Parlement la suppression de la limitation du nombre de mandats, il effectuera 4 mandats en  un peu moins de 20 ans au pouvoir : il est constamment reconduit dès le premier tour avec plus de 80 % des voix en 2004, 2009 et 2014. Il sera accusé à chacune de ces élections d’avoir organisé des manœuvres frauduleuses : bourrage des urnes, falsification des résultats électoraux. A partir de 1913, la santé de Bouteflika se dégrade : victime en 2013 de deux AVC successifs : ses membres inférieurs et supérieurs sont paralysés. Il n’arrivera plus à parler avec cohérence. Réélu en 2014 pour un quatrième mandat, il prête serment en fauteuil roulant.

La négociation avec les islamistes

Bouteflika fait adopter deux lois d’amnistie, en 1999 et 2005 et il  négocie avec les islamistes qui accepteront de déposer les armes excepté de petits noyaux réprimés par l’ANP.    Soumis à référendum, le projet de loi sur la concorde civile qui propose l’amnistie aux islamistes est approuvé à 98%. Elle aboutit à la libération de 20 000 intégristes, même ceux qui ont commis des crimes de sang que Bouteflika appelle « nos  frères égarés »

La mégalomanie de Bouteflika

Nous citerons le cas de la Grande Mosquée. Le quotidien El Watan écrit dans son numéro du 5 10 2020 : La Grande Mosquée d’Alger, monument à la gloire de Dieu, ou mausolée destiné à éterniser le nom de Bouteflika ? Bouteflika voulait que le minaret de la mosquée dépasse celui de la mosquée construite par Hassan II au Maroc. Ce minaret avec ses 265 m, est le plus haut du monde. Selon le ministre algérien des finances, la Grande Mosquée aurait coûté l’équivalent de 898 millions d’euros (2)

Le développement de la corruption

.Il s’agit de  pots de vin, commissions, retro-commissions surfacturations, blanchiment d’argent, marchés illégaux. Nous prendrons le cas de l’autoroute Est-Ouest. Le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) dès 2009 constate que des commissions de 900 millions de dollars vont à des intermédiaires étrangers ou à des proches du Ministère des travaux publics. On peut aussi citer le cas des subventions agricoles -500 millions de dollars – détournées en partie par le Président de l’Assemblée nationale (3)

            Un président-bis

Avec la dégradation de la santé d’Abdelazziz Bouteflika à la suite de ses AVC, Saïd Bouteflika joue un rôle de plus en plus important et se substitue largement à son frère. Il prend de fait la direction des affaires à El-Mouradia (4)

(1)Chadli Bendjelid mettra en œuvre la politique d‘Infitah en Algérie .Dans un entretien au quotidien d’Algérie le 7octobre 2 010 il répond à une question d’un journaliste « oui, c’est moi qui ait changé le système du socialisme vers le capitalisme » C’est «l ‘Infitah  (l’ouverture) qui désigne  la « libéralisation « de l’économie  la privatisation du secteur public, l’ouverture de l’économie aux capital privé local et aux oligopoles étranges

(2) Ce chiffre a été contesté et des évaluations plus élevées ont été publiées

(3) De très nombreux secteurs de l’appareil algérien ont été concernés. Le chiffrage de cette prédation est extrêmement difficile à évaluer. Une grande partie des sommes détournées a été transférées dans des comptes à l’étranger

(4)Le palais où siège le président de la République

2019 : Non au cinquième mandat

Quand il a été annoncé que Bouteflika briguerait un cinquième mandat, un mouvement populaire, le Hirak s’est développé en Algérie à partir du 22 février 2019 et a rassemblé des millions d’Algériens. Bouteflika a dû démissionner et n’a pu exercer un cinquième mandat. Cela a été le point final de sa carrière politique.

Roger Esmiol

Les leçons d’une disgrâce

Un article du quotidien El Watan 19 septembre 2021

Que restera-t-il de lui si ce n’est le souvenir d’un parrain kleptomane, renversé par le peuple et envoyé à la poubelle de l’histoire ?  Bouteflika est mort en ce vendredi de canicule et d’ennui, et sa mort n’est qu’un fait divers pour celui qui rêvait le panthéon.

Une mort physique, car l’homme est mort symboliquement le 2 avril 2019, quand il est apparu devant la caméra de la télé, vaincu par la maladie et par le peuple, humilié par la capitulation. Le patriarche qu’il était aura vécu un long automne dans le cloître qu’on lui a assigné depuis cette date, souffrant de voir se désintégrer le mythe qu’il avait inventé une vie durant, et son royaume réduit en cendres.

Il partira avec un certificat de décès et une sépulture, mais il n’aura pas le pardon des Algériens pour qui il représente une page du désespoir national, une nuit trop longue, dont le cauchemar se prolonge fatalement.

L’imposture Bouteflika a coûté trop cher à la République. Il était, pour paraphraser Mohamed Benchicou, l’enfant adultérin d’un système grabataire, et d’une démocratie violée, contrariant un destin national digne des sacrifices de générations d’Algériens.

La «faute» de 1999 a mis en danger de mort la jeune nation algérienne et si pour ses metteurs en scène ne suffisent pas les dérives de 20 ans de règne monarchique, l’affreux épilogue devrait vacciner les plus audacieux contre la tentation autoritaire et la réédition de la matrice. La fin de Bouteflika l’Algérien est une leçon cinglante pour tous les assoiffés de pouvoir. Un immanquable livre de chevet pour les adeptes machiavéliques du Prince ; un repère historique pour les illuminés à la mémoire courte.

Comme pour le sort du maréchal Pétain, les Algériens nourriront la haine et le mépris pour celui qui a attenté à leur dignité et hypothéqué leur avenir. Il n’est pas mort comme Ceausescu, mais il est mort comme Pol Pot. Les tentatives à venir pour lui refaire une virginité et le réhabiliter seront vaines, les Algériens ont trop souffert pour oublier.

Comment oublier tout le mal qu’il a fait et dont nous devons payer les conséquences aujourd’hui dans les mouroirs qu’il nous a légués en guise d’hôpitaux ; oublier les divisions qu’il a soigneusement nourries en nous, et les feux qui brûlent notre pays parce qu’il nous a privés des moyens adéquats pour les empêcher et les combattre ; oublier ce mal qu’il a fait et que nous devons subir à cause d’un Etat dont les institutions sont peuplées par une clientèle incapable, et fragilisées par une corruption généralisée.

Comment oublier le viol de la Constitution, les 1000 milliards dilapidés, les 121 victimes du Printemps noir et les milliers de harraga engloutis par la mer ? Et la décennie noire, soignée par une parodie de concorde civile ? La rue a fait le procès de Bouteflika. La rue a condamné Bouteflika. Et aujourd’hui, seuls les crocodiles le pleurent. Une leçon à méditer.

 

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