BENIN : Talon ou la privatisation de l’Etat

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Macron  a envoyé ce mercredi 12 mai une lettre à son homologue béninois, lui adressant ses vœux de succès, ainsi qu’au peuple du Bénin, près d’un mois après la confirmation de sa réélection par la Cour constitutionnelle. Dans ce courrier, Macron note à peine que l’élection a été marquée par des tensions et des violences et  souligne le « nécessaire travail de justice, dans le plein respect des droits des justiciables » et l’importance du dialogue avec l’ensemble des acteurs politiques et sociaux. « Vous êtes le premier à pouvoir créer les conditions d’un climat apaisé », ajoute le chef de l’État français.

C’est pathétique !

Talon qui avait promis de ne faire qu’un seul mandat a été réélu face à deux candidats péniblement trouvés et prêts à manger au râtelier (lors de sa première élection en 2016 il avait fait face à 33 candidats). Achats de ralliements, pressions fiscales, présence massive des forces de l’ordre, conditions de candidatures impossibles à respecter. Un taux de participation officiel de 50% mais en réalité proche des 20%.

Talon a non pas inventé mais poussé au summum une nouvelle forme de dictature en Afrique francophone, celle qui consiste, non comme autrefois à puiser dans les caisses de l’Etat ou dans celles des industries extractives mais à s’emparer du pouvoir pour développer ses propres affaires et à privatiser entièrement l’appareil d’Etat à son seul profit. Le modèle de développement chinois mais sans « ruissellement » ; tout pour un. Mieux que Ouattara, Gnassingbé et Kagame.

Talon c’est l’idéologie managériale d’entreprise appliquée à l’échelle du pays, les conflits d’intérêts au sommet de l’Etat en plus. Il a profité du désengagement de l’Etat, imposé par le FMI et la Banque Mondiale, de la filière coton puis du modèle de structuration verticale imposée par l’AFD pour reconstituer la filière à son profit, façon oligarque russe. Puis il a diversifié ses activités, s’est posé en rival de Boni Yayi, dut s’exiler en France, dont il revint blanchi en 2015 pour se lancer dans la campagne présidentielle en faisant espérer le renouveau décomplexé et moderne au peuple béninois. Il ne lui restait plus qu’à imposer aux administrations publiques qui lui sont utiles ses propres règles de management afin de pressurer les quelques entreprises rentables du pays et de pouvoir les faire racheter par des hommes de paille à bas prix.

La loi est comme une espèce de règlement intérieur que l’on peut changer à sa guise. L’opposition est muselée, les journalistes sont menacés et emprisonnés comme Ignace Sossou. Une loi a été votée afin de poursuivre en justice les critiques politiques sur les réseaux sociaux.

Une centaine de détenus d’opinion (blogueurs, militants, manifestants, politiques…) s’entassent aujourd’hui dans les prisons béninoises. Parmi eux, Joël Aïvo, ancien doyen de la faculté de droit de l’université d’Abomey-Calavi, surnommé « le Professeur » et arrêté le 15 avril. Reckya Madougou, opposante proche de Boni Yayi,  ex-ministre de la microfinance, de la jeunesse et de l’emploi des femmes en 2008, puis ministre de la justice et porte-parole du gouvernement pourtant bien inscrite dans la ligne néo-libérale, a été arrêtée  le 3 mars, elle est poursuivie pour « association de malfaiteurs et financement du terrorisme » ; sa santé est mise en danger.

Le Parti de Gauche demande la libération des prisonniers politiques et la mise en œuvre d’un dialogue avec une opposition enfin reconnue.

Le Parti de Gauche dénonce ce modèle chinois africanisé mélange d’autoritarisme politique, d’affairisme, de creusement des inégalités. Un tel modèle en totale contradiction avec l’âme africaine est voué à sa perte le plus rapidement possible.

Pierre Boutry

Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche

 

 

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