CAMEROUN : il faut sortir de l’impasse

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De l’impasse politique :

L’opposant camerounais Maurice Kamto est toujours bloqué dans sa résidence à Yaoundé. Quant aux centaines de manifestants qui avaient été interpellés le 22 septembre, ceux qui ont pu  payer entre 100.000 et 500.000FCFA ont été libérés mais la plupart sont poursuivis devant un tribunal militaire alors que ce sont des civils et ils sont toujours détenus dans des conditions inhumaines. De leur côté, Alain Fogué, le trésorier du MRC, et Bibou Nissack, le porte-parole, sont toujours en garde à vue administrative au Sed, le secrétariat d’État à la défense. Ils n’ont pas encore été présentés aux juges et ne sont pas encore formellement inculpés.

Cet événement est à mettre au compte de la crise politique qui dure depuis que le 8 octobre 2018, au lendemain de l’élection présidentielle aux résultats contestés, Maurice Kamto s’est autoproclamé vainqueur et que le Conseil Constitutionnel a rejeté ses recours et l’a donné en deuxième position du scrutin avec 14,23 % des voix. Au cours de l’audience relative au contentieux électoral, Maurice Kamto n’a d’ailleurs pas reconnu les membres du Conseil constitutionnel comme étant habilités à arbitrer sur le contentieux post-électoral.

Tout a vraiment basculé en janvier 2019 quand, pour des faits de destruction de biens publics, l’opposant a été emprisonné pour n’être libéré qu’au début du mois d’octobre de la même année à la suite de la décision de Biya (87 ans dont trente-sept au pouvoir) de suspendre les poursuites judiciaires contre les militants du MRC.

Les marches pacifiques du 22 septembre 2020 ont été marquées par un comportement à tout point irréprochable, battant en brèche cette thèse de l’insurrection qu’agite le régime camerounais pour justifier la répression barbare infligée aux marcheurs. Le pire est que, comme lors des marches pacifiques de janvier et juin 2019, déjà, les arrestations et les quelques remises en liberté observées se sont faites sur la base des patronymes, dans le but évident de réduire ces marches à une manifestation ethnique.

Le régime en place n’a toujours pas tiré les leçons de la crise post-électorale de l’élection présidentielle d’octobre 2018 et du message clair que les Camerounais leur ont envoyé en suivant massivement le mot de boycott des élections législatives et municipales de février 2020 (près de 80 % des électeurs ne sont pas allés voter). Dans ce contexte, le refus méprisant du régime d’engager une réforme consensuelle du système électoral ne peut qu’aboutir à de nouvelles crises liées aux élections, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Ce régime qui n’a d’autre souci que sa perpétuation, fige le Cameroun dans une situation post-coloniale identique à la situation coloniale que le pays a subi. Ce régime  ne respecte pas les règles démocratiques et s’emploie à la manipulation des sentiments ethniques pour opposer les Camerounais les uns aux autres. Ce régime est indigne.

De l’impasse sécessionniste :

Biya mène une guerre absurde contre une partie du peuple camerounais dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Cette guerre qui dure depuis bientôt quatre ans a causé plus de 3 000 morts (certaines estimations sont beaucoup plus élevées), des milliers de blessés et de disparus, entrainé un déplacement massif des populations de ces régions (environ 400 000 à 800 000 personnes selon les sources) et généré plus de 40 000 réfugiés camerounais au Nigeria voisin. Des femmes et des  enfants ont été massacrés par les rebelles mais aussi par les forces armées camerounaises ; beaucoup d’enfants  ne sont plus scolarisés.

Ce qui était au départ une revendication d’égalité de traitement et de respect des spécificités anglophones s’est  mué en luttes indépendantistes.

Il n’y a eu jusqu’à présent aucune commission d’enquête internationale sur ces crimes sur de graves violations des droits humains, y compris la torture, des traitements cruels,  des disparitions forcées, des détentions extrajudiciaires.

La résolution de la crise dans les régions du NoSo ne se fera que si la lutte contre l’impunité est menée : elle suppose notamment un dialogue inclusif, y compris avec l’opposition,  l’approfondissement de la décentralisation et le retour au fédéralisme (et à son drapeau à deux étoiles).

 

De l’impasse sécuritaire :

Que ce soit dans l’Extrême Nord ou dans le NoSo, le même scenario se répète : les militaires commettent des exactions, d’abord niées par le pouvoir politique puis jugées et condamnées sous la pression internationale.

Les exécutions de 2015 ont été commises par des militaires dans le village de Zelevet dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun. Elles ont été enregistrées dans une vidéo devenue virale au début du mois de juillet 2018. Sept soldats qui avaient participé à l’une des nombreuses opérations de sécurité contre le groupe armé islamiste Boko Haram ont finalement été jugés et cinq ont été reconnus coupables le 17 août par un tribunal militaire de Yaoundé qui a travaillé à huis clos. Les forces armées camerounaises ont à plusieurs reprises été impliquées dans d’autres crimes graves depuis les meurtres de 2015, et la réaction du gouvernement a toujours été de nier toute responsabilité. En février 2020, des militaires camerounais ont tué 21 civils dans le village de Ngarbuh, dans la région du Nord-Ouest, lors d’une attaque de représailles visant à punir la population accusée par les forces de sécurité d’abriter des séparatistes armés. Le gouvernement a initialement nié que les militaires aient commis ces crimes. Pourtant, des responsables ont par la suite admis que les militaires étaient partiellement responsables des meurtres, et ont ordonné l’arrestation de trois membres des forces de sécurité.

L’important déploiement de l’armée et des unités d’élite encadrées par des ex-militaires israéliens, ne suffit pas à contenir les assauts des « Boko Haram », dont une branche a prêté allégeance en mars 2015 à l’organisation de l’Etat Islamique. Ils incendient et pillent les villages, kidnappant ou massacrant les civils. Ils sont aidé par des villageois, organisés en « comités de vigilance », des groupes d’autodéfense encouragés par le pouvoir politique et les chefferies traditionnelles. Devenus des supplétifs de l’armée, certains en profitent pour régler des comptes, quitte à amplifier les violences perpétrées par les soldats et les djihadistes.

 

De l’impasse économique :

Trois régions sur les dix que compte le Cameroun sont aujourd’hui déclarées fiscalement sinistrées. Dans les autres régions, la situation économique n’est guère plus brillante. Les Camerounais font face à un chômage endémique et une inflation galopante, sans compter la corruption généralisée qui rend difficile tout investissement au Cameroun. La pauvreté n’a cessé de s’accroître. Le PIB par habitant, d’environ 1 500 dollars US est inférieur à ce qu’il était il y a 25 ans.

De l’impasse sanitaire :

Le Cameroun avait enregistré 21441 cas confirmés de Covid 19 et 423 décès à la date du 10 octobre, la majorité de ces cas étant survenus dans les villes de Yaoundé et Douala. Le nombre réel de cas est très probablement plus élevé, car les capacités de dépistage sont limitées. Fin mars, le gouvernement a demandé aux citoyens de contribuer à un Fonds Spécial de solidarité nationale, qu’il a créé pour fournir un appui supplémentaire aux efforts déployés pour limiter la propagation du Covid-19 et pour soigner les malades. Il a également reçu un financement d’urgence de 226 millions de dollars du FMI.

Or les établissements de santé du Cameroun ont versé des contributions obligatoires (10 % de leurs recettes mensuelles) à un fonds d’urgence pendant plus de 25 ans. Le gouvernement se devait de débloquer l’argent provenant de ce fonds pour soutenir les établissements médicaux qui font face à la pandémie de Covid-19. Aucune information au sujet des règles de gestion de ce fonds ou de ses activités n’a été publiée, ce qui le rend évidemment vulnérable à la corruption et aux détournements. En résumé : escroquerie, abus de pouvoir et mauvaise gestion.

De l’impasse autoritaire :

Les violences contre les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et  les militants politiques ne se comptent plus. Quant aux conditions déplorables et inhumaines des séjours répétés et injustifiés dans les prisons, nous rappellerons des évènements récents : les autorités camerounaises ont détenu plus d’une centaine de personnes au secret et torturé un grand nombre d’entre elles dans un centre de détention à Yaoundé, entre le 23 juillet et le 4 août 2019. Les détenus ont été transférés vers ce centre, le Secrétariat d’État à la défense (SED), le lendemain matin d’une émeute de détenus à la prison centrale de Yaoundé le 22 juillet pour protester contre la surpopulation, les conditions de vie désastreuses et les retards dans le traitement des dossiers devant les tribunaux. Nombre d’entre eux étaient détenus parce qu’ils étaient soupçonnés de faire partie de groupes séparatistes armés opérant dans les régions anglophones du Cameroun ou de les soutenir. Le 4 août, tous les prisonniers qui avaient été transférés au SED ont été ramenés à la prison centrale. Beaucoup avaient été torturés.

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En terme de dynamique de lutte Stand Up for Cameroon existe depuis quatre ans, il s’agit d’une plate-forme de lutte dans laquelle était le MRC de Kamto à la naissance mais il a préféré faire cavalier seul, ce que nous déplorons. Stand Up est constitué du CPP de Kah Wallah, de l’UPC-MANIDEM, d’un monde à venir, et de trois, quatre autres organisations. Stand up organise les vendredis en noir pour protester contre les difficultés sociales, économiques, politiques. Ce vendredi 18 octobre, les forces répression qui étaient sur les dents avec l’annonce de la manif du 22,  ont arrêtées quatre militants de Stand Up qui sortaient du siège juste parce qu’ils étaient habillés en noir, ils ont étaient tenus au secret, transférés de commissariat en commissariat. Ils sont toujours maintenus en prison, doivent être déférés devant un tribunal militaire. Car s’habiller en noir au Cameroun est un délit.

Stand Up se bat pour la transition politique, un cessez le feu immédiat au NoSo, un dialogue inclusif  n’excluant personne, la libération de tous les prisonniers politiques. Les pourparlers pour élargir le front de lutte, le front du changement se poursuit  avec le SDF, avec le MRC. L’objectif est de construire un rapport de forces qui permette de mettre fin à ce régime de terreur. Nous saluons ces camarades courageux et déterminés dans leur volonté de s’unir pour abattre le régime Biya.

 

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Nous avons le sentiment que le peuple camerounais est abandonné à son triste sort, au moment où il a le plus besoin que l’Afrique et plus largement la communauté internationale lui témoigne sa solidarité et l’aide à sortir d’une situation indigne de la civilisation humaine. Le Parti de Gauche tient dans ces conditions à réaffirmer qu’il est aux côtés du peuple camerounais dans sa lutte courageuse contre le pouvoir de gérontocrates prédateurs, malgré la répression constante qu’il subit.

Le Parti de Gauche demande  un cessez-le-feu et un retour au dialogue inclusif visant à l’établissement d’une véritable fédération afin de ramener la paix dans les deux régions anglophones du pays en guerre depuis plus de 3 ans.

Le Parti de Gauche demande  une réforme consensuelle du système électoral avant toute nouvelle élection, afin que les Camerounais puissent désigner librement et en toute transparence leurs dirigeants.

Le Parti de Gauche adresse son salut fraternel à l’’UPC-MANIDEM qui est le seul parti politique que l’Etat camerounais refuse de reconnaître malgré la décision de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples en 2016 dans laquelle il était demandé à l’Etat camerounais de reconnaître et d’ indemniser ce parti historique héritier de la lutte anti-coloniale et plus que jamais dans la dynamique.

Le Parti de Gauche demande  que des sanctions internationales soient mises en œuvre à l’égard des fonctionnaires et hauts responsables impliqués dans les innombrables cas de violation des droits fondamentaux, ou dans d’autres cas de corruption liés à l’extraction et à la braderie des ressources naturelles. La mise en place par les Nations unies d’une commission d’enquête internationale sur le Cameroun constituerait, de ce point de vue, un premier pas dans la bonne direction.

Le Parti de Gauche déplore l’attitude timorée du gouvernement français qui a pourtant tous les moyens de faire pression sur l’Etat camerounais y compris en gelant les avoirs des dirigeants qui ont des comptes en France. Quant à l’UE elle ne fait que calquer son attitude sur celle de la France.

Le Parti de Gauche déplore enfin l’impuissance de ce même gouvernement français et son incapacité à tisser de nouvelles alliances avec les forces démocratiques internes afin de les aider à engager une transition pour sortir du système tyrannie/corruption qui mine le pays mais aussi toute possibilité de relation durable entre nos deux pays. L’ignorance et le désintérêt des hauts fonctionnaires français vis-à-vis des pays africains dont les liens de dépendance structurelle et psychique avec la France restent prégnants qu’on le veuille ou non, n’augure rien de bon et il serait plus que temps de réagir contre cette dérive.

Pierre Boutry

Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche

 

 

 

 

 

 

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