A Djibouti les manifestations contre le cinquième mandat d’Ismaïl Omar Guelleh (IOG) se font sporadiquement dans les rues sous la menace d’une répression féroce. Les manifestants doivent faire preuve de discrétion pour organiser les rassemblements. Le jour, l’heure, le lieu ne sont dévoilés qu’au dernier moment. Sinon les manifestations se font beaucoup dans les maisons et les cours étant donné la violence de la charge policière d’un pouvoir aux abois, confronté à nouveaux aux attaques du FRUD. Aucun des partis de l’opposition légalisée ne participera à l’élection même si certains partis comme la coalition USN a annoncé officiellement qu’ils boycotteraient l’élection, geste fort qui ne relève pas de la passivité mais d’une volonté délibérée d’empêcher la mascarade annoncée. Face à cette situation IOG a obtenu de son ami Le Drian qui a délégué à Castex la signature du décret de levée de la nationalité française du franco-djiboutien Zakaria Ismael Farah (ZIF) chef d’entreprise membre du clan Mamassan comme IOG, de façon à ce qu’il puisse servir de candidat d’opposition fantoche. ZIF se garde bien de s’en prendre à IOG mais fait semblant de critiquer son entourage ! IOG fait lui des promesses à la jeunesse qui le prend au mot et défile dorénavant dans les rues suite à un forum de l’emploi en fait complètement illusoire. La conjonction de ce mouvement de chômeurs diplômés, de manifestations populaires et de résistance armée rend nerveux le régime. Son armée est peu fiable et ce ne sont pas quelques mercenaires étrangers qui pourront le sauver, du moins si la France ne s’interpose pas comme en février 1992 mais c’est peu probable au vu de la reconfiguration géopolitique régionale. Enfin, et cela est aussi une novation, l’opposition diasporique mais en accord complet avec les partis locaux a publié une charte pour la transition démocratique à Djibouti (mise en annexe à cette déclaration).
Au Tchad, le peuple défile contre le sixième mandat dans les rues de N’Djamena depuis quatre semaines et reçoit force grenades lacrymogènes fournies par le gouvernement français. Un gouvernement français très généreux puisque Macron a récemment fait cadeau au maréchal Déby de neuf blindés légers Sagaie de 10 tonnes chacun avec un stock de pièces de rechange et de munitions ; ces blindés sur roue très mobiles sont armés d’un canon et de deux mitrailleuses et le maréchal pourra à sa guise les utiliser pour réprimer la population en colère. D’autant que la DGSIE (la milice armée du régime) dirigée par son propre fils le général Mahamat « Kaka » Idriss Déby tire à balles réelles lors de l’assaut de la concession d’un opposant candidat à la prochaine élection présidentielle (Yaya Dilllo Djerou) tuant sa mère son fils et trois autres membres de sa famille. Car le maréchal ne supporte pas que des citoyens issus du nord musulman de surcroît membres de son groupe ethnique puissent candidater contre lui. L’opposition qui se présente en ordre dispersé a préféré dans ces conditions retirer ses candidatures (celles en particulier de Laoukein Médard arrivé en troisième position en 2016 et de Saleh Kebzabo arrivé en deuxième position en 2016) ce qui est tout à fait à son honneur. Mais la seule solution serait un boycott actif du processus électoral et de l’élection ainsi qu’une vraie concertation de toute l’opposition pour la définition d’une transition démocratique. Pendant ce temps le maréchal utilise depuis six mois les moyens de l’Etat pour faire campagne sans s’embarrasser des mesures sanitaires tout en interdisant les réunions de 50 personnes pour les autres candidats. Du moins pour celui qui reste en lice à savoir Félix Roumadoumngar Nialbé chef officiel de l’opposition.
Le Parti de Gauche dénonce la complicité de Macron avec ces dictatures qu’il contribue activement à maintenir en place contre la volonté des peuples djiboutien et tchadien.
Le Parti de Gauche considère ces élections pour un cinquième mandat (Djibouti) et un sixième mandat (Tchad) comme illégitimes et ne pouvant être reconnues par la communauté internationale en particulier l’UE que nous invitons à dénoncer avec la plus grande vigueur ce comportement anti-démocratique comme elle sait si bien le faire quand il s’agit de la Russie.
Pierre Boutry
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LA CHARTE POUR LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE À DJIBOUTI,
SIGNÉE PAR DE NOMBREUX REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
COMMUNIQUE DE PRESSE POUR UNE TRANSITION DEMOCRATIQUE A DJIBOUTI
Nous, partis politiques, personnalités, représentants de la société civile et organisation politico-militaire, réunis le 20 février 2021 par visioconférence, allons adopter la Charte pour une Transition élaborée par la commission mise en place fin juillet 2020.
Devant le refus de l’alternance par les urnes, et pour faire face éventuellement à toutes les manœuvres frauduleuses dont le Chef de l’État a le secret, l’urgence de la situation nous oblige à la construction d’un rapport des forces multiformes, pour sauver ce pays d’une dérive.
Pour empêcher le spectre régulièrement agité qu’une situation chaotique succéderait au renversement du dictateur de Djibouti, la nécessité d’une transition démocratique s’est imposée, dans la droite ligne de l’Appel du Bourget de septembre 2018.
L’objectif de cette transition est de se prémunir contre le chaos après la chute inéluctable de la dictature et de mettre en place un processus démocratique et des institutions nationales.
Ce mécanisme de transition aura pour but le passage de ce système clanique institué depuis l’indépendance en un État national et démocratique. Cette transition aura pour tâche essentielle la sortie de crise qui perdure depuis bientôt 44 ans. Il s’agit surtout pendant cette période de 24 mois au moins de mettre en place des réformes démocratiques.
Ce mécanisme procédera à la formation du gouvernement d’union nationale de transition, regroupant l’ensemble des forces politiques, des associations et personnalités de la société civile, favorables au changement.
Le Président de la Charte de Transition assumera le rôle de chef de l’État. Le premier ministre sera désigné par le Président. Le Conseil national de transition sera l’organe législatif durant cette période. Un organe de la défense et de la sécurité chargé de garantir la paix et la sécurité ainsi que le Conseil Constitutionnel seront approfondis dans la Charte.
Ce gouvernement de transition sera chargé de mettre en œuvre les résolutions de la charte de transition, notamment :
Les réformes démocratiques, les réformes de l’armée, de la sécurité, de la police, de la citoyenneté et des listes électorales ainsi que celles instituant une véritable décentralisation des régions aussi bien que la reconstruction des zones détruites par la guerre, la réparation des crimes et massacres et les réformes économiques et sociales. Ce processus de démocratisation sera suivi de la phase de consolidation démocratique : Une nouvelle Constitution sera soumise au référendum.
Nous appelons l’ensemble des Forces et sociétés civiles à unir leurs énergies en vue de bâtir une alternative au système, en tirant les leçons de nos expériences et erreurs passées. Il y va de la sauvegarde du pays au vu de l’obstination du chef de l’État à se maintenir au pouvoir et de ses manœuvres pour pérenniser ce système clanique.
Nous nous engageons à lutter en priorité dans les 6 premiers mois de la transition contre la famine, l’extrême pauvreté qui affectent la grande majorité de nos compatriotes ainsi que contre la soif et les coûts exorbitants de l’électricité.
Ensemble, au-delà des postures, nous avons l’obligation de changer la donne à Djibouti et tourner ainsi la page de ces 44 années de dictature familiale.
Un Comité de suivi est mis en place afin de piloter l’amorce de ce processus salvateur.
Fait à Nantes, le 26 février 2021