Les députés et sénateurs de la transition, réunis (selon les media) en « Assemblée constituante », ont achevé après 10 jours de travaux, le 22 septembre 2024 l’examen d’un projet de Constitution, étape-clé vers le retour à un régime civil promis par les autorités issues du coup d’État de 2023 qui fut bien accueilli par la population. Le chef de la garde républicaine Brice Oligui Nguema renversait en effet Ali Bongo et mettait fin à 56 années de règne de la dynastie familiale en se proclamant président de la transition. Sous la pression de la communauté internationale, il a accepté de réduire la période de transition de trois à deux ans. Un dialogue national inclusif a été mis en place, il sera suivi d’un référendum en décembre 2024 pour adopter une nouvelle Constitution, puis de l’élection présidentielle prévue en l’année prochaine.
Seuls 8 des 168 parlementaires ont voté contre le rapport (un « avis motivé ») issu des discussions sur les 801 amendements et 3 se sont abstenus. Un texte annoté de recommandations que suivra, ou non, le général Brice Clotaire Oligui Nguema en vue du référendum, qui aura lieu au plus tard en décembre.
Le projet de nouvelle loi fondamentale prévoit l’instauration d’un régime présidentiel sans Premier ministre, un mandat présidentiel de 7 ans renouvelable une fois, avec obligation pour tout candidat d’être né de parents gabonais. Le texte, qui n’a pas encore été rendu public, consacre aussi le mariage comme l’union entre deux personnes de sexe différent, rend le service militaire obligatoire et confirme le français comme langue officielle du pays.
Face à un exécutif dont les compétences et le fonctionnement semblaient opaques, les parlementaires demandent le rétablissement du poste de Premier ministre, en lieu et place de celui de « vice-président, en charge du gouvernement », ce qui permettrait à l’Assemblée de récupérer l’arme de la censure qu’elle n’a pas dans la mouture d’origine. Mais ce Premier ministre ne serait pas formellement chef du gouvernement. Ce sera bien le président. Un rééquilibrage de façade donc.
Mais pourquoi parler de parlement « constituant » (Assemblée et Sénat) alors qu’il ne rédige pas la constitution qui est rédigée par des personnes obéissant au chef de la junte, Brice Clotaire Oligui Nguema ? Les amendements peuvent être accepté ou non. Cela ne correspond pas à une transition vers la démocratie avec une assemblée réellement constituante.
Nguema montre son habileté en s’attachant à rassurer les milieux d’affaires gabonais, en maintenant la base militaire française, en signant des contrats avec les entreprises françaises, en concentrant les efforts budgétaires sur le remboursement d’une dette qui ne cesse de s’aggraver, en tentant de faire oublier les fraudes massives de la SEEG (électricité et eau) occasionnant des pertes financières colossales. Mais surtout en construisant son réseau sur le modèle de Bongo père en y intégrant les principales élites, y compris celles qui s’étaient opposées au régime du fils Bongo et de son petit entourage de jeunes incompétents et cupides.
Le but du nouveau régime est donc de tout changer pour que rien ne change, en atténuant les errements du régime précédent mais sans remettre en cause le fonctionnement de l’Etat. Nguema sera probablement élu président avec une Constitution taillée sur mesure sachant que tous les membres des institutions de la transition, à l’exception du président, ne peuvent participer au scrutin. Un pouvoir «hyper-présidentialiste» face auquel les contre-pouvoirs, judiciaire en particulier, risquent, s’ils ne sont pas bien structurés dans le texte de Constitution qui sera soumis à référendum, de ne pas constituer un rempart suffisant. La vigilance est de mise !