Le Coronavirus détourne l’attention de la communauté internationale de la situation en Guinée alors que le pouvoir guinéen est engagé dans une répression accrue, l’état d’urgence interdisant les rassemblements de plus de 20 personnes, assorti d’un couvre-feu, fournit un prétexte à Alpha Condé pour réprimer les rassemblements et les manifestations. Depuis le 14 octobre 2019, des manifestations ont eu lieu à Conakry et ailleurs dans le pays. Leur répression a fait au minimum 32 morts. Des dizaines d’opposants ont été arrêtés et jugés. Lors du vote plus de 60 personnes ont été tuées en particulier à Nzérékoré, troisième ville de Guinée peuplée de quelque 215 000 habitants, carrefour cosmopolite et dynamique entre la Côte d’Ivoire, le Liberia et la Sierra Leone. Le pouvoir exacerbe et entretient les divisions politico-ethniques. Les brutalités policières sont constamment dénoncées.
La République de Guinée a enregistré ses premiers cas d’apparition du Covid-19 le 13 mars 2020. La prudence indispensable pour empêcher la maladie de se répandre n’a pas empêché le gouvernement d’inciter la population à se rendre aux bureaux de vote. Le dimanche 22 mars, malgré les mesures prises contre la pandémie, le peuple était exhorté à voter lors d’un double scrutin : pour les législatives, mais aussi et surtout pour un référendum sur la modification de la constitution. Le tout basé sur un fichier électoral faux dénoncé par la CEDEAO et en l’absence d’observateurs internationaux.
Le 27 mars, le pouvoir a annoncé 91,6 % de « oui » , et un taux de participation de 61%.
Le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) a remporté plus des deux tiers des sièges (79 sièges sur 114) de l’Assemblée lors des législatives du 22 mars, a annoncé, mercredi 1er avril, la commission électorale soit 42 des 76 sièges mis en jeu sur des listes nationales et 37 des 38 circonscriptions, selon un mode de scrutin mêlant vote à la proportionnelle et scrutin uninominal à un tour. Avec une majorité dépassant les deux tiers, Alpha Condé (82 ans) aura les coudées franches pour mener à bien ses projets.
En l’absence des principaux partis de l’opposition, dont l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDC) de l’ex-premier ministre Cellou Dalein Diallo, qui avaient décidé de boycotter les législatives et le référendum, les 35 sièges restants se répartissent entre 24 petits partis, selon la commission électorale. Le parti présidentiel sera ainsi à l’abri de tout blocage, y compris sur le vote d’éventuelles lois organiques, qui requièrent d’obtenir une majorité des deux-tiers, soient 76 députés.
La limite du nombre de mandats resterait fixée à 2, mais de 6 ans au lieu de 5. Mais le compteur de mandat serait mis à 0 ou 1, non pas parce que la constitution le permettrait mais parce que le régime étant une dictature, le pouvoir peut tout faire y compris fausser un compteur en faisant de la propagande sur son droit à le faire. Le régime a vanté la nouvelle Constitution « qui répond aux besoins actuels », notamment sur les droits des femmes, la lutte contre les mutilations génitales féminines, la gratuité de la scolarité, l’écologie, la répartition des revenus de l’État, selon les textes modifiés. Mais la société civile et les partis d’opposition regroupés sous une même bannière ne s’y sont pas laissé tromper.
La crise risque encore de s’aggraver à tout moment si et cela semble probable le président sortant présente sa candidature aux élections présidentielles prévues avant la fin 2020. Les opposants au chef de l’Etat ont rejeté le résultat annoncé du référendum et réclamé une enquête sous l’égide des Nations unies sur les violences, attribuées aux forces de l’ordre. Les Etats-Unis, l’Union européenne, la CEDEAO et la France ont quant à eux remis en question la crédibilité du référendum et des élections législatives.
C’est donc une victoire à la Pyrrhus pour Alpha Condé qui est désormais mis au ban de la communauté internationale mais il s’en contrefiche car seul compte son intérêt personnel.
Le Parti de Gauche est solidaire avec le peuple guinéen en révolte et demande des sanctions ciblées contre les représentants du pouvoir actuel.
Pierre Boutry