La Commission Afrique du Parti de Gauche publie ci-après le témoignage du journaliste nigérien en exil en France Palou Souanguipali Alzouma :
Pays de l’Afrique de l’ouest, en plein cœur du Sahara, le Niger regorge d’énormes ressources naturelles et minières comme le pétrole, l’or, l’uranium, le charbon…… En 2018, la Banque Mondiale estimait la population du Niger à 22 millions d’habitants dont la jeunesse représente plus de la moitié.
Malgré les richesses que le pays dispose, et la jeunesse de sa population, le programme des Nations Unies pour le développement classe le Niger dernier des pays au monde en termes de l’Indice de développement humain (IDH). La pauvreté est donc centrale et ambiante chez le citoyen nigérien.
Depuis les événements survenus en Lybie en 2011, marquant la chute du régime de Mouammar Khadifi, le Niger comme bon nombre de pays du Sahel est affecté par l’insécurité. En effet, différents groupes terroristes opèrent dans ces pays notamment Boko Haram au Nigéria, au Cameroun, au Tchad et aussi même au Niger. Dans cette optique, le gouvernement du Niger a dû allouer chaque année plus de 15% de son budget national à la sécurité. Cependant, cette guerre contre le terrorisme qu’on appelle guerre asymétrique affecte les autres secteurs de la vie socioéconomique comme la santé, l’éducation, l’économie et l’emploi entre autres.
Au Niger, les jeunes, surtout ceux diplômés font face au problème de l’emploi. Des milliers d’entre eux chôment. Aussi, sur le plan éducatif, nonobstant la loi qui acquiesce le maintien de la jeune fille en cours de scolarité jusqu’à l’âge de 16 ans, des milliers d’entre elles sont pourtant mariées avant l’âge de 18 ans surtout dans les régions de Zinder et Maradi.
La situation est également peu reluisante au niveau de l’enseignement supérieur où les enseignants et les étudiants sont constamment en grève.
La population rurale majoritaire du pays fait face au changement climatique avec comme conséquences les inondations, la sécheresse, la famine et la migration.
Sur le plan économique :
L’économie nigérienne est peu diversifiée et dépend en grande partie de l’agriculture qui représente 40% du produit intérieur brut. Ces dernières années, les grandes villes du pays ont bénéficié d’énormes investissements spécialement avec la construction des infrastructures modernes. Mais la fermeture des grandes sociétés et/ou entreprises a engendré la perte de milliers d’emplois et aussi un manque à gagner pour l’Etat. En effet, au cours de l’année 2019, le secteur industriel a souffert avec la fermeture de plusieurs unités industrielles. Comme ce fut le cas de Braniger et Unilever.
La société Unilever, spécialiste en fabrication des savons, parfums et autres produits d’hygiène et de lessive avait annoncé des difficultés financières pour suspendre ses activités. De même que Braniger, l’unique brasserie du pays, filiale du groupe français Castel avait évoqué les mêmes difficultés.
Tout récemment encore, Orange Niger, qui emploie 530 salariés avec plus de 2,4 millions de clients et plus de 52 000 emplois indirects a vendu sa filiale à Zamani S.A.S. Sa licence d’exploiter a été reprise par l’homme d’affaires nigérien Mohamed Rhissa, associé au malien Moctar Thiam à qui appartiennent tous les deux le groupe Zamani S.A.S.
Pire encore, le 23 octobre 2019, le conseil d’administration de la compagnie minière d’Akouta (COMINAK) qui extrait l’uranium à Arlit a annoncé la fermeture de son usine pour le 31 mars 2021.
Tous ces exemples démontrent bien au combien la situation socio-économique du Niger n’est pas brillante. Le Nigérien, à quelque fonction qu’il occupe sent bien que l’économie est en plein effondrement et loin des clichés que nous vend le régime en place.
Au-delà des entreprises qui ferment en entrainant des pertes d’emplois il y a d’autres graves problèmes dont il convient aussi d’en parler et dont certains d’eux sont provoqués par ces affaissements industriels.
Je parle des migrations internes et externes de la jeunesse nigérienne dû au manque d’emplois ; le terrorisme qui est loin d’être combattu ; la démographie du pays qui s’accélère à grande vitesse : soit plus de six (6) enfants par femme ; les libertés d’expression de la société civile, des opposants politiques et des journalistes confisquées.
Tous ceux et celles qui prennent des positions autre que celles de la louange et la répétition « leitmotivique » des déclarations du régime en place sont harcelés de manière « lawfarique » et certains emprisonnés : le chef de file de l’opposition, Mr Hama Amadou enfermé à la prison civile de Filingué, des militaires enfermés pour des tentatives de coup d’état imaginaires, des journalistes dont certains en exil et d’autres non seulement exilés mais déchus de leur nationalité.
Pour terminer, je dirais que tous ces problèmes sont tributaires d’une mal-gouvernance provenant d’une politique teintée aux apparences démocratiques mais dont la réalité n’est autre qu’une anarchie masquée qui agonise le peuple et fait régresser la démocratie et le progrès social nigérien.
Palou Souanguipali Alzouma
Toulon, le 03 janvier 2020