RDC : le scandale BANANA

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Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche

Un contrat de coopération a été signé le 23 mars entre le gouvernement congolais et la société des Emirats Arabes Unis, Dubaï Port World (DPW) pour la construction d’un port maritime en eaux profondes à l’embouchure du fleuve Congo à Banana. Si on ne peut a priori que se féliciter de ce projet qui dotera le pays d’un équipement qui lui manque (les deux ports intérieurs Boma et Matadi ne sont pas en eaux profondes, ce qui rend le pays dépendant des ports des pays voisins), on ne peut en revanche que s’interroger sur le manque de transparence du montage et des négociations.

Sur ce projet de plus d’un milliard de dollars (dont 300 millions seraient déjà versés par les Emirats) les congolais devraient détenir 30% ; mais le contrat est supposé créer une structure de sociétés permettant l’enrichissement personnel de personnes politiquement exposées, dont Kabila. L’ensemble des négociations serait également entaché de faits de corruption.

En 2015, le gouvernement de la RDC se met donc à chercher un opérateur pour un projet de construction d’un quai flottant au niveau de la ville côtière de Banana. NECOTRANS et DPW adressent ainsi une lettre de manifestation d’intérêt à l’Organisation pour l’Equipment de Banana Kinshasa (« OEBK »), une autorité publique congolaise chargée du développement du corridor Banana-Kinshasa.

A la suite de cette lettre, le gouvernement de la RDC, sans procédure (pourtant obligatoire) d’appel d’offres, est entré directement en négociation avec DPW, sans NECOTRANS. Rapidement après le début des négociations, les parties se sont mises d’accord sur un projet plus important : la construction d’un véritable port en eau profonde. Suite aux premières négociations,  Kabila aurait déclaré à Moïse Ekanga, secrétaire exécutif du Bureau de Suivi du Programme Sino-Congolais, un proche de Kabila, vouloir une preuve garantissant qu’il tirerait un profit personnel de la construction et l’exploitation du port.

Le 4 octobre 2016, dans ce contexte, le Sultan Ahmed Bin Sulayem adresse une lettre au Président Kabila. Cette lettre aurait été envoyée à Ekanga qui l’aurait transmise au président directement. Cette lettre formulant différentes hypothèses, assure l’intention d’accorder un pourcentage du capital de la compagnie qui construira le port à une nouvelle compagnie étatique congolaise.

La compagnie propriétaire
La compagnie étatique au sein de la joint-venture devrait être la propriété de l’Etat congolais à hauteur de 51%. DPW ne signerait pas le contrat, d’après les lanceurs d’alerte, si cette compagnie étatique n’est pas au minimum constituée à 51% de participations institutionnelles de la RDC. D’après les lanceurs d’alerte, les 49% restants appartiendront à un prête-nom de Kabila ou à une société privée congolaise dans laquelle Kabila aurait directement ou indirectement des parts.
L’apport de la RDC, tel que convenu dans le protocole d’accord précité, pourra être « en nature », c’est-à-dire par l’octroi de terrains et d’exonérations fiscales. En un mot, en l’échange de terrains appartenant à l’Etat congolais, Kabila, grâce aux 49% de la société congolaise possédant 30% de la joint-venture, pourrait tirer de ce contrat un large profit.
Qui plus est, DPW aurait demandé avoir 50 ans de concession. Alors que la norme est de baser la durée de la concession sur une étude économique, DPW aurait demandé cette durée sans aucune étude de marché.

La compagnie gestionnaire
La compagnie gestionnaire serait une filiale de DPW, avec une compagnie privée à hauteur de 40%, potentiellement au profit de Kabila. Sur les 100% des revenus qui seront générés pendant l’exploitation, la compagnie gestionnaire toucherait 15% brut. Ces 15% seront ensuite divisés entre DPW (60%) et la compagnie privée qui serait partiellement détenue par  Kabila. Cette compagnie privée sera créée par le conseiller à la présidence de la République et actuel directeur général de l’Autorité de régulation de contrôle des assurances Alain Kaninda, et détenue par le Président Kabila et le Sultan. Selon le document présentant les hypothèses à Kabila, un tel montage permettrait au  « privé RDC » de gagner plus de 45,3 millions de dollars en sept ans.

Kabila aurait donc la possibilité de toucher des profits non seulement sur les 40% de la compagnie gestionnaire, mais aussi sur les 49% de la compagnie étatique à travers les redevances qui seraient payées à la joint-venture. Etant donné que l’identité de la société détenant les 51% n’est pas encore connue, il est possible que le Président Kabila en tire également des avantages en créant une nouvelle société étatique.

Le Parti de Gauche dénonce ce pillage organisé par des intérêts privés congolais proches du pouvoir, de la richesse du pays. Il s’agit malheureusement d’un exemple parmi d’autres des pratiques de cette autocratie mafieuse dont le peuple congolais souhaite ardemment se débarrasser.

Pierre Boutry

 

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