Le chanteur amazigh Idir est mort le samedi 2 mai 2020 d’une maladie pulmonaire qui n’est pas le coronarirus. Idir (« il vivra » en amazigh) de son vrai nom Hamid Cheriet, était né le 25 octobre 1949 à Aït Lahcène, à 35 km de Tizi-Ouzou, Fils de berger, il grandit bercé par les chants traditionnelst racontés lors des veillées Idir a connu un succès mondial avec une berceuse, A Vava Inouva (« mon petit papa »). Cette chanson donnera son titre à son premier album sorti en 1976 Elle sera traduite en quinze langues.
Roger Esmiol
Commission Afrique du Parti de Gauche
Nous publions ci-après un article du quotidien Liberté du lundi 4 mai 2020
Orpheline, la chanson !
Il est parti en silence. Lui qui a bercé de sa flûte nos rêves qu’il s’en est allé fouiller au plus profond de l’être berbère, algérien, que sa voix a transportés à travers d’inconnues contrées pour dérider les désespoirs. Il savait donner son ample valeur au petit geste quotidien d’une mère, du paysan, du travailleur ou de cet émigré dont seul l’artiste sait ciseler la rime de sa déchirure, de son double exil.
Ses chants ont traversé les frontières, fait escale dans les esprits, pour se stabiliser en lumineuses guirlandes dans le ciel que les âmes solitaires découvrent pour étoiler les sombres nuits qui ont longtemps orné la vie du pays. Il a choisi sa voie au moment où d’autres étaient contraints ou se complaisaient dans les complaintes de virtuelles amours pour meubler un champ culturel amorphe pour ne pas dire mis en quarantaine par un système pour qui une fleur n’est qu’une herbe et la liberté un fantasme subversif.
Idir n’était pourtant pas subversif au sens où l’entendaient les dictateurs et les autocrates ; il l’était pourtant, à sa manière, en peignant, à travers ses chansons, des tableaux de la réalité vécue par les Algériens, dans leur diversité, qui déplaisait, bien sûr, en haut lieu, où le principe d’unicité s’est érigé en immuable dogme.
Est-il aussi allé, comme un archéologue, fouiller dans les profondeurs de l’histoire millénaire de ce pays pour établir un lien de communion avec le “temps” actuel. Quelle image que celle d’une main caleuse souffrant en silence ou la terre dans les gerçures du pied d’un fellah pour dire, sans les dire, sauf Idir, l’intime douleur qu’aucun mot ne peut exprimer, orgueil oblige, et l’attachement viscéral à son “sol” ! Malgré ses multiples collaborations, écritures et compositions, Idir n’a pas beaucoup produit durant sa longue carrière ; ses chansons feront pourtant le tour du monde.
Belle “exportation” qui lui vaudra une reconnaissance qui se vérifie dans ses duos qu’il inaugura avec le chanteur sud-africain, le zoulou blanc, le défunt Johnny Clegg retransmis sur une chaîne de télé française. Il est parti en silence emportant avec lui son profond désir de disparaître en restant une légende. Avava Inouva continuera à résonner dans les mémoires.