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BURUNDI : élections factices, répression des opposants et grâce divine face à la pandémie

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Au Burundi la campagne électorale est en cours pour le triple scrutin prévu le 20 mai : élections des députés et des conseillers communaux, mais également celle du président de la République. Une campagne qui s’achèvera le 17 mai. Le tout dans un climat de défiance à l’égard du gouvernement pour sa gestion de l’épidémie de coronavirus et de répression de l’opposition.

Cinq ans après les dernières élections (Pierre Nkurunziza souhaitant un troisième mandat malgré la limite de deux mandats prévue par l’Accord d’Arusha, la tentative de putsch du 13 mai 2015 et la répression qui a suivi) les Burundais retournent aux urnes. Rappelons qu’en mai 2018, un référendum constitutionnel a eu lieu sur fond d’abus généralisés commis par les autorités locales, la police et les membres des Imbonerakure. Les modifications de la Constitution ont étendu la durée du mandat présidentiel à sept ans, ont effacé le compteur des mandats présidentiels effectués, ont démantelé les arrangements de partage du pouvoir ethnique qui étaient fondamentaux dans l’Accord d’Arusha, et ont conféré plus de pouvoirs au président. La période suivant le référendum a été marquée par des abus à l’encontre de personnes suspectées d’avoir voté contre le référendum ou d’avoir encouragé d’autres personnes à faire de même.

Nkurunziza forcé par le cercle mafieux des généraux autour de lui a, la mort dans l’âme, finalement renoncé en 2019 à la candidature aux « présidentielles » du 20 mai 2020. Le cercle mafieux des généraux comprend l’inamovible ministre de la sécurité publique, le général Alain Guillaume Bunyoni, le Chef d’état major général de l’armée, le lieutenant général Niyongabo Prime, l’administrateur général du service national des renseignements, le général Ndirukobuca Gervais alias Ndakugarika. Au dernier congrès du 25 janvier 2020 de leur parti dont le seul objectif était de désigner le successeur de Nkurunziza, le groupe mafieux des généraux a aussi refusé le candidat civil de Nkurunziza, Nyabenda Pascal, président actuel de l’assemblée nationale. A la place, les généraux ont désigné le général major Evariste, secrétaire général actuel du parti. Le principal critère de désignation d’un candidat est d’avoir été combattant, donc militaire, cela est propre aux partis militaristes comme celui au pouvoir au Burundi.

Un autre critère non négligeable qui a pesé en faveur d’un candidat autre que le président évangéliste est l’image ternie de Nkurunziza vis-à-vis de l’occident. De ce fait, le cercle mafieux en décidant de choisir le général Evariste espère drainer des aides, des devises extérieures pour remplir les caisses de l’Etat. Ils espèrent que l’Union Européenne va lever les sanctions économiques contre le Burundi, le retour des ONG…. Mais en contrepartie, le général Evariste est tenu de protéger les intérêts et les biens mal acquis du cercle mafieux. Pour baliser et consolider son immunité, l’Assemblée nationale du Burundi a adopté le 21 janvier 2020, un projet de loi qui élève Nkurunziza au rang de « Guide suprême du patriotisme ». Cela signifie que Nkurunziza sera dans le futur consulté à ce titre « sur des questions relatives à la sauvegarde de l’indépendance nationale, à la consolidation du patriotisme et à l’unité nationale ». Il reste là et garde la primauté dans son système ; mieux, il aurait préféré s’autoproclamer roi du Burundi, mais des conseillers l’en ont dissuadé. Il part donc sans partir.

L’Assemblée nationale a de plus voté un projet de loi octroyant à Nkurunziza des avantages exorbitants à la fin de son mandat : une villa de très haut standing déjà en construction à Gitega, un versement exceptionnel de 500 000 USD, six voitures et une allocation annuelle à vie au terme de son mandat, égale aux émoluments d’un député pour toute sa vie. Cette loi fait la distinction entre les anciens chefs d’État élus au suffrage universel, – en l’occurrence le seul Pierre Nkurunziza -, et ceux issus de « convention ou d’accord (de paix) » tels que Sylvestre Ntibantunganya (1994-1996) et Domitien Ndayizeye (2003-2005) et exclut de son champ d’application les présidents qui seraient arrivés au pouvoir par un coup d’État, comme Pierre Buyoya (1987-1993, 1996-2003).

Le 26 janvier 2020, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD) a donc désigné le général Évariste Ndayishimiye, alias Neva, le secrétaire général du parti, comme candidat à la présidence. Il a évolué comme officier des FDD depuis le maquis en 1995 ; après les négociations de cessez le feu de Pretoria en 2002, il a été hissé au grade de général major. Après les élections de 2005 il a occupé successivement les fonctions de ministre de l’intérieur, de la sécurité publique, de chef de cabinet du président, de chef de cabinet civil, de chef de cabinet militaire. Le général Evariste est un homme du sérail, bon vivant et bon buveur. Intellectuellement et politiquement, il a très peu de connaissances, il navigue presque à vue. Son discours de campagne ponctué de prières est totalement vide, il le dit lui-même que s’il gagne les élections, il ne voit pas ce qu’il fera puisque étant donné que son prédécesseur Nkurunziza a tout fait !

Le principal adversaire d’Évariste Ndayishimiye est le leader historique de l’ex-rébellion hutu des FNL et candidat du parti Conseil national pour la liberté (CNL), Agathon Rwasa. Il y aura également Domitien Ndayizeye, président de transition entre 2003 et 2005, aujourd’hui à la tête de la coalition Kira Burundi. Comme trois autres prétendants, sa candidature avait d’abord été rejetée par la commission électorale (Céni), mais il a finalement eu gain de cause après un recours à la Cour constitutionnelle.

Qui est Agathon Rwasa ? Pendant la crise du troisième mandat déclenchée en 2015, pour s’assurer d’une certaine légitimité électorale, Nkurunziza désigna 30 députés de la mouvance Rwasa, il lui accorda aussi 5 portefeuilles ministériels sans que Rwasa (originaire de Ngozi dans le nord du Burundi tout comme Nkurunziza) fasse campagne. Ce dernier a profité de ses positions que lui et les siens occupent dans les institutions pour se créer une grande visibilité sur le terrain. Les autres opposants pourchassés ont dû prendre le chemin de l’exil. Il jouit aujourd’hui d’une grande popularité et paraît au peuple comme une alternative au système Nkurunziza, non pas parce qu’il aurait un projet pour le Burundi, mais parce que le peuple veut le changement pour le changement. Rwasa depuis 2010 aurait bénéficié des financements de la France et la Hollande. Il a aussi une vision évangéliste pour le Burundi et il affirme comme Nkurunziza que Dieu l’a désigné pour devenir président. Il a écarté ou éliminé presque tous les meilleurs cadres de sa mouvance CNL. Il peut apparaître comme un bon candidat pour certaines puissances impérialistes.

Agathon Rwasa le vrai-faux opposant !

Au regard de l’évolution de la campagne électorale en cours, le risque que cette mascarade électorale déclenche une amplification des violences physiques dans tout le pays est très élevé. Les activistes de Rwasa sont quotidiennement persécutés, soit arrêtés et incarcérés, soit tués. Le parti CNDD FDD dans une élection transparente ne pourrait battre aucun parti de l’opposition. Le scenario probable est donc le suivant : Rwasa normalement gagnera cette élection comme Odinga au Kenya ou Fayulu en RDC, mais le candidat du CNDD-FDD le général Évariste Ndayishimiye sera proclamé vainqueur. Ce parti a commis tellement de crimes humains et financiers qu’il n’entend pas quitter le pouvoir par la simple voie des urnes, le pouvoir est son véritable bouclier.
Il dispose d’une machine redoutable de répression: les structures qui organisent les élections de la CENI, l’appareil judiciaire inféodé au régime dont la cour constitutionnelle, l’administration, les forces de défense et de sécurité, les milices armées Imbonerakure qui quadrillent toutes les collines, un arsenal de textes juridiques taillés sur mesure…

La liberté de la presse est inexistante : des journalistes indépendants sont empêchés d’assister à de conférences de presse officielles, des journalistes sont condamnés pour avoir enquêté sur l’insécurité ; la très restrictive loi sur la presse de 2018 et le nouveau code de conduite pour les journalistes pendant les élections ont restreint la capacité des médias à publier des informations d’intérêt public.

Le 1er octobre 2018, les autorités ont suspendu les activités des groupes non gouvernementaux étrangers pendant trois mois pour les forcer à se ré-enregistrer, notamment en présentant une nouvelle documentation indiquant l’origine ethnique de leurs employés burundais.

Le Burundi n’est pas épargné par ce virus même si la communication officielle fait penser à un éventuel ralentissement de sa propagation par rapport aux pays voisins. Il y a lieu de craindre que le Gouvernement du Burundi a pris une voix périlleuse de sacrifier la santé de la population sur l’autel des intérêts d’une élection qui est ni crédible, ni démocratique, ni transparente.

Dès l’ouverture de la période de la campagne électorale, certains partis politiques comme des indépendants ont commencé à sillonner tout le pays, rassemblant par là des milliers de burundais sans aucun aménagement ni des mesures de prévention contre la propagation de la pandémie du Covid-19.

Les autorités, pour lesquelles le pays est protégé par la « grâce divine », n’ont prévu pratiquement aucune mesure de protection spécifique pour les rassemblements électoraux.

Les conditions sanitaires sont quant à elles explicitées par Léonard Nyangoma dans l’article suivant cette déclaration ; je rappellerai simplement qu’en 2019, les autorités ont refusé de déclarer une épidémie de paludisme malgré l’enregistrement de 8,5 millions de cas – sur une population de plus de 11,5 millions – et de plus de 3 000 décès, ce qui a compromis la réponse à la maladie. Compromettre les opérations humanitaires et limiter la communication efficace sur le COVID-19 comme le fait actuellement le gouvernement burundais ne feront qu’exacerber les difficultés pour garantir le respect des directives de santé dans un pays où seule la moitié de la population a accès aux services sanitaires de base et où plus de 70 pour cent de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Dans un communiqué publié lundi, Human Rights Watch (HRW) dit avoir recensé ces six derniers mois plusieurs cas de meurtres, disparitions, arrestations arbitraires, menaces et harcèlement à l’encontre d’opposants présumés. Entre janvier et mars, la Ligue Iteka, une organisation de défense des droits humains burundaise en exil, a signalé 67 meurtres, dont 14 exécutions extrajudiciaires, 6 disparitions, 15 cas de violences basées sur le genre, 23 cas de torture et 204 arrestations arbitraires.
Human Rights Watch a constaté que les autorités locales et les membres des Imbonerakure avaient extorqué des « dons » pour financer les élections de 2020, dans de nombreux cas par la menace ou la force, et avaient empêché l’accès aux services publics de base pour ceux qui ne pouvaient pas fournir une preuve de paiement, dans un contexte de crise humanitaire désastreuse.

Depuis 2015, des centaines de milliers de Burundais ont fui le pays et, d’après le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), en février 2020, il y avait plus de 335000 réfugiés burundais dans les pays voisins. Entre septembre 2017 et avril 2020, 80 000 réfugiés étaient rentrés au Burundi dans le cadre d’un programme de rapatriement volontaire soutenu par le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. Ces rapatriements continuent malgré la pandémie.

La position du CNDD, parti d’opposition de gauche, de Léonard Nyangoma, prise lors des assises de son comité directeur, reste inchangée : le CNDD ne peut cautionner une élection biaisée dont les conséquences prévisibles sont l’amplification des violences généralisées dans le pays.

Le Parti de Gauche exige la libération des prisonniers politiques et des journalistes emprisonnés et dénonce ces élections factices et jouées d’avance. Seule une force populaire organisée comme au Soudan pourrait déboulonner le système Nkurunziza du pouvoir et le peuple burundais ne peut se laisser tromper par les manœuvres odieuses actuellement en cours.

Pierre Boutry

Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche

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Le Burundi face à la pandémie du COVID-19

I. Les faits

1. C‘est en décembre 2019 qu’un virus inconnu de la famille des coronavirus est apparu dans le centre de la Chine qui a pris rapidement des mesures drastiques de confinement et de désinfection pour près de 60 millions de personnes.

2. Cependant, le virus, comparable à celui de la grippe espagnole des années 1920, se répand partout dans le monde paralysant des pays entiers, suscitant la psychose et ébranlant les économies nationales et mondiale. Depuis début mars, l’Europe est devenue l’épicentre du COVID-19 et en moins de 3 semaines, le nombre de cas et de morts ont dépassé ceux de la Chine. En ce moment même, plus de 1 million trois mille cas de personnes ont été contaminés, plus de 76 mille morts et plus de 290 mille guéris.

3. L’Afrique n’a pas été épargnée par cette pandémie, elle compte à ce jour 9457 cas confirmés, sur les 54 de l’UA 51 sont touchés. Le Covid-19 a déjà coûté la vie à 442 personnes selon le bilan du Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine. 652 personnes sont guéris. Les trois États les plus touchés en termes de cas de coronavirus ce 7avril 2020 à 13h32 TU sont l’Afrique du Sud (1 686), l’Algérie (1.423) et l’Égypte (1322) .

4. Notre pays le Burundi bien que coupé du monde(confiné) depuis la déclenchement de la crise politique en 2015 vient d’enregistrer trois cas de personnes contaminées. Deux de ces trois contaminés étaient dans un lieu de confinement depuis leur retour de l’étranger. Pour sortir du lieu deconfinement ils ont corrompu les agents de surveillance avec la bénédiction du ministre de la sécurité publique, ils ont eu le temps pendant au moins 15 jours de répandre le virus dans le pays principalement en Mairie de Bujumbura capitale économique avant qu’ils ne tombent malades et soient hospitalisés.
Tous les pays voisins du Burundi sont contaminés, le Rwanda avec 105 cas, la RDC 161 cas dont 18 décès, La Tanzanie 24 cas dont un décès. Les autres pays de la communauté de l’Afrique de l’Est ne sont pas non plus épargnés, le Kenya avec 172 dont six décès, l’Uganda avec 52 cas, le Sud Soudan avec un seul cas.

5. Une bonne partie de la population est dans la peur et ne cache pas son inquiétude face au laxisme et laisser aller affichés par les autorités du pays vis-à-vis de la pandémie, en province comme à Bujumbura, la capitale. Le pays continue de tourner comme si rien n’était, les meetings des partis politiques se poursuivent, les match de championnat de football continuent….. Et pourtant certaines personnes proches de l’oligarchie au pouvoir ont des soupçons bien fondés comme quoi le gouvernement cache au moins une cinquantaine de burundais contaminés du COVID-19, ces derniers suivent un traitement à leurs domiciles en cachette. Le coronavirus est aubaine pour le régime de Bujumbura qui veut organiser la mascarade électorale du 20 mai 2020 dans l’opacité totale.

6. Alors que plusieurs pays africains se sont barricadés et ont ordonné le confinement de leur population, aucune mesure exceptionnelle n’a été annoncée à Bujumbura. Certes, les vols commerciaux internationaux au départ et à l’arrivée de l’aéroport de la capitale ont été suspendus à partir du 22 mars. Dans un communiqué lu par le ministre de la santé, les Burundais ont été invités à observer uniquement trois mesures de protection: « se laver les mains à l’eau et au savon ou à l’eau chlorée ; éviter de se saluer en se serrant les mains ou en s’embrassant et tousser ou éternuer dans votre manche ou utiliser un mouchoir en papier qui doit être jeté immédiatement dans une poubelle, puis nettoyez-vous les mains ».
Le ministère de la santé rappelle tout le temps que le port de masque est réservé uniquement aux personnes infestées par le COVID-19 et au personnel de santé chargé de la prise en charge de ces dernières.

II. Le système de santé burundais, ressources humaines et financières

1.Le système de santé burundais Le système de santé burundais est organisé suivant 4 niveaux pyramidaux : – le niveau communautaire où on trouve les réseaux communautaires de santé : les accoucheuses traditionnelles et les comités de santé. – le niveau centre de santé qui est la première structure de contact avec les communautés pour des soins préventifs, curatifs et promotionnels. – L’hôpital de district où les centres de santé doivent référer leurs malades en cas de besoin : on doit y trouver des compétences minimales en chirurgie et en gynéco obstétrique – l’hôpital de 2ème référence : ces hôpitaux sont au nombre de 5 et reçoivent les malades référés par les hôpitaux dedistrict. – les hôpitaux spécialisés tous situés à la capitale économique de Bujumbura qui reçoivent les malades venant des hôpitaux de 3ème référence. Cependant le circuit des malades n’est pas respecté surtout avec la mesure improvisée en 2005 de la gratuité des soins pour les mères qui accouchent et les enfants de moins de 5 ans.

2. Ressources humaines et financières
Selon les projections du recensement général de la population de 2008, en 2018, la population burundaise s’élevait à 11.759.805 habitants. Avec ses 422,50 hab. /km2, le Burundi est le 3ème pays le plus densément peuplé d’Afrique. Garder sa population en bonne santé devient ainsi un impératif pour en tirer les meilleurs dividendes. Pour s’en donner les moyens, les ressources humaines et financières pour la santé, suffisantes en quantité et en qualité sont indispensables. Selon un rapport du Ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le Sida de 2012 au Burundi, l’effectif total des ressources humaines en santé était de 15.937 dont 5.957 infirmiers, 418 médecins, 16 sages-femmes et autre personnel d’appui, soit 1 médecin pour 19.231 habitants alors que l’OMS recommande au moins 1 médecin pour 10.000 habitants. Par contre, le ratio infirmier par habitant est assez satisfaisant avec un infirmier pour 1349 habitants (la norme de l’OMS étant d’un infirmier par 3 000 habitants) mais avec un manque criant de sages-femmes (1 sagefemme pour 124.312 femmes en âge de procréer).

La majorité des 18 provinces n’ont aucun médecin spécialiste car 70 % d’entre eux sont basés en Mairie de Bujumbura, de même que 50.5% de tous les médecins et 21% de tous les infirmiers. Le Burundi est aussi plongé dans une crise politique majeure, cette situation constitue un grand obstacle au retour dans leur pays des centaines de médecins burundais spécialisés dans plusieurs domaines de la médecine, de la chirurgie à l’ophtalmologie. Notons aussi que de nombreux jeunes médecins qui terminent les études se retrouvent en chômage. Les ressources financières du secteur de la santé provenant essentiellement des recettes fiscales de l’État et de l’aide extérieure restent insignifiantes. La part des dépenses allouées au développement des programmes sanitaires est à peine de 4% (norme recommandée par l’OMS : 15%), la plus grande proportion du budget étant consacrée au paiement des salaires.

Avec un tel budget rudimentaire, le Burundi comme plusieurs pays africains sont dépourvus de personnel, d’équipement et de médicaments pour faire face à la pandémie du COVID-19 même si la Chine est en train d’assister presque tous les pays africains en personnel et matériel (masques, respirateurs…). Le Burundi ne dispose que de deux respirateurs, deux hôpitaux à même d’accueillir les cas graves en urgence. Pour tester le COVID-19, le Burundi disposerait de deux appareils seulement, il faut venir à la capitale économique Bujumbura pour le dépistage et le traitement.

Seules quelques mesures préventives et de protection pourraient limiter les dégâts et nous éviter des milliers de morts. Tout cela demande une bonne organisation et coordination à l’échelle nationale , régionale et africaine. Pour y remédier :

1. Chaque gouvernement devrait mettre en place un comité des scientifiques pour suivre régulièrement l’évolution de la pandémie et apporter des réponses adéquates. Certains pays le font déjà.
2. Les ministères de la santé région par région doivent mettre aussi en place une structure de scientifiques régionales dont deux membres feront partie de la structure continentale
3. Chaque pays est appelé à prendre des mesures drastiques pour protéger sa population , mais ces mesures doivent être compatibles avec la situation socioéconomique du pays, sinon elles pourraient faire du mal que la pandémie elle-même. Le confinement chez soi est difficile à mettre en pratique dans une économie à prédominance informelle où de citoyens vivent au jour le jour.

4. De ce fait quelques propositions de mesures à prendre en plus des mesures ayant trait à l’hygiène comme le nettoyage des mains :
1°. Suspendre les rassemblements de plus de 3 personnes (messes, fêtes, matchs, les bistrots, meetings…), notamment reporter la future mascarade électorale du 20 mai 2020 à une date ultérieure au Burundi.
2°. Identifier les personnes âgées de plus de 50 ans pour les tester et les confiner dans les hôtels pour ceux qui vivent dans les centres urbains. Dans le monde rural,
c’est relativement facile, un paysan n’éprouvera pas beaucoup de difficultés de rester chez lui et continuer à vaquer à ses activités agricoles ou autres.
3°. Isoler les centres urbains des campagnes mais laisser les marchandises circuler
4°.Fermer les écoles primaires ,secondaires et les universités
5°.Réquisitionner certaines industries textiles pour la fabrication des masques et encourager les initiatives locales dans la production des masques. Au Burundi, l’État pourrait rée-nationaliser le Complexe Textile du Burundi COTEBU. Il faut stimuler en même temps la population à l’inventivité et à prendre des initiatives pour se protéger contre le COVID-19
6°.Procéder à une révision budgétaire pour atteindre une souveraineté sanitaire et alimentaire. Il faudra porter le budget alloué à la santé et à l’éducation respectivement à 15 % et 20 %. 7° Soutenir et encourager les chercheurs burundais et africains qui mènent des efforts énormes dans le dénuement total pour mettre au point des traitements ou des vaccins contre la pandémie du COVID-19 8° Chaque gouvernement devrait tirer les leçons de cette pandémie en créant des centres de recherche avec un budget suffisant pour s’apprêter à mieux gérer d’éventuelles épidémies et/ou pandémies futures. L’autre leçon majeure de cette crise sanitaire est la nécessité de former un grand nombre de personnel médical compétent à tous les niveaux, créer de grands hôpitaux au service de tous les citoyens. C’est une leçon surtout pour une fraction de l’élite africaine privilégiée habituée à se faire soigner à l’étranger. Pour ce faire, il faudra recourir à l’assistance extérieure principalement cubaine qui apporte une aide désintéressée fondée sur le principe de la solidarité humaine et internationale. 9° Chaque gouvernement devrait punir exemplairement les agents de sécurité qui se laissent corrompre pour violer les mesures adoptées pour stopper la propagation du COVID-19.

Léonard Nyangoma Président du CNDD

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