• Home
  • /
  • ACTUALITE
  • /
  • ALGERIE : il faut en finir avec les manipulations et l’acharnement du gouvernement français contre l’Algérie

ALGERIE : il faut en finir avec les manipulations et l’acharnement du gouvernement français contre l’Algérie

Spread the love

Depuis la scandaleuse reconnaissance française de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental le 30 juillet 2024, les tensions diplomatiques avec l’Algérie se multiplient, Le revirement français sur le Sahara Occidental a été un « tournant », Macron démontrant sa capacité à fouler aux pieds le droit international et le droit à l’autodétermination des peuples.

Le ministre de l’intérieur Retailleau a quant à lui engagé un bras de fer avec l’Algérie à qui il intime de reprendre ses ressortissants faisant l’objet d’une mesure d’éloignement en France et considérés comme dangereux, en menaçant de revoir l’accord franco-algérien de 1968 (Cet accord, signé cinq ans après l’indépendance, accorde aux Algériens un régime dérogatoire au droit commun des étrangers : accès facilité aux titres de séjour de 10 ans, conditions privilégiées pour le regroupement familial, et facilités d’entrée pour les détenteurs de passeports diplomatiques. En contrepartie, il impose aussi des restrictions spécifiques, notamment pour les étudiants algériens en matière de travail et de mobilité) et d’appliquer des mesures de « rétorsion ». D’ores et déjà, la femme de l’ambassadeur algérien au Mali a subi l’affront d’être refoulée aux portes de Paris en guise de sanction.

Lundi 17 mars, Alger a refusé la liste proposée par Paris, rejetant les « menaces », « ultimatums » et « velléités d’intimidation ». Retailleau a promis une « riposte graduée », tandis que Jean-Noël Barrot, le ministre des affaires étrangères, a tenté de sauver le peu de diplomatie qu’il restait en affirmant que la France était « attachée à sa relation avec l’Algérie ». Macron, qui a reconnu les crimes commis par la France lors de son précédent mandat  laisse dire et laisse faire  lorsque ses ministres « s’en prennent à l’Algérie ». Après un nouveau refus des autorités algériennes de les réadmettre, le ministre de l’Intérieur a déclaré, mercredi 19 mars : « Nous ne voulons pas la guerre avec l’Algérie. C’est l’Algérie qui nous agresse. » En s’inscrivant dans le registre de la guerre, Bruno Retailleau en rajoute dans l’arrogance.

Plusieurs faits corroborent cette lamentable agressivité de la droite extrême et de l’extrême droite française à l’égard de l’Algérie dans une sorte de retour du refoulé colonial.

Jean-Michel Aphatie, vient de claquer la porte de RTL après la polémique visant ses propos sur la guerre d’Algérie, lorsqu’il avait comparé le massacre d’Oradour-sur-Glane à ceux commis par la France durant l’ère coloniale. Ce qui frappe dans cette affaire, c’est moins le déni français de la brutalité de cette histoire que le décalage entre une réalité bien établie grâce à de nombreux travaux de recherche et jusque dans les programmes scolaires, et le discours de dirigeants qui persistent à en faire un objet de clivages partisans.

Le sort de l’écrivain Boualem Sansal, emprisonné alors qu’il est gravement malade, fait l’objet d’un délire médiatique en France. Or l’auteur n’a pas été enfermé en tant qu’écrivain  mais en tant que citoyen algérien, pour les propos polémiques qu’il a tenus dans un journal d’extrême droite français sur l’intégrité territoriale de l’Algérie, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire du pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie.

S’agissant des influenceurs algériens ayant défrayé la chronique, en particulier Doualemn, expulsé par la France puis renvoyé illico par l’Algérie, n’y avait il pas des voies de recours en justice avant d’être expulsé ? D’ailleurs après l’aller-retour express de l’influenceur à Alger, la justice a suspendu la première mesure d’éloignement dont il faisait l’objet fin janvier. L’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui lui a été délivrée après son expulsion manquée a ensuite été annulée par le tribunal administratif de Melun le 6 février ; jetant le trouble sur la « méthode Retailleau ». Il a fini par être condamné à cinq mois de prison avec sursis, et a été arrêté jeudi 20 mars en vue d’être de nouveau expulsé. La Convention consulaire de 1974 n’a pas été respectée : les autorités algériennes n’ont été ni informées des arrestations ni des procédures d’expulsion. Certains expulsés, parents d’enfants français et disposant d’emplois stables, n’ont même pas pu faire valoir leurs droits.

Quant aux laissez-passer consulaires que la France réclame pour pouvoir expulser les ressortissant·es algérien·nes présent·es sur son territoire le même problème s’est posé pour la Tunisie et le Maroc. Pour ce dernier pays, la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental s’est d’ailleurs faite en contrepartie d’une collaboration pour la délivrance de ces documents.

Enfin, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a révélé que des « mesures de restriction de circulation et d’accès au territoire national pour certains dignitaires algériens » avaient été prises. Il s’est aussi dit « prêt à en prendre davantage » si la coopération franco-algérienne « n’est pas reprise ». Alger n’en avait pas été informé au préalable. De la pure provocation.

La conséquence de cette politique française de gribouille est  la prise de distance bien compréhensible de l’Algérie avec entre autres le rejet de la langue française (citons l’exemple d’Air Algérie, qui a choisi la voie de l’arabisation dès 2024, et a remplacé le français par l’anglais). L’apprentissage du français à l’école a été remplacé par l’anglais, l’armement algérien est russe, les liens commerciaux sont italiens ou chinois. Tout cela, ce sont des  parts de marché récupérées par d’autres, au détriment de la France.

Dans ce pays où vivent quelque 46 millions d’habitant·es et où les écarts de richesse se creusent à mesure que les villes se développent, il faut composer avec une police omniprésente et la conscience d’une liberté d’expression limitée ; un pays où des publications sur les réseaux sociaux peuvent mener en prison. De Bejaïa à Alger, en passant par Oran, les habitant·es ont réappris à vivre sans le Hirak, le mouvement de contestation sociale né en 2019 pour mettre fin au règne de Bouteflika, réclamant davantage de démocratie et de libertés et qui fut perturbé par la Covid, puis réprimé. Mais au-delà des problèmes internes au pays, partout aujourd’hui, le sentiment est le même : « abus » ou « acharnement » sont les maîtres mots pour qualifier l’attitude de la France à l’endroit de l’Algérie.

Alors que le peuple algérien  cherche à se libérer du néocolonialisme et de cette logique de dominant-dominé  dans le même temps, Retailleau et Bayrou s’inscrivent encore là-dedans dans leur souci de se concilier l’extrême droite. Cette crise diplomatique, sans doute la plus grave depuis l’indépendance algérienne, ravive les spectres de mémoires certes encore irréconciliées, mais surtout instrumentalisées. S’il est certain que le régime algérien, enferré dans une dérive autoritaire de brutalisation de la société civile, exploite à l’envi la « rente mémorielle », cette rente existe aussi en France. Après les années d’investissement mémoriel de Macron, marqué par un souci d’équilibre – entre reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin, qualification de la colonisation de « crime contre l’humanité » et hommages aux harkis –, l’heure est à la réactivation de la confrontation sur notre histoire coloniale. Elle est le fait d’une droite qui, depuis Nicolas Sarkozy, a non seulement fait du refus de la « repentance » le prérequis de tout discours sur le passé, mais projette sur cette mémoire ses obsessions pour la société française d’aujourd’hui : l’identité nationale, l’autorité ou l’immigration. Cette instrumentalisation est d’autant plus regrettable que les sociétés françaises et algériennes n’ont sans doute jamais été plus conscientes de l’histoire qu’elles ont en partage.

L’Algérie est manifestement devenue l’enjeu de querelles politiques intra-françaises où tous les coups bas politiciens sont permis dans le cadre d’une compétition, dont l’extrême droite est l’instigateur, le référent et le donneur d’ordres.

Or, d’une part tous les intérêts de la France sont à l’inverse de cette confrontation, d’autre part la longue histoire commune avec l’Algérie et les liens étroits entre nos deux peuples devraient nous conduire non pas à la confrontation comme le font les dirigeants français actuels dans une totale irresponsabilité mais dans un processus de vérité et de réconciliation. La France devant montrer l’exemple en cessant de dissimuler le passif de son passé colonial et en en faisant un narratif conforme à la réalité.

Face à ce gouvernement incapable d’adapter sa diplomatie aux mutations géopolitiques en cours, nous en appelons à renouer avec une vision respectueuse et exigeante  des relations internationales, fondée sur l’altérité et le respect du droit international.

PBY

 

 

 

 

 

 

Laisser un commentaire