Le mouvement populaire maintient sa force et sa détermination. Une capacité d’organisation s’est constituée, par des comités dans les universités, les douars, les quartiers des villes, les lieux de travail. C’est pourquoi le mouvement populaire demeure, malgré la répression. Les classes populaires, majoritaires dans le mouvement, sont porteuses d’une radicalité dans le domaine politique et économique et refusent qu’on fasse à nouveau du Bouteflika avec le nouveau président.
34° VENDREDI DE MOBILISATION POPULAIRE
Une nouvelle tactique du « système »
Mardi 8 octobre, les étudiants ont été empêchés par les forces de l’ordre (police et sécurité militaire) d’effectuer leur trente-troisième marche hebdomadaire à Alger. C’est la première fois depuis le 22 février que cela se produit : il s’agissait de provoquer un affrontement violent .Mais les manifestants ont déjoué !e piège : ils n’ont pas tenté de forcer le passage, se contentant d’effectuer un rassemblement avant de se disperser dans le calme.
Durant les jours précédant le hirak, les arrestations se sont poursuivies et des condamnations à des peines sévères sont tombées. Deux manifestants, ont écopé d’une année de prison ferme, le premier pour « atteinte à l’emblème national », le second pour « avoir tenté d’empêcher l’installation de la commission de la wilaya de Djelfa de l’Autorité d’organisation des élections ».
Le jeudi 10 octobre, le président du RAJ été interpellé, quatre jours après la mise en détention provisoire de quatre militants de l’association.
Les avocats ont multiplié les déclarations pour dénoncer les atteintes aux libertés et le recours systématique à la détention provisoire.
On entendait : « habsou el itiqualate yal issabate (arrêtez les interpellations, bande de mafias) « Libérez les détenus d’opinion » en français et en arabe. Et en tamazight « tarwa n tlelli i levda annili (enfants de la liberté, nous existerons toujours) ».
On a lu aussi sur des pancartes : « Vos prisons ne contiendront jamais nos rêves ».
La création d’une Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) représente certes un progrès : ses activités étaient auparavant exercées par le Ministère de l”Intérieur. Rappelons toutefois le cv de Mohamed Charfi président de l’ANIE. En 1999, il est désigné conseiller à la Présidence de la République avec l’arrivée de Abdelaziz Bouteflika au pouvoir. Il reste à ce poste jusqu’à juin 2002 avant d’être nommé ministre de la Justice il ne reste que trois mois. En 2009, Mohamed Charfi est rappelé au poste de conseiller à la Présidence de la République. Au Hirak on lui reproche de faire partie de la « issaba » (le système).
Deux réactions à l’étranger
Amnesty International a déclaré le 10 octobre : » nous sommes profondément préoccupés par un climat de répression qui s’instaure ces dernières semaines : recrudescence du nombre d’arrestations arbitraires de militants, de journalistes, d’avocats, d’étudiants, ou simples citoyens. « À la veille du 34e vendredi, nous exhortons les autorités algériennes à libérer toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, d’association ou de réunion pacifique et d’assurer la sécurité des manifestations ».
Les journalistes français membres du SNJ (Syndicat national des journalistes) ont dénoncé lors de leur Congrès les intimidations et les pressions exercées sur leurs confrères algériens : « Après avoir été empêchés de couvrir les défilés, après avoir eux-mêmes témoigné de la censure qu’ils subissaient, les journalistes des médias publics ont finalement pu faire leur métier et mieux exercer leur liberté d’informer », rappelle le SNJ France qui déplore toutefois que « depuis début octobre, les professionnels de l’information sont, de nouveau, victimes d’intimidations : arrestations arbitraires pendant l’exercice du métier, interrogatoires interminables, matériel saisi… ».
Le SNJ a apporté son soutien aux journalistes algériens et appelé au respect de la démocratie et à la liberté d’informer.
Une nouvelle étape de l’infitah
Elle s’exprime dans le Projet de Loi de Finances pour 2020 et dans celui sur les hydrocarbures. Deux nouveaux slogans sont apparus dans les manifs pour dénoncer l’abandon de la souveraineté du pays dans le domaine économique.
On entend des slogans ou on lit sur les pancartes : Qanoun El Mahrouqat à la poubelle (la loi sur les hydrocarbures à la poubelle) » « Batou leblad ya l’khawana » (vous avez vendu le pays, traîtres) ». « Votre arrogance renforce notre détermination », « la terre d’Algérie n’est pas à vendre ». “Vous êtes des traîtres, vous vendez le pays” ; “La loi sur les hydrocarbures ne sera pas révisée par le gang”,
Le texte concerné par le Projet de Loi de Finances supprime la règle du 51/49 pour les entreprises étrangères s’installant en Algérie, à l’exception des « secteurs stratégiques ». Lesquels ? La disposition, héritée de la période 1962-1978, permettait d’exercer un certain contrôle sur les entreprises étrangères et protégeait (un peu) les entreprises algériennes, essentiellement les PME. La mesure est ressentie comme une remise en cause de l’indépendance nationale.
Avec le projet de loi sur les hydrocarbures L’Algérie va perdre progressivement sa souveraineté sur les hydrocarbures au profit des multinationales françaises ou américaines (Chevron, Total, ExxonMobil…) qui risquent d’avoir le contrôle sur les richesses du pays et mettre en cause son indépendance nationale ! Telle est l’opinion de divers experts algériens, notamment Nasr Eddine Lezzar, avocat d’affaires économique .Dans un entretien accordé au à El Watan, il considère que les contrats en cours avec diverses multinationales s’effectuent déjà au détriment des intérêts de l’Algérie .A noter que le projet de loi « a été élaboré après une concertation avec les cinq plus grandes compagnies pétrolières internationales » selon la déclaration de l’actuel « ministre » de l’énergie.
Un bilan global du 34 ° hirak
137 postulants à la candidature pour l’élection présidentielle du 12 décembre prochain, réunissant les conditions exigées, à savoir la nationalité algérienne, le diplôme universitaire et l’âge légal de 40 ans, ont, selon Algérie Presse Service procédé au retrait des formulaires de souscription des signatures individuelles. On dénombre beaucoup de candidatures purement fantaisistes et diverses personnalités de la « aissaba »(le système) dont des proches de l’ex président Bouteflika. Plusieurs personnalités démocratiques ont refusé de se présenter.
Les manifestants du 34° Hirak sont descendus en masse dans les rues pour déclarer qu’il n’y aura pas « d’élections avec les symboles du régime». Des manifs se sont déroulés à Alger, Oran, Constantine, Tlemcen, Annaba, Jijel, Mostaganem, Mila, Chlef, Bouira, Tizi Ouzou, Bejaia, Mascara, Jijel, Bordj Bou Arreridj…
On a entendu, outre les slogans relatifs à la répression et à l’indépendance économique, : « dawla madania, machi aâskaria (État civil et non militaire) » et des chants hostiles au chef d’Etat-major, « pouvoir assassin, pouvoir assassin ». « Pas de vote, Bedoui et Bensalah il faut qu’ils sautent » : « Makanch intikhabat maa el aissabat (pas de vote avec la bande) ».
Les journaux ont titré : El Watan : « Grande mobilisation au 34e vendredi du hirak : Démonstration de force- El Watan 13 octobre 2019 l’UNOA (Union nationale des avocats) a «unanimement» dénoncé «toute forme de dépassement et d’entrave à l’encontre de la liberté d’expression, de la liberté de manifester et de la liberté de circulation» et annonce d’une marche nationale à Alger le 24 octobre. Liberté : Alors que le spectre de la répression planait depuis mardi Mobilisation des grands jours à Alger- Le Soir d’Algérie : 34e vendredi de mobilisation La rue ne décolère pas. TSA (Tout sur l’Algérie) 11 Oct. 2019 Un article de Ryad Hamadi La répression et la défense de la souveraineté économique galvanisent le Hirak.
Voir aussi Algeria-Watch, 12 octobre 2019 : Le pétrole algérien, la grande braderie .Un article d’ Hocine Malti.
Le Parti de Gauche salue la détermination du mouvement populaire algérien qui constitue un exemple pour tous les peuples du monde soumis à des régimes d’oppression.
Roger Esmiol