BENIN : la farce politique continue

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Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche

Au lendemain de la tenue d’une élection législative sans aucun parti de l’opposition, une crise politique s’est installée dans ce pays, avec des violences meurtrières. Les élections municipales sont prévues en mars 2020 et il vaudrait mieux éviter d’organiser, au pays berceau de la démocratie, deux élections successives non inclusives.

La réponse de Talon fut tardive : au palais des congrès de Cotonou s’est ouvert le dialogue politique avec 300 participants, neuf partis qui ont eu droit chacun à trente invités pour la cérémonie mais pendant les travaux qui ont duré trois jours, ils seront seulement douze par formation. En fait de conférence nationale il s’agissait plutôt d’une rencontre politique avec les partis qui ont une existence légale. Il n’y a pas eu d’ordre du jour officiel, une bonne partie des débats devaient concerner la charte des partis et la loi électorale, deux lois dont certaines dispositions ont coûté à l’opposition la non validation de ses listes. Faute de récépissé, les partis d’opposition, surtout ceux qui réclament lourdement l’annulation des élections législatives, ne sont pas invités à cette farce consultative. L’USL de l’homme d’affaires Sébastien Adjavon, Restaurer l’Espoir de Candide Azanai, la FCBE aile Boni Yayi, le parti communiste seront absents, faute de récépissé. Les FCBE notamment l’aile modérée conduite par Paul Hounkpé ont pris part aux travaux malgré la contestation de l’aile dure, proche du président d’honneur du parti, l’ancien président Boni Yayi.

Lors de la clôture à Cotonou, samedi 12 octobre au soir, au palais des Congrès, du dialogue politique, Talon a réceptionné les conclusions des mains du rapporteur général, Victor Topanou. Ce rapport contient des recommandations liées au toilettage de la charte des partis et de la loi électorale, ainsi qu’une série de doléances (dix-huit qui vont de la libération des prisonniers politiques à l’abandon des poursuites à caractère politique). Le rapport général  n’a pas donné lieu à débats. Dans la mi-journée, la première version du rapport avait été fortement contestée par les FCBE et le Parti du Renouveau démocratique de Me Adrien Houngbédji, pourtant membre de la mouvance présidentielle. Ces deux partis ont estimé que le rapport n’était pas entièrement fidèle et que certains points discutés ne figuraient pas dans le compte-rendu. Talon s’est notamment réjoui de ce que les recommandations n’aient pas remis en cause « la nécessité de réformer le système politique et d’avoir des partis d’envergure nationale ».

Les partis d’opposition, organisés au sein des forces de la résistance, organisent au même moment « un contre dialogue politique », baptisé « les assises de la résistance », présidé par l’ancien chef d’État, Nicéphore Soglo. L’aile FCBE restée fidèle à Boni Yayi, et les leaders dont les partis n’ont pas été invités, ont animé ce contre dialogue. Nicéphore Soglo réclame des actes forts comme le retour des exilés politiques, ceux que le camp du pouvoir appelle des fuyards ou des Béninois en séjour de plaisance à l’étranger. Ce contre dialogue a été clôturé, samedi soir, à Cotonou au Codiame. Un rapport final contenant plusieurs recommandations a été lu devant la presse. L’opposition réclame, entre autres, la dissolution du parlement, la reprise des législatives et une amnistie générale pour les prisonniers et les exilés. Des élections générales anticipées en 2020 ou 2021 précédées du toilettage de la charte des partis politiques et du Code électoral ; la libération de certains prisonniers impliqués dans la crise électorale, l’abandon des poursuites contre certaines personnalités…

Si Talon a défini la rencontre comme « une exigence de check-up quand survient une quinte de toux d’une résonance inhabituelle », nous pensons avec l’opposition que la maladie du pays n’est pas bénigne et que la dérive dictatoriale du régime s’aggrave.

Le Parti de Gauche déplore l’absence de réaction du gouvernement français face à cette dérive d’un pays qui fut pourtant un modèle en Afrique.

Pierre Boutry

Nous publions ci-après la déclaration d’ouverture des Assises de la Résistance et la déclaration préalable du PCB.

10 Oct 2019
Voici la déclaration des forces politiques de l’opposition
Mesdames, Messieurs
6 avril 2016, 10 octobre 2019, 42 mois, ou 03 ans et demi se sont écoulés, trois ans et demi qui ont vu le rêve de tout un peuple tourner au cauchemar. Trois ans et demi qui ont vu s’écrouler une Nation qui, il y a encore peu, tirait sa fierté et sa raison d’être, non pas des immenses ressources géologiques dont regorgent certains pays, mais de son histoire construite à la sueur et au sang de son vaillant peuple, une fierté reconnue et saluée de part le monde.
Aujourd’hui, que reste-t-il de cette histoire, de cette richesse qu’aucun sous-sol ne peut produire ? La question est bien venue en ce jour, jeudi 10 octobre 2019, où l’actualité nous interpelle et nous questionne. Qu’avons-nous fait des résolutions de la Conférence Nationale ? Quels souvenirs gardons-nous de la mémoire de ceux qui sont morts pour qu’arrive le 19 février 1990 ? Que nous réserve l’avenir ? Aux deux premières interrogations, on peut répondre sans aucun risque d’erreur, qu’aujourd’hui, tout cela représente un gâchis qui doit faire retourner dans leurs tombes les Pères initiateurs et animateurs de la Conférence Nationale.
La tradition de droiture, de justice et de fraternité de ce peuple pacifique l’a amené à confier ses destinées à un de ses fils prodige par infamie. Une erreur dont il (le peuple) paie aujourd’hui le prix, un prix insensé et totalement injuste. Oui, au sortir des élections présidentielles de mars 2016, Patrice Talon a été porté à la tête de notre pays. Lorsqu’on connaît le climat combien lourd et tendu qui prévalait entre son prédécesseur à qui il a froidement tenté de donner la mort et lui, il est permis de saluer la grandeur d’âme de notre peuple. C’est un drame qui s’abat sur notre pays depuis ce temps avec un président qui s’est emparé de tous les secteurs vitaux de l’économie nationale, et qui, pour protéger ses intérêts personnels assis sur la multitude de conflits au sommet de l’Etat, s’appuie sur un régime policier, une justice oppressive, une corruption sans limite.
Aussi, de nombreux concitoyens ont-ils été jetés en prison et continuent de l’être et d’autres contraints à l’exil en raison de leur opinion politique, pendant que se pavanent sans scrupule et avec arrogance, ceux qui ont commis de graves crimes économiques. Comme si cela ne suffisait pas, Patrice Talon a décidé d’installer un parlement de sang et d’exclusion, totalement acquis à sa cause, au sortir d’une parodie d’élection législative boycottée par plus de 90% du corps électoral. Pour protester contre cette supercherie, et usant de leurs droits constitutionnels, nos concitoyens sont descendus dans les rues, les mains nues. C’est à la stupeur générale que Patrice Talon a ordonnée à l’armée d’ouvrir le feu sur les manifestants. Pour la première fois depuis la fin formelle de la colonisation de notre pays et après six coups d’état militaire intervenus sans effusion de sang, des citoyens ont été froidement abattus et les dépouilles mortelles confisquées.
Nous sommes en Afrique, et sommes Africains. Nos morts ont droit à des funérailles qui honorent et saluent leurs mémoires et leurs âmes crient vengeance. Ils sont morts pour que ne siègent pas les députés croupions ; ils sont morts pour que Patrice Talon n’enracine pas le règne de la dictature ; ils sont morts aussi et surtout pour que renaisse le Bénin des cendres de la dictature et c’est ici que prend tout son sens cette question posée plus haut : que nous réserves l’avenir ? Les martyrs de Cadjèhoun, de Kandi, de Tchaourou et de Savè ont versé leur sang pour libérer notre peuple. Ils ont consenti le sacrifice suprême pour que le Bénin reste debout. Patrice Talon doit restituer les corps aux familles en pleurs, afin qu’aux obsèques de ces héros la Nation vienne s’incliner. Partout sur le continent, souffle un vent de liberté sous la pression des forces démocratiques.
Les derniers événements intervenus au Sénégal et au Cameroun envoient un signal fort à Patrice Talon et lui interdisent de faire la sourde oreille.- Quel dialogue politique peut-on organiser, pendant que nos compatriotes sont contraints à l’exil ?- Quel dialogue politique peut-on organiser, pendant que des compatriotes croupissent en prison pour délit d’opinion ?- Quel dialogue politique peut-on organiser alors que notre Assemblée Nationale est devenue un lieu souillé du sang de nos compatriotes ?- Quel dialogue politique peut-on organiser, pendant que Patrice Talon continue de contraindre nos concitoyens à l’extrême précarité ? La situation économique de notre pays est dramatique : Patrice Talon, son gouvernement et son parlement de sang et d’exclusion sont restés insensibles aux conséquences de la fermeture de nos frontières avec le Nigeria alors que dans tous les autres pays concernés, et Chefs d’Etats et autres institutions s’en préoccupent. Cela ne fait que confirmer son indifférence vis à vis de la souffrance du peuple béninois.
Plus de 503 enseignants du primaire et du secondaire ont été suspendus, sans aucune procédure en cette rentrée où les classes sont pléthoriques et sans enseignants, sous le prétexte d’avoir refusé d’être soumis à une prétendue évaluation diagnostique. La Résistance Nationale, résolue à combattre quoi qu’il en coûte la déliquescence des valeurs qui fondent la République, rejette catégoriquement ce scénario imaginé par Patrice Talon pour se donner du souffle et rebondir dans sa politique meurtrière. Patrice Talon sait tout le tort qu’il a causé à notre pays et à son peuple et aucun dialogue n’est envisageable sans les préalables ci-après :- la reprise des élections législatives pour donner la parole au peuple et lui permettre de choisir ses représentants ;- l’amnistie générale pour tous les exilés et détenus politiques ;- la restitution des dépouilles mortelles de nos compatriotes assassinés à leurs familles respectives afin de leur permettre de faire le deuil des disparus ;- la réintégration sans délai dans leur fonction des 503 enseignants abusivement suspendus.
Les deux partis politiques siamois le savent et c’est ce qui explique la cacophonie et la guerre de tranchées qu’ils se livrent depuis quelques mois. Les petits partis qui gravitent autour des deux autres le savent aussi et leur prise de position ces derniers jours n’est ni plus ni moins qu’une déconnexion d’un système décadent et moribond construit sur le mensonge et les pratiques de hors-la-loi. Les parlementaires aux vêtements tâchés du sang de nos martyrs le savent et c’est ce qui explique qu’ils font profil bas, incapables de se ranger aux côtés du peuple, prisonniers des énormes avantages de corruption dont ils jouissent. Tout notre peuple le sait et son silence n’est que le calme avant la tempête, et non une résignation.
Le pays de Béhanzin, Bio Guera, Kaba et autres héros de la résistance dont nous sommes les dignes et fiers héritiers ne saurait se résigner face à aucune épreuve. Nul n’ignore le rôle éminemment positif joué par le Clergé dans la mise en route du processus démocratique dans notre pays, et tous les efforts qu’il déploie depuis que l’héritage de la Conférence Nationale est mis à mal. Comme si sa démarche dérangeait, on a fait l’option de l’ignorer, de l’infantiliser pour recourir à des personnages douteux de notoriété publique pour conduire le pseudo dialogue, aggravant la crise de confiance. Le Bénin est notre commune Patrie, nous devons travailler ensemble à la construire, à produire la richesse et à la partager. C’est pourquoi le Comité de la Résistance Nationale se bat et continuera de se battre contre l’intimidation, la dictature et la répression sauvage qui caractérisent le Régime Talon dont la finalité réelle est de concentrer la richesse nationale aux mains d’une minorité arrogante et opportuniste. Pour toutes les raisons évoquées plus haut et singulièrement pour la mémoire de nos martyrs, aucun sacrifice ne sera de trop pour combattre le régime apatride et de trahison de Patrice Talon.
Aussi, voudrais-je, du haut de cette tribune, en ce jour du jeudi 10 octobre 2019 annoncer la création d’un Fonds National de Solidarité, destiné à venir en aide aux orphelins dont Patrice Talon a fait exécuter froidement les géniteurs et qui sont abandonnés à leur sort. J’invite par conséquent tous les Béninois à faire le geste minimum pour aller au secours de ces âmes en détresse, victimes collatérales de la barbarie du régime de Patrice Talon. Je voudrais pour finir inviter tout notre peuple à assister ou à s’unir d’intentions à la messe qui sera dite en l’Église. Le samedi 12 octobre 2019 pour le repos des âmes de nos concitoyens lâchement assassinés.
VIVE LA RESISTANCE NATIONALE !
VIVE les FORCES DE L’OPPOSITION !
VIVE LE BENIN !

COMMUNIQUE
A PROPOS DU FAMEUX DIALOGUE CONVOQUE PAR LE CHEF D’ETAT
Nous avons lu par les mass media le communiqué de la Présidence de la République pour un « dialogue politique », convoqué pour se tenir les 10, 11, 12 Octobre 2019 au Palais des Congrès de Cotonou. Y sont invités neuf « partis » : Union Progressiste, Bloc Républicain, Parti du Renouveau démocratique, MOELE-BENIN, Forces Cauris pour le Développement du Bénin, Union Démocratique pour un Bénin Nouveau, Dynamique Unitaire pour la Démocratie et le Développement, Forces Cauris Pour un Bénin Emergent, Parti la Flamme Renouvelée, tous, des clubs formés et montés de toutes pièces par le Président Patrice Talon. La dernière manœuvre contre le Parti FCBE et qui est considérée comme la levée du verrou permettant la convocation du fameux dialogue du 10 Octobre 2019, ne peut tromper personne.
Les Partis représentant l’immense majorité de la population qui a dit non à plus de 80% à la dernière mascarade du 28 Avril 2019 dite « Electives législatives » ont été écartés. Ainsi les conditions d’un dialogue sincère (supposant nécessairement la réunion de points de vue contraires) ne sont pas réunies. Il ne s’agit donc pas de dialogue mais d’un monologue, l’expression des seules volontés du Président Patrice Talon.
En juillet dernier, à l’invitation pour la « Réunion de concertation dans le cadre du dialogue politique » le Parti Communiste du Bénin avait, ensemble avec toute l’Opposition, déterminé les préalables pour un dialogue sincère et fructueux au Bénin.
Nous les rappelons ici :
1°- L’abrogation des lois chrisogènes dont notamment les lois portant charte des partis politiques et le code électoral, la loi portant code pénal, la loi portant exercice du droit de grève au Bénin, les lois portant création de la CRIET et la loi portant code numérique, etc.
2°-L’annulation des élections législatives exclusives du 28 Avril 2019.
3°- Que toutes les personnes, victimes (morts et blessés) dans la crise électorale qui a secoué notre pays depuis février 2019, soient annoncées au peuple, identifiées et les donneurs d’ordre situés.
4°- Que toutes les personnes arrêtées pour les événements des 1er et 2 Mai à Cotonou, Kandi, Parakou, des 9 et 10 Juin 2019 à Tchaourou et Savè, que tous les jeunes, arrêtés officiellement pour « attroupement non armé non autorisé », que tous soient immédiatement libérés.
5°-Que tous ceux, absents du territoire national ou en détention et qui devront de ce fait « manquer au chantier de construction de notre pays » parce que contraints par le pouvoir à la prison ou à l’exil, soient libres de revenir dans leur foyer et dans le pays. Ce qui nécessite la prise d’une mesure d’amnistie.
6°- Que tous les partis qui en ont fait la demande aient leur récépissé sans entrave.
C’est dire que, ce qui se passera le 10 Octobre prochain et qu’on veut qualifier de « dialogue » est nul et non avenu et ne concerne pas le peuple. Il s’agit d’une grossière distraction pour valider et consolider la dictature autocratique d’un pouvoir failli et démissionnaire face à la grande misère qui frappe le peuple avec notamment la fermeture de la frontière avec le Nigeria.
En conséquence, le Parti Communiste du Bénin appelle l’ensemble du peuple en ses diverses couches, à ne pas se laisser distraire, à accentuer les luttes en vue de la restauration de la démocratie détruite et pour la réunion des conditions pour l’édification d’une économie de développement et d’épanouissement de notre patrie.
Cotonou, le 05 Octobre 2019.
Le Parti Communiste du Bénin.

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