Le Groupe Bolloré et sa filiale Bolloré Africa Logistics ont définitivement perdu le procès intenté à Mediapart à propos de leurs pratiques au Cameroun. Dans un arrêt du 11 octobre, la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi en soulignant « la base factuelle suffisante » de l’enquête de Fanny Pigeaud qui concernait le combat de deux petits patrons camerounais pour faire respecter par le Groupe Bolloré un jugement rendu par la justice locale depuis 23 ans en leur faveur.
L’article « Comment le Groupe Bolloré a ruiné deux entrepreneurs camerounais » signé par Fanny Pigeaud et paru le 13 avril 2016 sur le site de Mediapart, présente les misères de deux entrepreneurs camerounais, Séverin Ohandja et Thomas Mabou, qui sont restés pendant 23 ans dans l’attente du respect par Bolloré d’une décision de justice. En effet, la Cour suprême du Cameroun avait confirmé en 1993 la condamnation de la société Socopao, filiale du Groupe Bolloré installée à Douala, à verser environ 89 millions de FCFA aux Ets Ohadja dont les deux entrepreneurs étaient les mandants. « Nous étions alors partenaires dans la vente de voakanga, matière première très recherchée, même actuellement encore, pour la fabrication de médicaments. Nous avons entreposé, par le biais des Ets Ohandja, cette marchandise dans les locaux de la société Socopao à Douala ».
« Cette dernière avait l’obligation de traiter la marchandise, périssable, tandis que nous cherchions acquéreur. Lorsque nous avons trouvé preneur et souhaité récupérer notre marchandise, personne n’a été en mesure de nous la restituer, pas même de nous indemniser au titre de cette perte », avaient indiqué les deux entrepreneurs dans une déclaration cosignée et publiée dans la presse. Ils avaient alors saisi le Tribunal de première instance de Yaoundé, et le 30 décembre 1987, cette juridiction leur a donné gain de cause. Par la suite, Bolloré fera appel à la Cour d’appel du Centre, puis à la Cour Suprême, et sera débouté.
Bolloré avait alors saisi le tribunal de Nanterre, lequel a sévèrement condamné le média engagé le 8 janvier 2019, jugeant l’article empli de « mauvaise foi », et que « en tant que journaliste d’investigation, Fanny Pigeaud se devait d’être irréprochable dans son travail d’enquête ». Par la suite, Mediapart fera appel de la décision rendue par le tribunal de Nanterre et obtiendra gain de cause à la Cour d’appel de Versailles le 10 février 2021. Un camouflet pour le Groupe Bolloré, qui dans son obstination à réduire au silence le média iconoclaste, s’est pourvu en cassation avec l’insuccès que l’on sait.
Le Parti de Gauche salue cet arrêt de la Cour de Cassation qui est une victoire de la liberté de la presse mais qui est aussi, hélas beaucoup trop tardivement, la reconnaissance du combat de deux petits entrepreneurs camerounais aux prises avec une entreprise capitaliste française.