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Côte d’Ivoire : L’alternance « forcée » de 2000 est-elle réalisable sous la dictature de Ouattara ?

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Dans la nuit du 14 septembre 2020, c’est sans grande surprise que les Ivoiriens apprennent que Laurent Gbagbo, candidat de la Gauche ivoirienne, ne pourra pas participer au scrutin présidentiel du 31 octobre.

La candidature de l’ancien président ivoirien fut pourtant déposée, en son absence, le 31 août 2020,  au siège de la CEI, par ses partisans menés par Georges Armand Ouegnin, le président de la plateforme EDS, avant d’être invalidée par le Conseil constitutionnel. Cependant, il est important de mentionner que le dépôt de la candidature du président Laurent Gbagbo, s’est fait en connaissance de cause. Car ses partisans s’attendaient certainement à une telle décision.

En effet, le retrait de Laurent Gbagbo de la liste électorale, principal argument juridique du rejet de sa candidature, est bien connu. Il fut même porté à la connaissance de sa famille politique qui n’ignorait certainement pas l’existence de l’article 48 du Code électoral qui stipule : «  tout ivoirien qui a la qualité d’électeur peut être élu président de la République dans les conditions prévues par la Constitution ». 

Le président Laurent Gbagbo quant à lui s’est enfermé depuis plusieurs années, dans un silence profond, tandis que son avocate Maitre Habiba Touré affirmait le 1er septembre 2020, sur une chaine de télévision française, que l’ancien président ivoirien n’a « donné aucune instruction » sur sa candidature. Il s’agit toutefois d’une allégation difficile à confirmer.

Cet entêtement de la Gauche ivoirienne, à choisir Laurent Gbagbo est en réalité une réponse à la mesure des manœuvres frauduleuses élaborées par le président Alassane Ouattara pour se maintenir au pouvoir « par tous les moyens », en écartant de la course, ses principaux adversaires (Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Mamadou Koulibaly, Mabri Touakeusse etc..). Ouattara annonce même sa victoire dès le premier tour de l’élection présidentielle, et refuse de reporter le scrutin. De plus, le Conseil Constitutionnel valide la Candidature du président sortant, alors même que la Constitution ivoirienne de 2016 confirme qu’il n’y a pas de troisième mandat en Côte d’Ivoire.

Face à cette mascarade électorale déjà perdue d’avance, la stratégie de la  Gauche ivoirienne repose donc sur le refus d’une candidature de substitution à Laurent Gbagbo, en envisageant un autre type de « confrontation » avec le régime Ouattara, dans la nostalgie de l’alternance politique de 2000, obtenue dans la douleur  face au général Robert Guéï.  Mais un tel scénario est-il envisageable en Côte d’Ivoire en 2020 ?

Les obstacles politiques à un scénario semblable à celui de l’an 2000

 Tout d’abord, il est important de souligner qu’un scénario semblable à celui de l’an 2000 n’est pas impossible en Côte d’Ivoire. Mais sous le régime Ouattara, une telle initiative s’avère difficile et se solderait certainement par un lourd bilan de perte en vies humaines.

Le premier argument porte ainsi sur la nature de l’adversaire politique. Pour rappel, sur les 5 candidats retenus par la chambre constitutionnelle de la Cour suprême en 2000, le président Laurent Gbagbo avait eu pour adversaire, le général Robert Guéï, un candidat indépendant, sans assise populaire, mal entouré, qui s’illusionnait sur sa popularité, en seulement 10 mois de règne. L’appel à un soulèvement populaire, contraint le général Guéï, ancien chef d’état major d’une armée de temps de paix, à quitter le pouvoir.

Cependant, en 2020, l’adversaire politique n’est plus le même. Les partisans de Laurent Gbagbo font face à un régime autoritaire au pouvoir depuis près de 10 ans, dont le parcours (rébellion, phénomène des « microbes » (jeunes voyous à la solde du pouvoir) nous laisse entrevoir que le président Ouattara, sauf en cas d’une impressionnante manifestation de rue dans la capitale économique, n’emboitera pas le pas de ses anciens homologues comme Ibrahim Boubacar Kéita au Mali, ou encore Blaise Compaoré au Burkina Faso.

Ces chefs d’Etat confrontés à une révolte populaire dans leur pays, avaient choisi de quitter le pouvoir afin d’éviter un bain de sang.  La stratégie du régime Ouattara  vise plutôt à armer d’armes blanches des jeunes délinquants partisans pour faire face aux manifestations de l’opposition. Ce qui déclenche des conflits inter-communautaires, stoppant ainsi la perspective d’un soulèvement populaire, comme récemment à Divo et Bonoua.

L’absence d’unité au sein de la Gauche ivoirienne reste le deuxième argument qui rend difficile, la réalisation de l’exploit de 2000. A cette époque, Laurent Gbagbo, 55 ans, avait pour ambition de fonder une Etat socialiste, grâce à un projet de société bien élaboré dans un ouvrage intitulé « Gouverner autrement la Côte d’Ivoire ». A l’aube du nouveau millénaire, Laurent Gbagbo, président du FPI depuis 1996,  ne souffrait d’aucune contestation. En octobre 2000, c’est un Laurent Gbagbo entouré de Pascal Affi N’Guessan et Aboudrahamane  Sangaré, qui appelait les patriotes ivoiriens à « prendre la rue pour faire reculer le général Guéï ».

Mais aujourd’hui, les réalités sont totalement différentes. La candidature de Pascal Affi N’Guessan, s’inscrit dans une logique de scission du parti fondé par Laurent Gbagbo. De ce fait, la justification de la victoire frauduleuse de Ouattara se fondera sur l’argument suivant ; «  les voix de laurent Gbagbo ont été éparpillés entre Affi N’Guessan, Konan Bédié et l’abstention ».

Enfin, la participation d’Henri Konan Bédié au scrutin du 31 octobre, peut dans certains cas de figure, légitimer la victoire de Ouattara. En effet, dans le but de casser le PDCI-RDA, le président Ouattara suscite la candidature d’un dissident du parti de Konan Bédié. Il s’agit de Kouadio Konan Bertin, ancien président des jeunes du parti, et ex député de Port-Bouët, un quartier d’Abidjan. Ainsi, en cas de défaite du PDCI, le président Bédié pourra t-il appeler toute l’opposition à contester le résultat  de l’élection présidentielle dans la rue ? La suite nous le dira.

Provoquer une crise pré-électorale, pour réclamer un scrutin démocratique inclusif.

 Il est clair que le président Alassane Ouattara n’aurait aucune chance de gagner une élection présidentielle  loyale à laquelle participeraient Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié, Guillaume Soro.

De ce fait, une mobilisation de toutes les forces de l’opposition afin d’obtenir les conditions de nouvelles élections démocratiques et inclusives, apparaît aujourd’hui comme la solution la plus adéquate. Il s’agit d’une action collective en faveur de la démocratie qui peur recevoir le soutien de la communauté internationale.

Toutefois, le choix du président Laurent Gbagbo, par la Gauche ivoirienne est désormais irréversible. Il est donc temps pour ce dernier de sortir enfin de son silence, afin de se  prononcer  publiquement sur la situation préélectorale en Côte d’Ivoire.

Le Parti de Gauche dénonce un scrutin joué d’avance qui aboutira fatalement à la réélection de Ouattara et le silence complice de Macron.

Déjà 13 morts qui sont de fait 13 martyrs de la démocratie et une centaine de blessés dans cette période pré-électorale !  Le peuple ivoirien a besoin d’une parole de gauche et il l’attend avec impatience.

Oris Bonhoulou et Pierre Boutry

déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche

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