Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche
Depuis l’élection présidentielle du 27 août 2016, le Gabon vit une crise post-électorale sans précédent. La situation des droits humains et le respect des libertés fondamentales ne cessent de se dégrader et le Gabon compte de nombreux prisonniers politiques. La société civile est fortement réprimée. Pour disposer d’une législation qui facilite la répression, le gouvernement gabonais a adopté le 3 août 2017, la loi n°001/2017 relative aux réunions et aux manifestations publiques. Celle-ci stipule, entre autres, que toute réunion publique, fusse-t-elle dans un lieu privé est soumise à autorisation du Ministère de l’Intérieur, ce qui est une atteinte forte aux libertés fondamentales. Mais ce n’est pas tout !
Le projet de modification de la Constitution adopté par le Conseil des Ministres gabonais du 28 septembre dernier a pour objectif principal de concentrer davantage de pouvoir entre les mains du Président de la République ; les dispositions soumises à révision, anticipent la débâcle électorale, du pouvoir sortant, aux législatives reportées deux fois et repoussées dorénavant en avril 2018, pour dépouiller le Gouvernement et le Parlement des prérogatives garantes d’une démocratie effective, au profit d’un Président de la République davantage rendu tyran, notamment en matière de définition de la politique de la Nation et de désignation des principaux acteurs du concert interinstitutionnel du Gabon.
Certes quelques points sont bien issus du dialogue politique tronqué d’Angondjé ayant regroupé des éléments de la société civile, la majorité et une partie l’opposition : le retour du scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour les élections présidentielles et parlementaires, l’harmonisation de la durée des mandats des sénateurs avec les élus pour une durée de cinq ans renouvelable, les dispositions qui érigent désormais le conseil national de la communication (CNC), en autorité administrative indépendante ainsi que la commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP) en centre gabonais des élections (CGE) qui exclue les gouverneurs et les préfets dans la proclamation des résultats.
Mais l’essentiel n’est pas dans ces petites concessions.
Ainsi, L’article 8 est une remise en cause du principe de cohabitation ou d’alternance : « Il (le Président de la République) détermine la politique de la Nation. En cas de changement de majorité à l’Assemblée Nationale, la politique de la Nation est déterminée par le Président de la République en concertation avec le Gouvernement. ».
L’article 15 exige des membres du gouvernement loyauté et fidélité, non plus à la nation ou aux citoyens, mais directement au Chef de l’Etat, tout en obligeant les Ministres à respecter «religieusement » le secret des dossiers traités.
Par l’article 20, la loyauté indéfectible s’applique également aux Chefs d’Etat-major des Armées, rappelant que le pilier d’un pouvoir autoritaire réside avant toute chose dans le contrôle total de l’armée.
Enfin l’article 78 du projet de révision de la constitution, entérine l’impunité complète du Président de la République qui, après avoir cessé d’exercer ses fonctions « ne peut être mis en cause, poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé pour les faits définis par la loi organique sur la Haute Cour de Justice».
Ce projet de constitution taillée sur mesure pour Ali BONGO, sonne comme un nouvel affront à tous ceux qui ont payé de leur vie le fait d’avoir cru en l’alternance démocratique.
Cette révision ignore toutes les demandes de l’Union européenne dans le cadre de la procédure du dialogue politique intensifié, visant donner suite au rapport de la Mission d’observation électorale de l’UE. Elle porte atteinte à la Charte africaine de la démocratie, viole la Convention de l’ONU sur le droit des traités et viole la conditionnalité politique de l’Accord de Cotonou ACP-UE. Le texte décrié est déjà au parlement pour adoption. Avec une assemblée monocolore dont le mandat a été renouvelé à deux reprises, il n’y a donc aucune chance de voir le texte retoqué par les députés.
Après 50 ans de règne familial ininterrompu, le régime Bongo cherche à travers ces nouveaux articles à monarchiser son pouvoir. Si on y ajoute la militarisation du pays et la surveillance accrue de la population, ceci est tout bonnement inacceptable.
Pendant ce temps, Macron reçoit le président illégitime Ali Bongo à l’One planet Summit le 12 décembre, évènement ayant pour but de mobiliser la finance mondiale afin de lutter contre le réchauffement climatique ! Tout ceci nage dans une parfaite hypocrisie qui nous ferait sourire si elle ne masquait pas le malheur d’un peuple aux prises avec son prédateur.
Les grèves à répétition depuis avril ont pesé sur l’économie gabonaise, avec une perte estimée par l’Etat à environ un milliard de francs CFA (environ 1,5 millions d’euros) par jour de grève. De nombreux blocages ont touché ports et aéroports ainsi que les régies financières et La Poste. Le prix du carburant à la pompe connaît une hausse record au Gabon depuis début décembre, une conséquence de la fin des subventions du carburant au Gabon depuis 2015, indexant ainsi le prix à la pompe au cours mondial du brut en hausse depuis quelques mois. La dette qu’Omar Bongo avait quasiment soldée est passée de 18% du PIB à 58% depuis l’arrivée au pouvoir d’Ali. Le rapport 2016 de la Commission d’enrichissement illicite atteste que 50% du budget de l’Etat est détourné. Le chômage touche 35,7% des 15-24 ans et 26% des 25-34 ans. Plus grave encore, le taux de mortalité maternelle et infantile est l’un des plus élevées d’Afrique, le VIH/Sida frappe plus de 2% des 15-24 ans et, seulement 33% de la population a accès à des installations d’assainissement. Estimé à 37%, le taux de redoublement dans l’enseignement primaire est le plus élevé de tous les pays du monde où cette statistique est disponible.
Depuis maintenant un an et demi, la situation politique du Gabon est bloquée suite à l’élection présidentielle contestée de 2016 qui a reconduit Ali Bongo au pouvoir aux dépens du vainqueur de l’élection Jean Ping. La situation économique et sociale est mauvaise en raison d’une gestion calamiteuse de l’argent public. La solution la plus évidente, à savoir se saisir des prochaines élections législatives comme élément déclencheur de sa révolution citoyenne, en traquant toutes les tricheries et manipulations et en les dénonçant haut et fort afin d’éveiller les consciences, est désormais rendue impossible par les nouveautés constitutionnelles que nous dénonçons. Le peuple gabonais n’a plus qu’un choix à faire : engager un boycott actif des élections accompagné d’une grève tournante, organisée et impactant successivement les différents centres économiques du pays.
Le Parti de Gauche soutient le peuple gabonais dans sa lutte pour l’avènement de la démocratie et le choix décisif qu’il a à faire.
Pierre Boutry
Responsable de la Commission Afrique du Parti de Gauche