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L’ECO et la ZLEC: le spectre de « la charrue avant les bœufs » face à la guerre économique sur le continent

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Un article de Monsieur Kémoko Camara, Porte-parole du mouvement Front Républicain de Guinée

L’hégémonie du grand capital nous a imposé un monde en guerre perpétuelle. Un monde où les plus forts tirent leurs croissances de l’exploitation des plus faibles (économiquement et militairement). Cette guerre se régénère et se perpétue, tout en se manifestant sous plusieurs formes: militaire, économique, commerciale, bactériologique, cybernétique… Elle découle de la volonté de profit et de domination des uns, et débouche sur une société d’exploitation et de misères pour les autres. De l’esclavage, au colonialisme, jusqu’au néo-colonialisme, la volonté de profit d’une minorité correspond toujours à l’exploitation d’une grande majorité. C’est classique! Toutes les nations du monde l’ont compris et se donnent les moyens de cette guerre, refusant ainsi le sort de ceux qui subissent. Seuls les dirigeants africains de cette génération feignent d’ignorer que le renoncement, la faiblesse sont le pire crime qu’un dirigeant puisse commettre contre son peuple, dans ce monde de force brute. En lieu et place de politiques publiques courageuses, ils semblent se conforter aisément dans ce rôle de facilitation du pillage du continent, que le système mondial leur a si savamment intimé. L’objectif de cette tribune, consacrée à la guerre économique sur le continent, est d’apporter un regard critique sur ce qui est proposé par nos dirigeants comme avancées du point de vue « intégration économique »: la nouvelle monnaie ECO et la zone de libre-échange continentale ZLEC.

Contrairement à la guerre militaire, la guerre économique est un ensemble de pratiques antagoniques entre des firmes et des États dans le but du pillage des ressources de l’Afrique et du monopole de son marché. Même si les moyens et le champ d’actions diffèrent, l’objectif reste le même: faire de l’Afrique, l’arrière-cour et la vache à lait pour d’autres Nations. Comme le disait si bien, l’économiste Samir Amin: »… pour le système mondial, l’Afrique utile, c’est l’Afrique sans les Africains ». Nous comprenons aisément pourquoi les idéologues capitalistiques s’égosillent à nous rappeler que « l’Afrique est leur avenir ». Il s’agit là d’une manière cruelle de nous prévenir de leur volonté criminelle de recolonisation, sous sa forme exclusivement économique et commerciale. Cette tribune nous interpelle à la question si (I) la ratification le 30 mai de l’accord sur la zone de libre-échange continentale et (II) l’adoption de l’ECO en tant que monnaie unique ouest-africaine, constituent véritablement des avancées majeures favorisant l’intégration économique sur le continent.

A   La Zone de Libre-Echange Continentale, oui. Mais pour qui?

L’initiative rwandaise pour la création d’une zone de libre-échange continentale est à saluer avec réserves. Elle découle de la vision libérale du panafricanisme de privilégier la circulation des biens et des capitaux et d’en tirer le maximum de profits. Elle est en totale contradiction avec les discours souverainistes que tient le président Kagamé de façon récurrente, car elle permet une ouverture ostentatoire de notre marché aux multinationales, et expose nos producteurs, déjà mal en points, à de la concurrence. Il faut préciser que les tenants de cette vision étaient opposés aux Pères N’Krumah, Sékou Touré, Modibo Keita, Haïlé Sélassié, qui eux, étaient pour une approche politique de l’intégration économique. Il faut préciser également que la création d’un marché commun faisait partie des objectifs dégagés dans l’accord sur l’Union des États Africains (UEA). Une organisation créée en novembre 1958 par les Présidents NKrumah et Sékou Touré, qui sera rejointe en 1961 par le Mali de Modibo Keita, en vue de créer un ensemble Africain plus grand. Cette organisation à but fédéral, fut malheureusement dissoute le 25 mai 1963 à la création de l’OUA. Donc il est clair que le panafricain que je suis, ne peut se réjouir de la ratification « prématurée » de l’accord sur la zone de libre-échange continentale par 25 des 52 États signataires. Parce qu’en Afrique, si certains marchés sont approvisionnés par la banane camerounaise par exemple, il faut savoir par contre, que cette banane, à part qu’elle soit produite au Cameroun, n’a rien de camerounais. Car le profit et les autres avantages seront certainement chinois. A qui profitera donc la ZLEC si les producteurs locaux ne sont pas encouragés et protégés?

• En dehors d’une production poussée sur le continent, en dehors d’une forte industrialisation, en dehors d’un afflux important de produits Africains, La zone de libre-échange continental aura un impact minime sur l’économie du continent, puisque ne circuleront presque que des produits étrangers. Du moment où 80% du PIB africain émane de l’exploitation de ses ressources naturelles, qui elles sont achetées de façon brute, et transformées ailleurs, la ZLEC ne permettra qu’à faire écouler les produits chinois, indiens, pakistanais, ou européens… sur le continent. C’est donc une mesure prématurée qui aurait dû succéder à la maîtrise des productions nationales et l’industrialisation sur le continent.

• la ZLEC est un cadeau fiscal fait aux multinationales, qui pourraient finalement circuler librement sur plusieurs territoires en étant exonérées de tarifs douaniers d’un pays à un autre. Par exemple, les entreprises chinoises pourraient désormais ravitailler toute l’Afrique à partir du seul port d’Abidjan. Ce qui serait un OPTIMUM incroyable pour elles, et un manque à gagner énorme pour les pays continentaux comme le Mali et le Burkina qui, avec la ratification de la ZLEC, ne peuvent plus taxer des marchandises en provenance de la Côte d’Ivoire ou de la Guinée.

• la ZLEC expose nos producteurs locaux à la concurrence déloyale des multinationales. Ce qui peut certes aboutir à la baisse des prix et aider donc au pouvoir d’achat du citoyen de la zone, et peut-être à l’amélioration de la qualité des produits fournis. Mais le danger serait d’exposer nos producteurs au dumping économique. Non seulement les producteurs locaux ne sont pas subventionnés, peu de pays ayant engagé de réformes agraires viables, mais ils ne disposent pas de moyens de résister à la concurrence des multinationales. Ce qui pourrait décourager les producteurs nationaux, qui finiront par devenir des sous-traitants au lieu de développer leurs business et devenir des géants économiques.

• la ZLEC pourrait permettre d’accroître la croissance et créer des emplois, dit-on. Sauf qu’en vérité, la meilleure politique africaine de création d’emplois à cette phase de son développement, reste l’industrialisation, et la relance de la paysannerie qui regorge plus de 60% de la population. Quant à la croissance, ce serait une richesse qui contribuerait au PIB de la chine, de l’Inde, de la France… sans que cela ne contribue à la performance économique sur le continent. Parce que derrière chaque multinationale, il y a un État qui tire son PIB de la richesse de son citoyen à l’étranger.

• la Zone de libre-échange continentale ne favorise pas l’intégration entre les Nations Africaines. Si elle facilite la circulation des capitaux et des biens, elle n’a aucun effet sur la circulation des personnes, ni au rapprochement des populations Africaines. Si au sein de l’union européenne, tout citoyen européen peut circuler librement, le citoyen camerounais lui, devrait toujours prendre un visa pour entrer en Guinée équatoriale ou en Angola pour s’y exposer à la xénophobie. Quelle ironie du sort!

Donc en opposition d’idées avec certains intellectuels, je trouve hormis la baisse des prix, ou la relative possibilité de création d’emplois et l’accès aux produits étrangers par nos populations… la ZLEC aura un impact minime sur les économies nationales africaines. On aurait pu créer une union douanière continentale permettant un tarif douanier commun pour les produits extérieurs, mais cela fera l’objet d’une prochaine tribune.

B   De l’enfumage « ECO »

Le projet de création d’une monnaie unique ouest-africaine censée remplacée le FCFA suscite de l’euphorie auprès des masses africaines. Nous sommes nombreux sur le continent et dans la diaspora à nous réjouir de cette monnaie en perspectives, parce que nous sommes tous réfractaires face au vestige colonial FCFA, et du spectre d’exploitation que cela sous-tend. Ce qui en soit, est vrai, même si nous devrions aussi examiner cette nouveauté qui nous est proposée, dans l’opacité la plus complète, par ceux-là même qui hier, nous disaient que le FCFA garantissait nos économies. Mais avant toute chose, qu’il me soit permis d’abord de saluer l’action de tous ceux qui ont porté ce combat de souveraineté monétaire, que ça soit sur le continent et dans la diaspora. D’abord les fronts anti-FCFA, les politiques panafricains, la société civile panafricaine… Un spécial respect au Pr Nicolas Agbohou, au Ministre Kako Nabukpo, Mamadou Coulibaly, Wilfried EKANGA EKANGA, Kémi SEBA, Mohamed Konaré… Ensemble, nous venons de fragiliser l’un des vestiges du colonialisme français. Soyons en fiers et redoublons de vigilance. Maintenant la question qu’il faille se poser est la suivante: Qu’est-ce que l’ECO? Quelle est son origine? Qu’est-ce qu’elle va changer dans la vie des citoyens africains? Pourquoi tant d’opacité?

Pour savoir donc ce que l’ECO va changer dans le quotidien de nos populations, il convient au prime abord de faire l’état des lieux de ce vestige colonial FCFA. Qu’est-ce que c’est que le FCFA? Qu’est-ce que les panafricains lui reprochent ?

• le FCFA, c’est d’abord, l’arrimage en parité fixe à la banque de France et au système monétaire français. cette prérogative discrétionnaire conférée à la France d’émettre et de contrôler la masse monétaire de 14 pays sur le continent. Selon l’économiste Serge Nicolas NZI, « il n’y a aucun africain au sein du comité de gestion du FCFA au trésor public français, même à titre d’observateur »
• le FCFA, c’est ensuite, la confiscation de 65% des réserves bancaires au trésor public français. Des milliards de manque à gagner dans le circuit de développement des pays de l’UEMOA et de la CEMAC, à travers ce fameux compte d’opérations. Ces fonds qui devraient être destinés à satisfaire aux exigences de développement de ces pays.
• le FCFA, c’est aussi 42,7 tonnes d’or comme garantie de la monnaie auprès de la banque de France, même si la France nous dit que c’est elle qui garantit cette monnaie. A noter que ce stock confère à la France, le rang de troisième détenteur mondial d’or, alors qu’elle n’a pas une seule mine d’or sous son territoire métropolitain.
• le FCFA, c’est aussi le contrôle de la masse monétaire, donc du pouvoir d’achat de plus 180 millions d’habitants, qui contribuent par un mécanisme de servitude monétaire, à enrichir une Nation autre que les leurs.
• le FCFA, c’est surtout un facteur de corruption entretenu entre les élites corrompues françaises et africaines, par la libre transportabilité des fonds alloués au développement via des entreprises françaises.
• le FCFA, c’est enfin un facteur de désintégration, quand on sait que les pays qui l’utilisent sont économiquement coupés du reste du continent. Ces pays se retrouvent dans une sorte d’enfermement économique et diplomatique, contrôlé par la France. Ce qui prive le continent de constituer une véritable force économique et monétaire pouvant générer des centaines de milliards. Même les deux zones CFA (de l’ouest et du centre) ont du mal à établir une véritable intégration économique entre elles.
Il est clair que la pratique de cette monnaie a prouvé qu’elle est un handicap à la souveraineté monétaire et à la performance économique de 14 pays du continent. Donc toute monnaie qui nous permet de sortir de cette servitude monétaire, ne peut que théoriquement nous réjouir, même si un certain nombre de questions doit nous interpeller.

Qu’est-ce que l’ECO ? Qu’est-ce qu’elle va changer dans le quotidien du citoyen ouest-africain? Les États ouest-africains seront-ils prêts pour l’échéance 2020?

Le projet d’intégration monétaire ouest-africaine émane de la volonté de 5 États de créer une monnaie unique, contrôlée et gérée par les africains eux-mêmes. Le Nigeria, le Ghana, la Guinée, la Sierra-Leone, la Gambie et le Liberia (depuis 2010) ambitionnèrent de créer la ZMAO pour pallier aux insuffisances du FCFA et réunir tous les pays de la CEDEAO au sein d’une seule et même zone d’intégration monétaire. Conscients de l’aspect colonial du FCFA et des limites des micro-économies balkanisées dans ce monde impitoyable et concurrentiel, certains dirigeants de la CEDEAO ont émis la volonté manifeste de rapprocher et d’intégrer nos économies pour parvenir a un ensemble économique et monétaire plus grand.

La création d’une union monétaire élargie à toute l’Afrique de l’Ouest était donc prévue en deux étapes distinctes. La première qui devrait consister en la création d’une seconde zone monétaire (ZMAO: Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest), regroupant les pays de la CEDEAO non-membres de l’UEMOA (Gambie, Ghana, Guinée, Nigeria et Sierra Leone, et la deuxième étape, qui elle, devrait consister en la fusion des deux zones monétaires, UEMOA et ZMAO, pour parvenir à la création d’une union monétaire élargie. L’objectif final était donc de rassembler les deux zones monétaires: la ZMAO et l’EUMOA. Cette ambition certes très noble, est restée un vœu pieux du fait du degré de divergences au sein de la CEDEAO.

Le chemin s’est révélé miné par de multiples dissensions d’ordre soit idéologique que pratique (critères de convergence). Au lieu d’aboutir à deux zones complémentaires, nous nous sommes retrouvés face à deux farouches oppositions, deux positions antagoniques presque irréconciliables, deux visions de la politique monétaire aux antipodes l’une de l’autre: la ZMAO (le Nigeria, le Ghana, la Guinée, la Sierra-Leone, la Gambie, le Liberia) et l’UEMOA (la Côte-d’Ivoire, le Mali, le Bénin, le Niger, le Togo, la Guinée-Bissau, le Sénégal, le Burkina-Faso). Deux zones avec leurs contraintes, leurs limites. A cela s’ajoute le Cap-Vert qui préfère le statut d’État observateur, et qui ne s’engagera que lorsque le projet aura réussi.

Notre travail s’articulera donc à démontrer comment l’incapacité des Africains de s’unir face aux enjeux importants, vient encore entraver cet ambitieux projet souverainiste.

Cependant quelles sont les prétentions respectives des deux zones? Quels sont les facteurs qui bloquent cette intégration? L’échéance 2020 serait elle techniquement tenable?

Le calendrier initialement prévu, avec la création de la ZMAO en 2003 et la fusion des deux zones en 2004, a été plusieurs fois modifié et les échéances repoussées, suite au non-respect des critères de convergence posés pour la création de la seconde zone monétaire

Première étape: La Zone Monétaire de l’Afrique Occidentale, initiée depuis les années 80, son premier lancement prévu en 1983 fut reporté. Et depuis, le lancement a été reporté quatre fois du fait de l’insatisfaction des critères internes de convergence, entre autres choses, des pays membres. il faut regretter que jusqu’à ce jour, elle n’ait pas réussi à se mettre sur pied. S’il faut donc dénoncer la servitude monétaire des pays de l’UEMOA, la ZMAO quant à elle, est la preuve cruelle de l’incapacité de l’élite africaine à résoudre les problèmes du continent. Depuis près de 3 décennies, les 6 États se sont révélés incapables de remplir les critères de convergence et de stabilité qu’ils se sont eux-mêmes imposés. Ces critères sont pourtant les conditions sine qua non en vue de la mise en place des premières mesures. L’assainissement des finances par exemple, l’un des critères les plus importants. Nous constatons la présence des pays leaders de la ZMAO comme le Nigeria et la Guinée dans le classement « Transparency International » des pays les plus corrompus. Même s’il faut prendre ce classement avec réserves du fait que c’est souvent orienté, il faut quand-même reconnaître que le Nigeria, la Guinée et le Liberia ne sont pas des modèles en matière de gestion éthique. Cette indiscipline a des répercutions sur les recettes fiscales (qui elles, devraient être supérieures à 20% du PIB) ou sur le financement du déficit budgétaire par la banque centrale… Autres critères, la balance commerciale, qui n’est autre que le rapport entre les importations et les exportations d’un pays. Plus les importations d’un pays sont supérieures à ses exportations, sa balance commerciale s’en trouve déficitaire. Au cas contraire, si les importations sont inférieures aux exportations, la balance s’en trouve excédentaire. En faisant cet exercice pour les pays de la ZMAO, l’on se rend compte sans surprise, qu’à part le Ghana, et le Nigeria, tous les autres ont leurs balances commerciales déficitaires. Pour le cas de la Guinée, depuis les années 90. Du point de vue du taux d’inflation, presque aucun de ces pays n’a une situation reluisante. Le Nigeria entré en récession en 2017 est à 11,4%, le Ghana et la Guinée affichent chacun un taux d’inflation de 9%, la Sierra-Léone est à 17.46, le Liberia à 23% et la Gambie 6,9%. Pendant que la moyenne retenue dans les critères de convergence est de 3%. Hormis le taux d’inflation, notre analyse s’est portée sur les réserves brutes et le déficit budgétaire qui devrait être inférieur à 4%. Bref, en raison de l’insatisfaction des critères de convergence et de stabilité, la réalisation de cette zone monétaire semble ne plus être préalable au lancement de la zone monétaire unique de la CEDEAO.

Deuxième étape: le défi de l’harmonisation monétaire: En dépit des multiples lourdeurs politiques dans le processus de lancement de la ZMAO, le projet de la monnaie unique se trouve confronté à un autre défi. Celui de l’harmonisation monétaire entre l’UEMOA et les autres pays de la région. En effet, hormis l’aspect de la convergence technique des deux zones, la difficulté de l’harmonisation monétaire trouve sa raison d’être dans les divergences de visions politiques. Les dirigeants des deux zones sont divisés sur presque tout. il ya eu oppositions d’abord sur les symboles, comme l’appellation, ensuite dissensions sur la domiciliation des réserves de change, dissensions sur la flexibilité ou encore sur le régime de change, ou surtout les querelles de leadership entre le Nigeria, le Ghana et la Côte d’Ivoire. Les dirigeants ouest-africains sont divisés sur presque tout.

• Concernant l’appellation par exemple, les pays de la ZMAO proposaient l’AFRI pendant que les pays de l’UEMOA ont réussi à faire passer l’appellation « ECO ». En tant que symbole, si le FCFA a disparu, l’ECO reste tout de même un symbole colonial qui prend ses origines dans l’ECU (European Currency United), qui était l’ancêtre de l’euro. Ce qui est un recul pour des pays comme la Guinée qui on sait, avait le SYLI (emblème de la Nation), le Nigeria, le Ghana surtout et le Cap -Vert. Ces pays avaient comme symboles monétaires, des appellations nobles de sens. L’Eco vient refroidir les ambitions souverainistes des Africains.

• Il y a aussi le choix du régime de change extérieur, fixe ou flexible, pour l’union monétaire élargie. Cet aspect reste sujet à tractations entre les gouvernements des pays concernés, ce qui risque de retarder la deuxième étape du processus d’intégration monétaire, voire même de fausser tout le projet. Parce que c’est un dissensus de fond. Si pour les pays de la ZMAO, il faut un taux flexible, la Côte d’Ivoire et le Sénégal exigent de maintenir toujours la parité fixe à l’euro. Au cas où les pays membres choisiraient une fixité du change, il faudrait encore décider de la monnaie d’arrimage, euro, dollar ou panier de monnaies qui, de préférence, doit refléter le poids de ces monnaies dans le commerce extérieur des pays de la CEDEAO. Là encore de couper tout lien avec la banque de France.

• Autre dissensus important, la question du siège de domiciliation. Le Nigeria en raison de son poids économique (77% des exportations de la région, 450035 de balance commerciale, 41% des transactions internes…) se propose d’abriter le siège de la future banque centrale. Les pays de l’UEMOA ont proposé un deuxième siège à Abidjan dont les comptes par contre, seront domiciliés à la banque de France. Ce qui est inique, du jamais vu dans l’histoire des intégrations économiques.

• Enfin, le non respect du calendrier de 2020. Pour les pays de la ZMAO, l’échéance de 2020 n’est pas tenable, il faut donc d’abord remplir tous les préalables: rédiger le traité de l’union, remplir les critères de convergence, le retrait de la banque de France et de son trésor… Mais pour les pays de l’UEMOA, il faut privilégier une approche gradualiste de l’intégration (proposition nigérienne). C’est à dire: les pays FCFA qui sont prêts n’ont qu’à s’engager, ils pourraient être rejoints par les autres. Ce qui serait dangereux, parce qu’ils s’engageront dans une union sur fond de discorde. Ce serait donc simplement un changement d’appellation pour les pays FCFA et la fin de l’ambitieux projet souverainiste.

A travers ces oppositions: l’appellation ECO, la question du double siège, la question de la fixité de change, le maintien des liens avec la banque de France, nous entrevoyons encore la main sournoisement déstabilisatrice de la France impérialiste dans les affaires internes des Africains. C’est dire qu’à chaque fois que les dirigeants africains se révèlent incapables de s’entendre sur des questions existentielles, c’est que la France aura planté, à travers des pions, des germes de la division.

En définitive, nous constatons contrairement à ce qui nous été vendu, que la ZLEC et l’ECO, loin de constituer des avancées intégrationnistes, sont en vérité des armes aux mains des forces exogènes pour exercer et perpétuer leurs monopoles économiques sur le continent. D’abord la ZLEC qui, face au piège de l’ouverture, expose nos agents économiques (entreprises et industries) non compétitifs, à la concurrence. Mais aussi l’ECO, qui risque de sceller le sort de l’ambitieux projet de la monnaie unique ouest-africaine. Car sans les pays de la ZMAO, éliminés par les fameux critères de convergence, l’ECO ne sera que le continuum du FCFA, et permettra ainsi à la France de garder sa main basse sur l’économie de 8 pays de la sous-région. Quelles perspectives cependant pour corriger la débâcle ?

Références
• Rapport final de la réunion du comité ministériel sur le programme de la monnaie unique de la CEDEAO ….……………………….. 18 juin 2019
• Étude sur le suivi des progrès en matière de politique macroéconomique et de convergence institutionnelle en Afrique de l’Ouest………Mars 2014
• Le_FCFA_un_obstacle_pour_le_développement ……. Nicolas AGBOHOU 2014
• Vision 2020 de la CEDEAO ……………………… Juin 2010
• Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMAO), Rapport sur l’évolution des taux de change des monnaies de la CEDEAO à la fin 2007, 2008
• https://fr.tradingeconomics.com/countries

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