A propos du Franc CFA : Non Monsieur Bruno Le Maire !
Il ne s’agit pas d’une « réforme ambitieuse du franc CFA », mais, il s’agit bien, pour les pays membres de « l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine » (UEMOA), de son abandon au profit de la monnaie commune de la « Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest » (l’ECO).
Le sort du Fr CFA au sein de l’UEMOA n’est pas lié à celui de la « Communauté Economique de l’Afrique Centrale » (CEAC), pour la bonne raison qu’ils ne peuvent même pas s’inter changer directement.
Aucune de ces monnaies n’est valable dans le territoire de l’autre, même si ces Etats ont les mêmes accords monétaires avec la France.
En cherchant à lier ainsi leur sort dans le cadre d’une « réforme ambitieuse », la France manœuvre pour contrer l’abandon du Fr CFA par les pays de l’UEMOA au profit de l’ECO.
Il ne s’agit donc pas pour les pays de l’UEMOA d’en discuter avec ceux de la CESAC, sous l’arbitrage de la France, mais bien d’une décision souveraine collective des pays de l’UEMOA, de participer à la création de l’ECO en 2020.
Pour la première fois dans l’histoire du Fr CFA, à l’exception de la Mauritanie qui était fortement soutenue par les pays arabes, la France est confrontée à son abandon collectif, et non individuel comme auparavant, ce qui lui permettait de réprimer le pays qui osait réclamer son départ de la Zone Franc.
L’Union faisant la force, avec les pays de l’UEMOA, soutenus par le Nigéria et le Ghana dans leur ambition commune de créer une monnaie commune en 2020, les marges de manœuvre de la France, se sont réduites comme une peau de chagrin.
Ainsi, sa proposition de « réforme ambitieuse du Fr CFA », est une tentative désespérée pour briser la solidarité entre les pays de l’UEMOA, pour sauver ses intérêts économiques et stratégiques dans cette zone.
Mais, la seule réponse de dignité de nos Chefs d’Etat, c’est d’entamer dès maintenant les procédures de retrait de nos 50% de réserves du Trésor Français à confier à notre Banque Centrale, et le départ de tous les Français qui siègent dans les organes de gouvernance de cette Banque, pour mieux préparer l’avènement de l’ECO en 2020, avec les pays ayant respecté les critères de convergence retenus.
C’est dans ce cadre que les pays membres de l’UEMOA pourraient entamer des négociations avec la Banque Centrale Européenne, et non avec la France, pour mettre fin à la parité fixe entre le CFA et lt l’Euro, en faveur d’un taux de parité flexible déjà décidé par les pays membres de la CEDEAO.
C’est ce tournant historique pour les pays de l’UEMOA, que la France cherche à bloquer, avec l’appui de ses hommes liges dans nos pays, au sein des Gouvernements, des Universités, et de la Société civile.
D’où la nécessité d’un vaste rassemblement des forces vives des pays de l’UEMOA, pour soutenir la volonté exprimée par nos Chefs d’Etat de créer l’ECO en 2020.
Les panafricanistes de toutes obédiences, sont interpellés pour barrer la route à cette nouvelle, et certainement pas la dernière, manœuvre des Autorités Françaises, pour maintenir nos économies sous sa coupe réglée !
Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
Dakar le 15 Octobre 2019,
La position du PIT sur la question de la monnaie commune CEDEAO
Dans les « Thèses d’orientation et de Programme » adoptées lors de son VI ème Congrès en 2016, le PIT avait d’ores et déjà décliné sa feuille de route à propos de la CEDEAO et de sa Monnaie commune.
Voilà un extrait de ces « Thèses », consacré à cette question.
« Ainsi, pour une croissance forte, en mesure de sortir nos peuples du sous- développement, il est devenu impérieux de mettre fin aux accords monétaires entre les pays de l’UEMOA et la France, qui ont institué la Zone Franc, et l’arrimage de sa monnaie à l’Euro.
Par conséquent, l’avènement de la monnaie commune au sein de la CEDEAO représente une opportunité, pour les pays de l’UEMOA, pour retirer leurs réserves du Compte d’Opération du Trésor Français, et participer à la création de cette monnaie commune sous régionale non arrimée à l’Euro.
D’autant que le maintien de la Zone Franc et de l’UEMOA, s’il est un obstacle au développement économique des pays membres, l’est aussi pour la consolidation de la CEDEAO à travers l’adoption d’une monnaie commune.
Au total, la création du « G5 », dans le cadre de l’ « Opération Barkhane » de la France, et la mise en place, sous le sillage d’ARICOM des USA, du « Comité inter Régional pour la Sûreté et la Sécurité du Golfe de Guinée », présidé par le Sénégal, sont le résultat de rapports de forces au sein de la CEDEAO, qui sont favorables aux intérêts géostratégiques de ces grandes puissances impérialistes, contrôlées par les tenants du « complexe militaro industriel et financier » de ces deux pays.
Il se trouve qu’aux aléas du marché que nous impose notre intégration dans le système d’exploitation capitaliste à sa phase de financiarisation mondialisée, s’ajoutent les changements climatiques qui rendent vulnérables nos agricultures, affaiblissant ainsi nos capacités de production.
Les effets négatifs du changement climatique sur nos ressources naturelles, (végétales, animales et minières), nos capacités de production, et notre mode d’habitat en milieu rural, exacerbent à souhait les difficultés résultant de notre dépendance économique et politique, et nous posent des défis, comme celui de Ebola, que nos pays, pris individuellement, sont incapables de relever.
La CEDEAO est donc devenue, pour nos Etats, un enjeu stratégique, et un challenge à relever, pour non seulement réunir les conditions nécessaires au recouvrement de notre souveraineté politique, économique, et culturelle, mais aussi, pour faire face aux changements climatiques, grâce à son potentiel hydraulique et énergétique.
Elle est aussi la voie obligée, pour nos peuples, pour aller vers l’Unité Africaine.
C’est cet impératif qui devrait faire de la CEDEAO, un enjeu de politique nationale dans chaque Etat membre.
Pour ce faire, il est nécessaire que la CEDEAO se dote d’une Institution Législative constituée d’une « Assemblée Fédérale », élue au suffrage universel direct dans chaque Etat membre, à la place de la « Chambre consultative » actuelle, et d’un Sénat, dont les membres seraient les Chefs de l’Etat des pays membres élus au suffrage universel direct dans leurs pays respectifs.
Le Senat élirait en son sein le Président de l’Etat Confédéral de la CEDEAO, et l’Assemblée Fédérale nommerait un Premier Ministre issu de ses rangs.
Une telle configuration institutionnelle de la CEDEAO permettrait de mettre la monnaie commune en 2020, au service d’une politique économique visant l’intégration des Etats et peuples d’Afrique de l’Ouest.
Sans une telle évolution institutionnelle concomitante, la monnaie commune vivra les mêmes avatars que vit l’Euro aujourd’hui, c’est-à-dire, se mettre sous le contrôle du Capital financier.
Ainsi, les agendas politiques pressants dans notre Sous- région sont devenus la consolidation du marché commun obtenu grâce au TEC, la création d’une monnaie commune en 2020 et la mise en place des forces de Défense et de sécurité communes, sous l’égide d’un Gouvernement fédéral.
La prise en charge de ces « agendas », dans chaque Etat membre, pour ce qui est des luttes politiques nationales, devrait contribuer à rassembler toutes les forces vives acquises à cet objectif dans chaque pays, afin que la lutte pour des Alternances démocratiques en fasse une partie intégrante des programmes alternatifs soumis à nos peuples.
Au total, le problème dans notre sous-région réside essentiellement dans la nature sociale des forces qui contrôlent les Etats, et non dans l’absence de ressources naturelles et humaines, en mesure de satisfaire aux exigences de souveraineté et de développement économique et de justice sociale, dans la sauvegarde de notre environnement.
Ainsi, c’est de l’issue des rapports de force au sein des Partis politiques et dans la société civile à l’intérieur de chaque pays, et dans la sous-région, autour des défis de souveraineté nationale et d’intégration sous régionale, que dépendent le succès ou l’échec du projet de partition de nos Etats et de leur mise sous tutelle, et nos capacités à relever les défis du développement de nos peuples, et de la dégradation de l’environnement.
Le mouvement de libération nationale, dans notre sous-région, entre donc dans une nouvelle phase qui impose la promotion d’une vaste alliance des forces patriotiques acquises à la République démocratique et citoyenne de justice sociale, dans chaque pays, pour venir à bout des forces qui, dans nos pays respectifs et dans la sous-région, sont au service des objectifs géostratégiques de la France et des USA. »
Mon commentaire :
Depuis lors, les évènements ont orienté nos Chefs d’Etat dans la bonne direction.
En effet, les critères de convergence économiques ont été adoptés au Niger, pour permettre la mise en place de la monnaie commune, l’ECO, dès 2020, dotée d’un taux de change flexible par rapport à un panier de devises.
Ensuite, l’aggravation de la déstabilisation du Mali, du Niger, du Burkina face à l’impuissance du « G5 », d’une part, et du Nigéria, d’autre part, par les organisations islamistes djihadistes et leurs menaces ouvertes proférées contre le Sénégal, la Guinée et la Côte d’Ivoire où vit une grande Communauté Pular, ont amené nos Chefs d’Etat, lors de leur récent sommet au Burkina, à décider de réunir nos Forces de Défense et de Sécurité, pour mieux faire face et assurer en commun la sécurité de leurs peuples et l’intangibilité de leurs frontières héritées du colonialisme.
Ainsi, avec le TEC, l’ECO et l’organisation commune de nos forces de défense et de sécurité, l’intégration sous régionale a franchi des étapes importances qui restent à consolider par une intégration politique des Etats de la CEDEAO.
Ni la France, ni l’Union Européenne ne peut rester indifférente face à cette évolution, qui signe leur perte de parts de marché et d’influence politique dans nos pays.
Mais les Etats Unis peuvent y voir une opportunité pour mieux contrôler le Golfe de Guinée, pour la défense de ses intérêts économiques et géostratégiques qui sont menacés par la Chine.
Il ne s’agit donc pas pour la CEDEAO, de changer un « maître par un autre », mais bien de consolider son intégration pour mieux assurer sa souveraineté et la sécurité de ses peuples, et se positionner dans les enjeux posés par l’avènement « la Zone de Libre Echange Continentale d’Afrique » (ZLECA).
Ce sont la signification de ce tournant historique et les défis qu’il pose à nos Etats et à nos peuples, que l’on cherche à occulter dans des agendas électoraux explosifs, qui absorbent l’essentiel des énergies des forces vives de nos pays, dans une lutte fratricide pour le contrôle du pouvoir, et non « autour des défis de souveraineté nationale et d’intégration sous régionale, que dépendent le succès ou l’échec du projet de partition de nos Etats et de leur mise sous tutelle, et nos capacités à relever les défis du développement de nos peuples, et de la dégradation de l’environnement ».
C’est dans ce cadre que se situent ceux qui jettent le doute sur la faisabilité de l’ECO en 2020, visant à désarmer les forces vives de nos pays, pour isoler nos Chefs d’Etat qui seront ainsi, pour les grandes puissances occidentales, des proies plus faciles à influencer ou à destituer si nécessaire.
Les pan- africanistes de tous bords, au pouvoir, dans l’opposition et dans la société civile, sont interpelés !
Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
Dakar le 18 Octobre 2019