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BURUNDI : Ndayishimiye ou une année au pouvoir dans la continuité de Nkurundziza

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Depuis le 18 Juin 2021, le Général Evariste Ndayishimiye a célébré son premier anniversaire à la tête de l’État burundais. Certes, une année au pouvoir  est courte pour faire un bilan. Mais l’expérience aura montré que comme dans d’autres pays, c’est durant cette période que tout nouveau président d’un pays met tout son paquet, pour se démarquer des ratés de son prédécesseurs et de la platitude des faits et gestes routiniers de tout pouvoir partant et donc usé.

Notre propos vise précisément à dresser succinctement  un tableau objectif des réalisations du pouvoir Ndayishimiye, tableau qui ne correspondra certainement pas à celui lui dressé par ses ouailles qui se sont retrouvées à Gitega, capitale politique burundaise dans un marathon de prière pour célébrer dans l’eucharistie une année au palais présidentiel.

Parlons de ces prières précisément. Car il s’agit d’actes plus politiques que religieux.  Monseigneur Ntamwana, Archevêque de Gitega, qui présidait à cette grande messe ne s’y est pas trompé et a refusé de se laisser berner.  En appelant son auditoire à un minimum de respect de l’être humain, créé à l’image de Dieu, le prélat venait d’accuser. Il a pratiquement imploré les tueurs du régime à cesser de verser le sang de leurs frères.   C’est pour dire que comme durant le règne de son prédécesseur, le respect des droits de l’homme est le cadet des  soucis du régime de Gitega. Le fait qu’un prélat se mette pratiquement à genoux pour implorer directement, les yeux dans les yeux, les assassins à cesser de tuer, montre d’abord l’ampleur du drame, et l’incapacité de tous les acteurs nationaux et internationaux à faire fléchir les tortionnaires, ensuite. Cela donne l’image de cet agneau se mettant à genoux et demandant au loup toujours insatiable de ne pas le dévorer.

Très soucieux de voir l’Union européenne lever les sanctions frappant le Burundi du fait de son non- respect des droits de l’homme, la présidence du Burundi vient de faire une grave erreur de communication, en annonçant sa levée. Erreur car d’abord ce n’est pas vrai, erreur ensuite car, quand bien même cela aurait été vrai, ce n’est pas de cette manière qu’Évariste Ndayishimiye aurait voulu l’annoncer. Il semble qu’il se préparerait à visiter  certains pays de l’UE. Il  aurait sans nul doute préféré faire un retour triomphant avec pour trophée la levée des sanctions économiques qu’il prendrait soin d’annoncer lui-même. Là on lui a volé la vedette, et la porte-parole en a sans doute payé les frais.

Sur cet aspect des droits de l’homme donc, le régime d’une année d’Evariste Ndayishimiye n’a pas marqué beaucoup de points, sauf que de belles intentions sont élaguées par ci par là. Il semble que le chef de l’Etat aurait du mal à convaincre ses collaborateurs à mettre fin à certaines pratiques héritées du pouvoir Nkurunziza. Et c’est peut-être par pitié que l’UE voudrait faire ce geste de sauvetage d’un bateau qui commence à tanguer. Mais le plus grave sur ce point pour le général-président est qu’il est resté dans les mêmes bottes de son prédécesseur, en maintenant un État théocratique  au lieu de proclamer un État laïque, quitte à changer la constitution taillée à la volonté et aux caprices de Pierre Nkurunziza. Tous les États théocratiques sont dangereux, qu’ils soient chrétiens,  islamiques ou autres, car impliquant l’usage et la croyance en l’irrationnel. Pour illustrer cet état des droits de l’homme au Burundi, les organisations locales et internationales des droits de l’homme crédibles font un bilan sombre   sur l’état des droits de l’homme au Burundi. Dans une lettre adressée au président de la République le 18 juin 2021,   la plus ancienne et crédible ligue des droits l’homme au Burundi n’y pas par quatre chemins, elle constate que « …depuis une année que vous (Evariste) exercez le pouvoir suprême au moins 554 personnes ont été tuées dont 118 sont des femmes…votre régime est comptable de 20 % des victimes de la crise née du troisième mandat contraire à l’accord d’Arusha… ».

C’est sur le plan de la politique intérieure que l’actuel chef de l’État a le plus échoué. Il a été incapable de se démarquer de son prédécesseur, en se refusant notamment d’ouvrir l’espace politique que s’est accaparé le parti au pouvoir. Il s’agit ni plus ni moins que d’un hold-up politique qu’entretient E. Ndayishimiye malgré ses déclarations de bonnes intentions, mais rarement suivies de faits et d’effets.  La politique est marquée par des faits qui à leur tour marquent les esprits. Le chef de l’État se contente des promesses évasives. Il a le devoir de laisser les partis politiques s’épanouir dans une démocratie ouverte et non balisée. Il a échoué à ne pas laisser les acteurs politiques et ceux de la société civile rentrer dans le pays sans aucune entrave, sans aucune menace, sans épée de Damoclès sur leurs têtes respectives. Cette démocratie au compte-goutte, quand il s’agit par exemple de libéraliser les médias est plus que  suspecte. La liberté de chacun ne devrait avoir pour limite que là où commence celle de l’autre.

Sur le plan économique, les richesses du pays sont restées dans les mains d’une oligarchie mafieuse   d’individus occupant des postes politico-administratifs, c’est une bourgeoisie compradore insatiable qui s’est constituée progressivement depuis la gouvernance  de Nkurunziza. Ils ont mis le pays en coupe réglée depuis les 15 ans du pouvoir CNDD-FDD et le président Ndayishimiye a été incapable de changer quoi que ce soit en la matière ou tout au moins à montrer des signes d’une volonté  d’un réel changement, le peuple assiste impuissant  à un  changement dans la continuité. La corruption qu’il a dit vouloir combattre s’est insidieusement renforcée, à tel point que les déclarations des biens des dignitaires, promises au lendemain de la prise du pouvoir ont été purement et simplement récusées par le même Ndayishimiye. Et pourtant, une telle déclaration des biens des dignitaires est une obligation constitutionnelle. Tout le pays  rigole de ce retournement de veste. Tout comme il se moque des promesses non tenus des salaires aux retraités il y a près d’une année.

Les richesses naturelles du pays sur lesquelles devraient compter le peuple, les minerais notamment, continuent d’être siphonnées et pillées par les barons du régime en connivence avec d’impénitents hommes d’affaires étrangers et des multinationales rapaces. A telle  enseigne que certaines autorités du pays affirment cyniquement aujourd’hui ne pas savoir où sont disparus les minerais extraits du sol burundais.

Plus grave est le cynisme des dirigeants qui ne laissent même pas tranquille cette population affamée pour s’occuper de leurs petites activités. Ils sont ballottés entre des travaux communautaires hebdomadaires dont ils n’ont pas encore vu les résultats, les retraites devenus rituelles et fréquentes, des réunions incessantes et menaçantes des militants du parti au pouvoir, des élections des organes du parti au pouvoir etc…

Le résultat de tout cela est la paupérisation de toute la société. La misère et le chômage  qui gangrènent la population fait peur. Ils sont est le résultat de cette situation d’un pays qui n’obéit à aucune règle de gestion. Comment peut-on en être autrement quand les plus hautes autorités de la République font même  le culte de la médiocrité, se moquant ouvertement des personnes diplômées ? Le savoir intellectuel n’a plus de valeur, tout comme toutes les valeurs sur lesquelles était bâtie la société se sont effondrées.  Ndayishimiye donne l’impression de vouloir les relever, mais tout reste au niveau du verbe, sans réel engagement.

Le chômage actuel des jeunes devrait donner des cauchemars au pouvoir de Bujumbura. Près de 70% de la population en majorité des jeunes vit dans un chômage institutionnalisé. La valeur de l’IDH (Indice de Développement Humain) du Burundi   s’établit à 0.43 – ce qui place le pays dans la catégorie « développement humain faible » et au 185e rang parmi 189 pays et territoires. Le Burundi vient de monter sur la première marche de ce triste podium, avec un produit intérieur brut de 267 US dollars, d’après les estimations publiées par le FMI en octobre 2020. Le Burundi devient le pays le plus pauvre du monde.  Tout cela est le résultat d’une mauvaise orientation du financement de l’investissement, de la fuite de l’épargne à l’étranger, de la corruption endémique, de la dilapidation et la privatisation des entreprises publiques,  de l’absence d’investissements productifs et surtout d’un climat de terreur qui règne dans le pays. Une infime minorité de l’oligarchie s’est improvisée dans des affaires louches, faisant ainsi main basse sur les secteurs rentables comme la cimenterie, la brasserie, les engrais etc…Tout cela constitue un échec de cette année de pouvoir de  Ndayishimiye.

Au niveau diplomatique, le Burundi a une piètre image dans le concert des Nations. Certes, Ndayishimiye montre des signes d’ouverture caractérisés exclusivement par des visites dans d’autres pays soumis eux-mêmes à des régimes dictatoriaux, chose que son prédécesseur s’était gardé de faire. Mais y aller est une chose, ce que le pays en récolte en est une autre. Que peut-on récolter d’une visite où un chef d’État se déclare être un enfant d’un autre chef d’État alors qu’ils n’ont aucun lien de consanguinité ? C’est pourtant ce qu’a fait le président Ndayishimiye auprès du défunt président tanzanien John Magufuli, et le président Museveni de l’Ouganda ! Le  Burundi donne l’impression de n’avoir aucune place dans les organisations sous-régionales. Les tentatives de se rapprocher de Kigali se sont pratiquement évaporées, les relations avec notre voisin de l’Ouest, la RDC, sont des plus opaques, alors que l’on s’interroge sur l’état des relations avec la Tanzanie après la disparition tragique de John Magufuli sur qui  le président Ndayishimiye semblait avoir misé comme parrain.

Bref, l’année 1 de  Ndayishimiye donne l’impression d’être un véritable échec sur toute la ligne et dans tous les domaines (politique, économique, social, culturel, diplomatique…). Sera-t-il en mesure de lever ces défis durant la deuxième année de sa mandature ? L’avenir nous le dira. En attendant, le régime n’a pas à  pavoiser car il a un gros morceau de pain de la planche.

Par Bisese Salvator militant du CNDD

 

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